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Bloqué dans son isoloir cosmique, Philippe Boulier vote Thomas Day dans la Bibliothèque Orbitale, avec la lecture de son recueil Women in chains et de son roman inédit Du sel sous les paupières !
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Bloqué dans son isoloir cosmique, Philippe Boulier vote Thomas Day dans la Bibliothèque Orbitale, avec la lecture de son recueil Women in chains et de son roman inédit Du sel sous les paupières !
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En attendant la sortie de Points Chauds et Aliens, mode d'emploi, Laurent Genefort nous fait une fleur : une nouvelle inédite, située dans l'univers des deux ouvrages, à télécharger gratuitement ou à lire en ligne !
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Point chauds, le nouveau roman de Laurent Genefort et Aliens, mode d'emploi, l'indispensable manuel de survie en situation de contact ET sont désormais disponible à la précommande !
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Archeur, roman de Thierry Di Rollo paru en 1998 chez Encrage est désormais disponible au Bélial' en version numérique.
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On connaissait déjà Andrew Weiner pour son fort recommandable roman En approchant de la fin, et pour son excellent recueil Envahisseurs !, tous deux publiés aux éditions du Bélial' et réédités en poche chez Folio « SF ». C'est d'ailleurs de ce recueil que vient son dernier opus, extension de la nouvelle « Des nouvelles de D-street » en un roman de 390 pages bien tassées, pour un bouquin inédit en français paru directement en poche, ce qui est suffisamment rare pour être souligné — à ce titre, si Pocket nous a proposé deux inédits en mars (cf. critiques in Bifrost n°42), on remarquera qu'en avril, Folio « SF » a fait de même, ce qui nous amène à un total de quatre inédits poches en S-F sur deux mois, ce qu'on n'avait plus vu depuis longtemps…
Tout commence comme un polar hard-boiled school dans la plus pure tradition du genre, façon Dashiell Hammett ou Raymond Chandler. Joe Kay est un privé qui boit plus que de raison. Il se voit chargé par un étrange client, nommé Joe Lazare, de retrouver un cadre des archives municipales. Ça tombe bien, puisque Joe Kay est le spécialiste de la recherche des personnes disparues.
Sauf que nous sommes en pleine S-F. S-F qui apparaît par petites touches successives, au fur et à mesure des doutes qui assaillent le héros et le lecteur au fil de la progression de l'enquête. Tout tient en fait à la ville. Elle semble prise dans une guerre qui dure depuis des lustres, et abrite de nombreuses usines d'armement, bien qu'elle ne soit curieusement jamais bombardée. Certaines choses et personnes paraissent bizarrement floues, et de nombreuses questions de mémoire vont vite rester sans réponse. Des immeubles disparaissent pendant que d'autres apparaissent du jour au lendemain, quand ce ne sont pas des quartiers entiers. En outre, personne ne sort jamais de cette ville située au milieu des terres, et l'on se demande bien comment une artiste peut peindre une plage.
On a donc rapidement l'impression de lire Mon privé enquête dans Dark city. Sauf qu'il y a en fait plusieurs parties dans ce roman, et que la deuxième fait tout basculer.
Elle met en scène un privé nommé Joseph Kaminsky, spécialisé dans la recherche des personnes disparues. Victor Lazare lui demande de retrouver sa femme disparue, Maggie. Ici, point de science-fiction, mais plutôt du pur hard-boiled, avec la femme plantureuse, le client véreux, le détective dépassé par les révélations de son enquête et les manipulations y attenant.
Je vous laisse donc le soin de découvrir la troisième et ultime partie, où Weiner assène avec parcimonie et une incontestable habileté les révélations sur le jeu de miroirs entre les deux enquêtes, sans grande surprise toutefois.
Si les réalités gigognes ne sont pas plus nouvelles (Simulacron 3) que le mélange entre polar et S-F (L'Homme démoli, premier prix Hugo), Andrew Weiner signe au final un roman de bonne tenue. Fort agréable à lire, même s'il ne faut pas s'attendre à quelque chose de totalement renversant, ce Boulevard des disparus se révèle un bel hommage au polar hard-boiled, dont il se rapproche finalement bien plus que de la S-F. Véritable fiction trans-genres, le livre souffre toutefois d'un défaut majeur : avoir été écrit après Dark city. S'il est hors de question de parler d'un quelconque plagiat, c'est quand même un clin d'œil appuyé au film de Proyas. Peut-être un peu trop, d'ailleurs, pour que l'œuvre romanesque soit vraiment originale. On renverra donc le lecteur désireux de découvrir Weiner à ses deux œuvres précédentes disponibles en poche dans la même collection. On en profitera au passage pour recommander cet inédit aux aficionados de Weiner et aux lecteurs occasionnels ou plus réguliers de polars, ainsi qu'aux admirateurs de Proyas.
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Nul ne s'étonnera de trouver recensé ici un livre des éditions Joëlle Losfeld, tant le catalogue de cet éditeur, souvent à tort étiqueté mainstream, est trempé dans la plus belle eau, celle des littératures de genre — on se souviendra pour l'exemple de la récente réédition de Plus noir que vous ne pensez de Jack Williamson. Quinze minutes, premier roman traduit en France de Charles Dickinson, en est une preuve supplémentaire, quand bien même elle se cache sous une couverture triste et peu engageante. Car après tout, qu'est-ce que Quinze minutes, si ce n'est une histoire de voyages temporels ?
Josh Winkler est artiste. Peintre et sculpteur, il vit à Euclid Heights, un trou résidentiel de l'Illinois, plus ou moins aux crochets de sa femme, médecin, qui ne lui en tient que raisonnablement rigueur. Bref, une petite vie tranquille, jusqu'à ce qu'un soir, la fille de Josh, terrorisée par un orage, l'appelle depuis chez un voisin et lui demande d'aller le chercher. Josh se précipite, et c'est un voisin éberlué qui lui ouvre la porte : l'adolescente n'est pas chez lui. En fait, elle n'est pas encore arrivée… On imagine la stupéfaction de Josh lorsqu'il réalise ce qui s'est passé : il a voyagé dans le passé de quinze minutes. Est-il fou ? Malade ? Si ce court « décalage » le perturbe moins que son entourage, la rencontre avec une jeune fille affirmant vivre en l'année 1908 lui semble en revanche un télescopage temporel autrement plus conséquent…
On ne saura pas, où en tout cas pas vraiment, pourquoi ni comment les différents protagonistes de Quinze minutes voyagent dans le temps lorsque l'orage gronde. Il y a bien ces « parallées », un « réseau de quadrilatères et de rues à angle droit dans les quartiers avoisinants le centre-ville », autant de raccourcis curieux quadrillant Euclid Heights. Et Euclid Heights, justement, les « hauteurs d'Euclide », du nom de ce mathématicien grec qui fut l'un des premiers à étudier la géométrie de l'espace… Quelques pistes donc, des références, mais non, on ne saura pas. Et après tout peu importe, là n'est pas l'essentiel. À la manière d'un Jack Finney au sommet de son art, Charles Dickinson tisse au fil des pages une intrigue échevelée d'une rare subtilité, un puzzle temporel où tout est lié, une belle réflexion sur le passé constitutif du présent de tout un chacun, bref, un roman d'une grande finesse servi par des personnages remarquablement crédibles. Un joli livre donc, passionnant et tendu de bout en bout, sur un ton doux-amer d'une grande économie d'effets qui fait mouche. Premier roman traduit par chez-nous (on l'a dit), mais sixième et dernier ouvrage publié à ce jour par Charles Dickinson (la VO date de 2002), ce Quinze minutes parfaitement juste et maîtrisé incite à deux choses : se pencher davantage sur le reste de l'œuvre de cet auteur discret de 55 ans, et jeter plus qu'un œil à l'ensemble du catalogue des éditions Joëlle Losfeld, car tout amateur des littératures de l'imaginaire trouvera à s'y nourrir de jolie façon. Nous, à Bifrost, on ouvre l'œil…
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À l'heure actuelle, et sans doute possible, deux collections dédiées se partagent le haut du pavé en matière d'imaginaire pour la jeunesse : « Autres mondes » des éditions Mango (avec la particularité de ne publier que des auteurs francophones et principalement de la science-fiction, ce qui est fort remarquable), et « Wiz » des éditions Albin Michel (cette dernière collection étant ouverte aux auteurs étrangers et plus axée vers l'imaginaire au sens large, c'est-à-dire qu'on y trouvera aussi bien de la science-fiction que de la fantasy ou du fantastique, voire un mélange de tout cela). Deux collections aux lignes éditoriales différentes, deux collections à lire sans retenue tant la qualité de leur production est globalement remarquable. Maintenant, c'est ma vie, premier roman d'une Américaine vivant à Londres, en est une preuve supplémentaire.
Parce qu'elle encombre son père, parce que sa mère est morte, parce que sa belle-mère est enceinte, parce qu'elle est une adolescente un peu paumée dans ce New York rutilant et factice, parce que la vie, parfois, eh bien c'est pas facile, Daisy passera l'été chez ses cousins d'Angleterre, les enfants de la sœur de sa mère, tante Penn. Trois mois en pleine campagne anglaise, voilà qui lui fera le plus grand bien. De l'air pour son père et sa belle-mère, c'est en tout cas ce que Daisy croit deviner des motivations paternelles. Ainsi débarque-t-elle dans cette famille excentrique qu'elle ne connaît pas, ou si peu, dans cette immense maison peuplée d'animaux, elle qui n'a toujours connu que les appartements new-yorkais, avec ses quatre cousins et cousines, elle qui est fille unique depuis quinze ans. Des cousins curieux, par certains aspects, doués d'une étonnante empathie, simples, justes, vrais, des cousins qui ne vont pas à l'école (ils suivent des cours par correspondance), mais qui semblent pourtant savoir tout un tas de choses que Daisy ignore, à commencer par les plaisirs de la pêche… Et une tante aimante aux occupations obscures et dont on se saura rien ou presque, puisqu'elle part bientôt pour Oslo donner une conférence sur la « menace de guerre imminente ». Voilà les cinq enfants devenus « responsables », une responsabilité qui risque de s'éterniser puisque d'imminente, la fameuse guerre passe à l'état de réalité, et la fameuse tante se retrouve dans l'impossibilité de regagner l'Angleterre. Et notre club des cinq d'être subitement livré à lui-même au cœur de la campagne anglaise en proie à la rumeur, comme un parfum d'ineffable liberté avant que la réalité des horreurs martiales ne les balaye tous…
Anticipation (l'Angleterre envahie de l'intérieur dans une hypothétique troisième Guerre Mondiale qui tait son nom) aux couleurs d'un fantastique suggéré (l'empathie des cousins), Maintenant, c'est ma vie est avant tout un livre sur l'adolescence, l'urgence et la nécessité de l'amour, la perte et la tolérance. C'est aussi un livre d'une stupéfiante justesse de ton, d'une grande beauté, une histoire où se mêlent joie et tristesse dans un constant accent de vérité. Il y a du Sturgeon chez Meg Rosoff, doublé d'une pâte typiquement britannique dans cette peinture flegmatique et drôle d'une double fin du monde — fin du monde de l'adolescence, ses rêves et ses espoirs, et aussi fin du monde tout court, le vrai, le nôtre — totalement détachée des événements globaux et uniquement préoccupée du caractère humain des personnages mis en scène. Meg Rosoff confie avoir écrit ce premier roman suite au décès de sa plus jeune sœur, un décès qui lui a fait réaliser le caractère intrinsèquement transitoire de la vie et l'urgence qu'il y a à en profiter. Une sœur qui lui a dit un jour que ce n'est pas parce que la vie était difficile qu'elle n'en était pas moins bonne. C'est aussi ce que nous dit Meg Rosoff dans Maintenant, c'est ma vie, un magnifique message d'espoir dans un stupéfiant premier roman.
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Du haut de ses 46 piges et en une poignée de bouquins (cinq romans « adultes » dont une coécriture avec Pratchett, sans oublier un recueil de nouvelles, auxquels on ajoutera l'excellent Coraline paru dans la non moins excellente collection jeunesse « Wiz » d'Albin Michel), Neil Gaiman, auteur de BD culte, s'est imposé en une petite dizaine d'années comme l'un des romanciers anglo-saxons les plus originaux, les plus novateurs, les plus trans-genres, bref, les plus doués, quelque part entre Christopher Moore et Clive Barker, c'est dire… Un statut en rien usurpé, pour peu qu'on se souvienne du remarquable roman de fantasy urbaine Neverwhere, ou encore, plus récemment, d'American Gods (tous les bouquins de Gaiman sont disponibles en poche chez J'ai Lu, et ils ont tous, ou peut s'en faut, été critiqués dans Bifrost : à vous de chercher). Aussi, lorsqu'un nouveau Gaiman arrive chez notre dealer préféré, sommes-nous nombreux à nous ruer sur l'objet, quand bien même il est doté d'une couverture aussi repoussante que dans le cas présent, assurés qu'on est de passer un bon moment au cœur d'un univers dans lequel on se sent comme chez soi…
Gros Charlie travaille à Londres, un petit boulot peinard dans une agence qui gère la carrière et les actifs de quelques célébrités. Gros Charlie est un gars consciencieux, timide, foncièrement honnête. Gros Charlie va bientôt se marier à Rosie, dont la maman, madame Noah, est comme il se doit une vraie peau de vache. Gros Charlie a un papa. Et son papa est un dieu, Anansi, un dieu roublard et farceur, le propriétaire de toutes les histoires. Un dieu qui vient de mourir. Mais les dieux peuvent-ils mourir ? Enfin, Gros Charlie à un frère, et ça, Gros Charlie ne le savait pas. Un frère du genre encombrant, du genre à avoir hérité de tous les pouvoirs divins paternels, un type cool, une rock star en puissance, un mec à qui tout réussi parce qu'après tout, ben ouais, c'est un demi-dieu. Et quand un demi-dieu débarque dans votre vie bien pépère, forcément, ça fout le bordel…
Que ce soit clair, et contrairement à ce qu'on a pu lire çà et là, Anansi Boys n'est pas la suite d'American Gods. Il se passe probablement dans le même univers, ce monde où les dieux, faute de croyants, se sont incarnés pour vivre sous une humaine condition aux quatre coins de l'Amérique, mais la filiation s'arrête là — ici, point d'immersion dans une géographie fantasmée de l'Amérique et, en soi, mythologique, point de réflexion sur le statut du divin et l'opposition entre permanence et impermanence, point de personnages aux profondeurs abyssales et à l'âme sillonnée par les écorchures de la vie, aucun discours sur la modernité et ses errances. Autre évidence : Gaiman s'est fait plaisir. Pas de doute possible, l'auteur est Anansi, le dieu tisseur d'histoires : drôle, malin, touchant, sûr de son talent. En immense professionnel de l'écriture, Gaiman livre un roman remarquablement goupillé de bout en bout, construit aux petits oignons, mêlant les lignes de narrations pour, telle la toile de l'araignée Anansi, ficeler le lecteur dans une intrigue mince mais efficace car portée par des personnages, comme toujours chez lui, d'une remarquable dimension humaine. On ne s'ennuie pas, non, on sourit même beaucoup (Pratchett n'est pas loin) et… on achève le livre. Voilà, oui, c'était bien. Et alors ? Anansi Boys appartient à cette famille bizarre des livres trop bien faits. Non pas qu'on s'y ennuie, loin de là, mais il est sans aspérité aucune, d'un excellent niveau global mais dénué de scènes véritablement fortes, curieusement dépourvu de toute vibration. Bref, on se dit que oui, décidemment, ce Gaiman est vraiment fort, qu'Anansi Boys est un pur livre plaisir (plaisir de l'auteur à l'avoir écrit, c'est flagrant, plaisir de lecture pour celui qu'y s'y plonge, c'est tout aussi évident), mais qu'on est loin de l'âpreté et de la dimension proprement mythologique d'American Gods, de l'émerveillement teinté d'angoisse de Neverwhere, ou de l'étrangeté douceâtre et inquiétante de Coraline. Ainsi referme-t-on l'ouvrage à la fois curieusement satisfait par le « système Gaiman » et pour autant aucunement rassasié, dans l'attente d'un écrivain qui remettrait le couvert en nous proposant le vrai plat de résistance. Alors, maître Gaiman, la choucroute, c'est pour quand ?
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Ça commence comme ça. Plutôt bien. Une journaliste et sa documentaliste qui bossent pour un magazine destiné aux risqueurs de capital découvrent le pot aux roses, autrement dit, que derrière des sociétés de bio-ingénierie se dissimulent des officines de blanchiment. Elles se font licencier sur le champ car leur publication fait partie du même groupe et est soumise aux mêmes intérêts. Ce qu'elles ignoraient, dommage pour des journalistes d'investigation en capital-risque. Bien fait pour elles. Passons…
Comme toute jeune femme moderne et indépendante qui se respecte et préfère donc dépendre d'un patron que d'un mari, Miriam, notre héroïne, fait ce que font toutes ces consœurs dans le même cas, lorsqu'elles se font virer : elle retourne chez sa mère !
Et c'est là que ça se gâte. La mère en question est une mère adoptive. La vraie, la biologique, dirons-nous, a été assassinée à coups de poignard par un inconnu qui n'a jamais été retrouvé. Miriam et sa mère font ce que l'on fait en pareille circonstance — non, elles ne balancent pas leur CV aux quatre vents d'Internet —, elles tirent une vieille boîte à chaussures pleines de photos jaunies du dessus d'une armoire… Jusque-là, tout va bien. Mais la boîte contient aussi un étrange médaillon qui appartenait à la défunte mère biologique. Pas de photo jaunie d'un éventuel père inconnu, mais un bizarre mandala… Miriam, rentrée chez elle, regarde attentivement cet étrange dessin et la voilà projetée de son bureau en pleine forêt, son fauteuil pour tout bagage. Curieux, tout de même…
La voici donc au Gruinmarkt, l'un des nombreux royaumes d'une Amérique médiévale. Il n'empêche que dans ces obscures forêts d'une Nouvelle Angleterre ignorant l'électricité, elle se fait tirer dessus au pistolet mitrailleur, dit pistolet qui n'est certes pas un instrument électrique, mais tout de même…
Peu de temps après, elle se fait enlever par un commando de pas rigolos super équipés super entraînés et tout et tout, le genre qui fout les jetons à Jean-Claude Van Damme et Steven Seagal réunis. Elle se retrouve captive dans un château du Gruinmarkt, où elle ne tarde pas à être présentée à son oncle Angbard, « parrain » d'un clan qui a la faculté de franchir les mondes. Clan dont on lui annonce qu'elle fait partie, que cela lui plaise ou non. Ce clan occupe une place à part au sein de la noblesse du Gruinmarkt, car il tire sa fortune en transportant des marchandises entre les mondes, notamment de la drogue.
Bien que ce clan vive pour moitié dans l'Amérique contemporaine, il a faite siennes les mœurs médiévales, notamment en ce qui concerne l'attitude qu'il convient aux femmes d'adopter. Ce qui n'est pas vraiment du goût de Miriam. Pour qu'elle s'y fasse, le cher oncle ne tarde pas à l'envoyer à la cour du Gruinmarkt, où les intrigues vont bon train. Elle échappe de peu à diverses tentatives d'assassinat… Au fil du roman, les personnages que l'on croise, Olga ou Roland en particulier, et probablement Matthias, s'évertuent à n'être pas ce qu'au premier abord ils paraissent…
Cette trilogie des Princes Marchands rejoint un courant de la fantasy — notons, une fois n'est pas coutume, qu'un livre de la collection « Ailleurs & demain » est qualifié en quatrième de couverture de fantasy — centré sur les univers parallèles. Après Les Princes d'Ambre de Zelazny, Irunium de Kenneth Bulmer, Les Hommes Dieux de Farmer ou encore Il y a des portes de Gene Wolfe, Charles Stross trouve le moyen de renouveler le thème en l'abordant sous le double angle des comédies de mœurs et des comédies policières. Il fallait réussir à faire troquer sa petite robe noire pour réception high tech sur la Sillicon Valley à une journaliste fouille-merde contre une robe à crinoline. On est pas dans la parodie ni dans la franche hilarité, on ne rit point à gorge déployée, par contre on est jusqu'à présent nullement effrayé et on se plait plutôt à sourire. Après le début tonitruant, à défaut d'être bien crédible, le livre perd son rythme et au bout du compte, l'action semble n'avoir pas encore vraiment commencé. On ne s'ennuie pas à la lecture de cette Affaire de famille somme toute plaisante, mais on reprochera à ce livre de n'être finalement qu'un prologue un peu long. Il faudra, une fois encore, attendre la suite pour se faire une véritable opinion sur cet auteur qui nous arrive d'outre-Manche nimbé d'une aura qui semble quelque peu surfaite aux vues l'ensemble de ces titres publiés par chez-nous, et notamment celui-ci.
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En 1998, à propos d'Escales dans les étoiles, j'écrivais dans ces mêmes colonnes : « La verve picaresque qui est la marque de Vance est toujours bien là, la magie du verbe étincelle comme aux plus beaux jours, mais elle n'est plus qu'une mue chatoyante. La vigueur de l'intrigue n'est plus, enfuie au loin. Il ne reste qu'une peau de mots (…), un spectre de roman. »
C'est terrible, car tout ce que l'on pourrait dire de Lurulu est déjà dit, il n'y a rien à ajouter. En fait c'est même pire, car il s'agit d'une resucée. C'est une suite au sens le plus strict. À la fin d'Escales dans les étoiles, on s'était arrêté en un point du voyage duquel on repart pour Lurulu. Ceci étant, il n'est nullement indispensable de lire le premier opus naguère paru chez Rivages (et depuis réédité chez Pocket) pour apprécier autant que faire se peut. D'ailleurs, un résumé vous en dispense.
On retrouve donc Myron Tany devenu subrécargue du Glicca, le capitaine Maloof, Schwatzendale, joueur professionnel et ingénieur mécanicien, et Wingo, l'intello cuisinier. Le Glicca laisse en transit à Coro-Coro, sur Fluter, sa cargaison de pèlerins, mais poursuit sa route avec Montcrief et sa troupe de femmes de cirque, Les chevaucheurs de souris.
Avant de reprendre leurs pérégrinations cosmiques, nos amis — ça, quand il le veut, et c'est le cas ici, Jack Vance sait rendre ses personnages sympathiques — vont tout d'abord régler un problème plus ou moins policier. L'écervelée de mère du capitaine nantie d'une rente non négligeable s'était entichée d'un bellâtre originaire de Fluter avec qui elle avait pris la poudre d'escampette. Maloof et Myron Tany mettent à profit l'escale pour tenter de savoir ce que devient la dame et découvre que Loy Tremaine, loin de n'être qu'un gigolo, est aussi un tueur pédophile. Maloof et Tany en réchapperont et tireront la dame des griffes de l'abominable personnage grâce aux pères des jeunes victimes prompts à jouer du fusil à pompe. On est chez Jack Vance, qui a toujours élevé un véritable culte à la vengeance, mais on reste à des lustres lumières de La Geste des Princes Démons…
Tout en cabotant de monde en monde, comme entre Saint-Nazaire et La Rochelle, le capitaine du Glicca aura à trancher un épineux problème de droit de l'esclavage : déterminer si la prostitution fait partie de ce que l'on peut exiger d'un esclave. Peut-être, mais encore faut-il que les esclaves en soient bien et que les actes juridiques ne l'excluent pas.
Après avoir livré des bidons de colle puis les avoir récupérés après qu'ils ont été volés, l'équipage du Glicca va se faire — encore une fois au sens strict — marchands de tapis. Sur cette même planète, les Chevaucheurs de souris seront engagés pour un spectacle qui tournera court après que le public a été aspergé d'entrailles de poissons et qu'ils ont dû fuir à toutes jambes le théâtre poursuivi par la vindicte populaire. Vous parlez d'une aventure !
Après être repassé par Coro-Coro récupérer les pèlerins toujours en transit pour les convoyer enfin à leur destination, le Glicca fera un crochet opportun par un monde soi-disant source de jouvence, où Dame Esther Lajoie, la tante de Myron Tany, était censée se rendre. Ils la retrouveront agonisante et sans le sou au fond d'un hospice minable juste à temps pour lui faire signer un testament en faveur de Myron portant sur ses biens hors monde. Bien que devenu riche, Myron restera avec ses amis du Glicca, que les Chevaucheurs de souris auront entre temps quittés…
Alors qu'il aura 90 ans cette année, le vieux maître n'est plus ce qu'il était. À bord du Glicca, il essaie de nous faire parcourir un maximum de mondes de l'Aire Gaïane comme dans l'urgence. Lurulu est peut-être son dernier livre, l'un des derniers, assurément, et lorsque viendra la fin, les mondes qu'il a imaginés mais qu'il ne nous a pas encore présentés seront à jamais perdus. Jack Vance écrit là comme s'il voulait sauver, sauvegarder, des pièces de son imagination.
C'est charmant, plaisant, mais dépourvu de tout intérêt. Lurulu est un livre destiné aux seuls exégètes de Vance ; les autres auront grand profit à s'offrir les superbes omnibus publiés chez Denoël en « Lunes d'encre » ou, pour les moins fortunés, aux rééditions en Folio « SF » ou au Livre de Poche. L'œuvre de Jack Vance est largement disponible en français, il serait donc dommage de mettre la priorité sur cet ouvrage mineur au détriment d'authentiques chefs-d'œuvre tels qu'Emphyrio, pour n'en citer qu'un.