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Mausolées

Europe. Futur indéterminé. Siècle prochain ?

Les Conflits sont terminés. Ils ont culminé dans l’Année Noire et éradiqué une bonne partie de l’Humanité. Réinventant les structures de la Renaissance italienne, les hommes font leur vie dans des Cités-Etats largement autonomes, elles-mêmes regroupées, en Europe du moins, en une Fédération lâche et lointaine. Cette vie, même dans la version rabougrie qu’imposent les restrictions de l’Après-guerre, ne durera peut-être plus longtemps car la fertilité humaine a diminué de façon drastique sous l’effet des armes chimiques et génétiques utilisées massivement pendant les Conflits.

Dans ce monde rieur, précisément dans la cité de Sargonne où il arrive en « ferrail », se présente au lecteur le jeune Léo Kargo, embauché comme bibliothécaire et biographe par le célèbre et énigmatique Pavel Khan, chef de guerre des Conflits, combattant impitoyable pour la démocratie, fléau des potentats mafieux, mercenaire devenu avec la paix milliardaire et mécène. Dans la base fortifiée de son nouveau patron, Kargo découvre un monde étrange. Une théorie d’assistants — dont la peu farouche Danoo — et de gardes du corps forme le nouvel entourage du jeune homme, qui ne rencontrera pas le « souverain » Khan avant plusieurs mois ; l’immense bibliothèque de Khan, que Kargo est chargé de préserver et d’améliorer, semble lui délivrer un message par-delà les siècles. Mais à l’image de l’humanité entière, et sans doute pour les mêmes raisons, elle est menacée par une lèpre qui détruit les pages et fait disparaître les ouvrages. Il est temps de réagir avant que tout ne disparaisse, en espérant seulement qu’il ne soit pas déjà trop tard. Mais comment espérer quand les projets de réparation génétique ne sont pas encore aboutis, quand la lèpre des livres progresse si vite qu’il faut bien admettre qu’ils tirent peut-être leur révérence car, voulant nous parler d’un monde disparu au point d’être incompréhensible, ils n’ont plus rien d’intelligible à nous dire, quand les derniers jours de Khan sont consacrés à une vieille vengeance ? La bonne idée est peut-être simplement de laisser partir ce qui a fait son temps…

Dans Mausolées, Chavassieux présente au lecteur un théâtre d’ombres rempli d’illusions et de faux-semblants. Nul n’y est seulement ce qu’il affirme, les non-dits et les trahisons abondent ; la méfiance est, pour les résidents de la forteresse, une vertu évolutionnaire qu’ils doivent posséder sous peine de mort. La vie au palais est symbolisée par un jeu de stratégie, le Palais des Fous, créé par Khan lui-même, dans lequel chaque pièce peut être jouée indifféremment par chacun des adversaires. Persuasion, corruption, menace sont nécessaires à la victoire ; il peut même être rationnel de sacrifier une pièce utile pour empêcher l’autre de l’utiliser à son profit.

Finalement assez peu conforme aux canons de la SFF, si ce n’est par son contexte, Mausolées est une histoire de secrets, de vengeance, de paranoïa. C’est un roman qui aurait pu mettre en scène des mafieux contemporains sans être fondamentalement différent. Il peut, de ce fait, décevoir le lecteur attiré par la présentation post-apo’ de l’éditeur. Nonobstant, c’est une très bonne histoire, lente, tendue, qui saisit le lecteur, fasciné par l’étude, presque entomologique, de la vie d’une fourmilière hiérarchisée et organisée. C’est l’histoire de la fin d’un cycle, celui de l’humanité que nous connaissons, de sa philosophie et de ses mythes fondateurs. Car même si les hommes réussissent à maitriser assez le génie génétique — et ceux des humains qui souhaitent l’extinction — pour éviter que l’humanité ne devienne un souvenir, ce qui nous succèdera sera très différent de nous ; comment comprendre le son que rend l’arc d’Ulysse quand on ne sait pas ce qui est une hirondelle ?

C’est aussi en contrepoint une histoire sur la volonté de survivre, de poursuivre, de faire descendance, tant physique qu’intellectuelle.

Eros et Thanatos s’affrontent dans Mausolées ; le lecteur assiste, médusé, à leur duel.

Rappelant plutôt le Boris Vian de L’Arrache-cœur que le Walter Miller d’Un cantique pour Leibowitz, enfermant ses personnages comme dans le Bunker Palace Hôtel de Bilal, Mausolées propose un voyage dans une contrée étrange où vivent des femmes-troncs nues aux membres mécaniques, où une abbaye, reconvertie en place forte, abrite des trésors culturels derrière des systèmes de destruction massive, où des vieillards agressent, depuis leur maison, les passants qu’ils haïssent, où les politiques, corrompus ou incompétents, meurent ou trahissent, où un centre pour handicapés tient lieu, parfois, de centre du monde. Un voyage en terre bien singulière, plaisamment dépaysant.

Très écrit, mais jamais trop, Mausolées est un roman d’une lecture agréable, plein d’images qui embellissent le texte sans jamais l’alourdir inutilement. Un roman recommandable pour peu que le lecteur sache où il met les pieds.

Silo

Ainsi, les prestigieuses éditions Actes Sud lancent « Exofictions », une collection de… science-fiction. Si si. Exercice périlleux, du coup, qui consiste à publier de la SF sans trop que ça se voie, afin d’ambitionner un succès populaire dans un genre réputé répulsif auprès du grand public français. Face au postulat de ce grand écart annoncé, les optimistes verront peut-être là l’occasion de redorer le blason d’un domaine bien malmené en librairie, et de convaincre quelques « critiques littéraires » parisiens de tenter l’aventure SF sans trop se boucher le nez… On peut toujours rêver.

Or donc, pour résoudre cette quadrature du cercle, « Exofictions » a misé sur Hugh Howey, un phénomène outre-Atlantique, une de ces belles histoires qui courent le Net depuis quelque temps : auteur qui s’autoédite sur la Toile ; rencontre un immense succès populaire ; est repéré par un éditeur US qui fait dudit succès initial une réussite mondiale colossale. Bref, Actes Sud a mis le paquet pour obtenir Silo (ils n’étaient pas les seuls sur le coup, naturellement), puis pour le faire connaître (grosse campagne de pub, venue de l’auteur en France, services de presse abondants, etc.). Et force est de reconnaître que l’éditeur arlésien ne s’est pas trompé : il a trouvé le bon produit, une infusion de science-fiction peu corsée à même de ne pas trop agresser le palais délicat d’un lectorat peu habitué au domaine.

Dans un futur indéterminé, après une catastrophe tout aussi indéterminée ayant rendu le monde extérieur impropre à la vie (ou prétendu tel), un petit bout d’humanité se calfeutre dans un immense silo souterrain de cent quarante-quatre étages. On découvre comment il s’organise, une partie de son histoire, les mensonges d’une hiérarchie qui manipule la population, le tout à travers les yeux de quelques personnages clés du Silo.

Si Silo n’est pas un bon livre de SF, c’est indéniablement un bon produit, un page-turner typiquement américain aux cliffhangers parfaitement huilés, à la caractérisation des personnages poussée à l’extrême. Trop, sans doute, car il en devient parfois bavard dans l’introspection excessive de ses héros. Il pèche aussi par une construction non assumée jusqu’au bout. Rappelons qu’il s’agit là, initialement, d’un recueil de nouvelles. Or, si les trois premiers textes nous présentent le point de vue de trois personnages différents, Howey change son fusil d’épaules en cours de route à partir du quatrième récit en cassant son principe. Dommage, car il y avait là, dans cette construction en prisme, une réelle ambition — autre que celle de raconter une histoire rondement menée. Enfin, pour l’amateur de SF un tantinet capé, Silo ne sort jamais d’un schéma ouvertement grand public qui en fait avant tout un « livre de SF pour les nuls », manière de roman post-apo’ dystopique light assez agaçant.

Bref, Silo est un succès public, et ça ne surprendra personne. On l’a dit, Actes Sud ne s’est pas trompé et a mis les petits plats dans les grands. Aussi le candide pourra toujours se dire qu’un tel ouvrage pourrait amener de nouveaux lecteurs à la SF. Mwouais… En attendant, plutôt que lire le tome 2 et 3 (eh oui, il s’agit d’une trilogie !), on relira La Vérité avant-dernière de Philip Dick et Les Cavernes d’acier d’Isaac Asimov, en attendant le prochain titre de la collection « Exofiction », Leviathan Wakes de James Corey, un gros space opera qui envoie du bois, et nettement moins « infusion de SF » que le présent Silo.

Lever du jour sur la montagne de fer

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

L'Empire du milieu

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

La Glace et le feu

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

L'Art de la guerre

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

Fils du ciel

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

Même pas mort

Bellovèse, fils de Sacrovèse, fils de Belinos, devrait être mort. Jeté comme un jeune chien fou dans la guerre, il plonge au milieu des ennemis. Le corps transpercé de lances, il est considéré comme perdu. Mais il guérit miraculeusement. Chez les Celtes, à cette époque, pas question de se réjouir d’un tel prodige. Cet homme revenu d’entre les morts est un monstre puni par les dieux. Pour quel crime ? Il lui faudra le découvrir en allant interroger les puissantes et terrifiantes habitantes de l’île des Vieilles. Et comprendre ce qu’on attend de lui.

Ce livre, premier d’une trilogie (le chiffre trois est très important pour les Celtes), est le récit de la vie de Bellovèse. On y découvre un vieil homme, puissant et fier, qui revient sur son existence ; un parcours qui mérite d’être conté, et ce depuis l’enfance, quand il a perdu son père, tué par son oncle Ambigat. Rien de surprenant entre tribus rivales. Le jeune Bellovèse est élevé, avec son frère, par une mère consciente de son rang, resserrée sur sa haine et sa colère, pleine d’une violence légitime mais dévastatrice. Il est éduqué aussi par la forêt et ses habitants, des êtres magiques et cruels, sans tolérance aucune pour la naïveté des humains.

Car le monde que fait éclore Jean-Philippe Jaworski, ancré dans le concret, est empli des personnages fabuleux de l’imaginaire celte. Dans cette culture, la différence entre surnaturel et réel s’estompe sans cesse. Une légère brume, un marais, une île écartée… et on se retrouve aux prises avec des créatures effrayantes que seul un druide peut expliquer et, parfois, apaiser. Dire un mot de trop, aller trop loin dans les bois peut se révéler fatal. Le danger est présent partout, même, et surtout, parmi ses congénères. Les rapports sociaux sont extrêmement codifiés et, par rapport à notre vision actuelle de l’humain, d’une rare violence. La mort est banale, et souvent souhaitable car préférable au déshonneur.

Jean-Philippe Jaworski a abandonné pour un temps son Vieux Royaume, théâtre de Janua Vera, un recueil de nouvelles, et de Gagner la guerre, son premier roman (réédité à l’occasion de la sortie de Même par mort dans une luxueuse édition à couverture rigide). Se plongeant dans un monde qui le fascine depuis longtemps, il réussit le tour de force de faire vivre cette société disparue, revisitée et déformée au fil des générations, et redécouverte ces dernières années grâce aux progrès de l’archéologie. Il immerge son lecteur dans un bain acide, tant la vie est dure, les sentiments exacerbés ; fleuri également, tant la nature, décrite avec précision et amour, impose sa présence. Autre force de cet ouvrage : son exigence. Jean-Philippe Jaworski a la passion des mots. Il emploie le terme juste, même s’il est rare. À l’instar d’un artisan poète, il les choisit, les fait vibrer pour jouer de leur sonorité autant que de leur sens, comme un peintre, il file un motif inscrit dans la trame, mais sans rester linéaire dans sa narration. Les bonds dans le temps sont multiples et toujours justifiés. L’effet est puissant, l’immersion totale. Ce roman est riche et beau. Il ne faut pas passer à côté. Vraiment pas.

Chroniques des ombres

Suite à l’Apocalypse nucléaire, l’humanité survivante est regroupée dans des Cités Unifiées dotées de purificateurs d’air, reliées entre elles par des tubes sous-marins, comme c’est le cas de NyLoPa, qui réunit New-York, Londres et Paris, soit cent quatorze millions d’habitants. À l’extérieur, dans le pays horcite, des clans retournés à la barbarie survivent comme ils le peuvent. Outre la précarité, la misère et la violence, les cancers et malformations dus aux radiations diminuent fortement l’espérance de vie ; quelques individus ont acquis un pouvoir, de métamorphose ou de prescience. L’accès aux cités est impossible, l’absence de biopuce logée dans le cerveau de chaque citoyen des CU identifiant immédiatement les intrus. La sécurité omniprésente est assurée par une force de police traditionnelle et des fouineurs, super-agents dont la biopuce, équipée d’un logiciel connecté aux données numériques, dope les capacités d’analyse et de réflexion.

Ganesh Parvati, au nom et à la symbolique transparents, fouineur récemment nommé, est doté d’une puce de nouvelle génération, une IA à même de prendre le contrôle de son corps pour le sortir de situations mal engagées… Avec Théo, un vétéran, et Ava, une stagiaire, il enquête sur divers meurtres en série perpétrés par des assaillants invisibles dénommés les Ombres. La terreur causée a des répercussions politiques. Le territoire horcite est, quant à lui, menacé par les Cavaliers de l’Apocalypse, qui déciment chaque tribu, annonçant que la fin de l’humanité est proche. Naja, qui les a vus, suit Deux Lunes, un jeune guérisseur opposé à toute violence, dont la douceur et la compassion permettent de se tirer de bien des mauvais pas. En cours de route s’ajoute Josp, orphelin presque aveugle du fait de sa réclusion dans des grottes, qui a, par éclipses, un don de prescience bien utile pour prévenir certains dangers.

L’intrigue suit en alternance les deux groupes, autour desquels gravitent d’autres personnages, avec des péripéties dignes de thrillers d’espionnage pour l’un, plus aventureuses pour l’autre. Il s’agit de comprendre quel complot politique se trame derrière ces meurtres commis par centaines, et d’identifier la menace pesant sur l’humanité déjà au bord du gouffre. En auteur populaire confirmé, Bordage multiplie les rebondissements et les coups de théâtre, séparant ses personnages pour mieux leur permettre de se retrouver, dévoilant avec parcimonie mais régularité les éléments de son intrigue.

À l’origine, il s’agissait de relever un nouveau défi : écrire un feuilleton de trente-six épisodes à la manière des auteurs du XIXe siècle, ce que Bordage avait déjà réalisé avec Les Derniers hommes, la rédaction se poursuivant cette fois pendant la publication sous forme numérique. Une mise en danger réel-le puisque, pour raisons de santé, la série connut une brève interruption l’été dernier.

Aussi, on ne s’étonnera pas si l’intrigue progresse à travers les dialogues et si le décor semble par moments hâtivement esquissé. Mais c’est un choix clairement assumé, car le feuilleton était en outre proposé en version MP3 ainsi qu’en BD filmée, laquelle alterne, pas toujours de façon très heureuse, plusieurs styles de dessin, du classique au manga, visant clairement un public davantage adolescent. Il y a, feuilleton oblige, des facilités, un peu de mou en milieu de récit, mais ce ne sont que broutilles, vu le challenge. Dans la dernière partie, le texte retrouve davantage de densité et propose un finale réglé au cordeau. Avec un sens du rythme certain, Pierre Bordage se sort brillamment de l’exercice. Du grand art, populaire certes, mais pleinement abouti.

La Vague montante

[Critique commune à La Vague montante et Continent perdu.]

En réaction aux dérives autocratiques de son époque, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), propose dans sa philosophie que l’homme touche au bonheur en retrouvant « l’état de nature » de ses lointains ancêtres, car « ses premiers mouvements [ceux de la nature] sont toujours droits ». Un peu plus tard, dans Walden ou la vie dans les bois, l’Américain Henry David Thoreau (1817-1862) explore sa « révolte solitaire » en s’éloignant de la société du milieu du XIXe siècle, esclavagiste, et en s’installant donc dans « des bois ». Nous avons peut-être là les racines de la pensée écologique (si tant est qu’une telle pensée existe, ce dont on peut douter, tant il y a de courants dans l’écologie contemporaine, qui va du terrorisme mâtiné de deep ecology jusqu’aux partisans d’un nucléaire maîtrisé, surveillé, mais absolument nécessaire au progrès social).

En 1955, Marion Zimmer Bradley écrit le texte anti-écologique parfait (façon de parler), « La Vague montante », dans lequel des centaines d’années après le premier voyage interstellaire, l’humanité a régressé et vit en petites communautés agricoles (genre Amish, le poids religieux en moins). Une description frontale d’une Terre maoïste ayant totalement renoncé à l’industrie légère (les deux jambes du maoïsme sont la paysannerie et l’industrie légère), et au confort moderne qui va de pair. N’y allons pas par quatre chemins : aujourd’hui, à cause de sa naïveté politique, naïveté qui ne frôle pas l’idiotie mais se roule dedans, « La Vague montante » est un texte ridicule et, pour tout arranger, farci de détails techniques obsolètes qui amplifient son côté daté. Rien n’y tient debout, que ce soit l’intrigue, les personnages ou le monde décrit. Quant au style, c’est simple, il n’y en a aucun. Certains textes de Clifford D. Simak, dans la même veine, ont beaucoup mieux résisté au travail de sape du temps (et c’est sans doute ce qui sépare un grand écrivain d’un auteur médiocre). Texte probablement marquant en 1955, « La Vague montante » a quand même une qualité : nous montrer à quel point notre regard sur la problématique environnementale a changé en un peu plus d’un demi-siècle. Remontez le temps plus en amont, lisez plutôt Walden ou la vie dans les bois ou La Désobéissance civile de Thoreau.

On reste un peu dans la même veine « écologique » avec « Continent perdu » de Norman Spinrad, une novella de 1970 où de riches Africains viennent visiter les ruines des USA et notamment le métro de New York dans lequel on trouve encore, en état de marche, des machines à bonheur. « Continent perdu » a un peu le même défaut que Rêve de fer, les meilleures blagues sont les plus courtes, et une fois le postulat de dé-part énoncé, le texte patine un peu dans la semoule, mais il est si bien écrit (à défaut d’être bien rythmé) qu’on l’avale d’une traite avec un vrai plaisir. Paradis artificiels, racisme, pollution, devenir des sociétés modernes, ici celle de l’âge de l’espace, « Continent perdu » est un texte malin, riche et ambitieux. À l’exception de sa « machine à bonheur » très datée années 70, il aurait pu être écrit de nos jours. Une fois de plus, Norman Spinrad nous séduit par son espièglerie et son sens de la provocation « payante ».

Avec ses livres-objets agréables à lire, son choix de textes très divers, la collection « Dyschroniques » est une jolie entreprise à soutenir.

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