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Joanna Lander enquête sur les EMI, les expériences de mort imminente, dans un labyrinthique hôpital de Denver. Elle essaye souvent de prendre de vitesse son concurrent Mandrake, qui, en charlatan avisé, oriente les réponses des personnes rescapées d'une mort clinique pour lui permettre de publier ses best-sellers sur la réalité de la vie après la vie. Elle accepte d'aider le neurologue Richard Wright dans ses expériences de simulation des EMI par le biais d'une drogue psychoactive. Mais comme les cobayes sont peu nombreux, Joanna décide à son tour de passer par le fameux tunnel de lumière pour comprendre ce que recouvre ce phénomène, débouchant ainsi… sur le pont du Titanic, peu avant son naufrage !
Délire hallucinatoire, expérience paranormale ou réalité scientifique ? Joanna se perd d'autant plus en conjectures que Wright a du mal à croire à son récit. Elle multiplie donc les EMI simulées tout en enquêtant auprès d'un patient dans le coma, un ancien professeur d'anglais frappé de la maladie d'Alzheimer, avec l'aide d'une gamine cardiaque passionnée par les grandes catastrophes de l'humanité. Les autres cobayes ont-ils également été sur le Titanic ? Pourquoi certains prennent-ils peur ?
L'enquête est racontée avec un luxe de détails, qui n'omet rien d'une conversation ou des aléas de la vie quotidienne. Les contretemps retardant la solution de l'enquête se multiplient de façon trop systématique dans la seconde partie et la réponse finale déçoit quelque peu par son manque d'ampleur : après plus de 800 pages, c'est la montagne qui accouche d'une souris.
Pourtant, on n'arrive pas à décrocher en cours de lecture : les rebondissements, même minimes, soutiennent un intérêt qui va croissant, le contexte est d'un réalisme proche du documentaire concernant l'hôpital et ses malades ; sur les EMI, on aura un compte-rendu à peu près exhaustif autorisant une belle réflexion sur la mort. On s'attache aisément aux personnages bien campés de Joanna et de Richard, mais aussi à Maisie, la touchante et courageuse petite fille au cœur malade, à Vielle, l'infirmière qui refuse de quitter les urgences malgré la faune dangereuse qui y atterrit, et jusqu'aux seconds rôles, comme le bavard ancien combattant de la guerre du Pacifique, la mère de Maisie murée dans ses illusions, Kit, la nièce du professeur d'anglais… Entre les périodes de stress et les scènes attendrissantes, l'humour ne manque pas, pour tempérer un sujet quelque peu morbide, avec de nombreux « running gags » comme la recherche d'un itinéraire dans le dédale de l'hôpital, les fuites à l'arrivée de Mandrake, les portables en surchauffe, etc. On ne peut que rester admiratif en lisant la description finale de la personne au seuil de la mort : ces très belles pages sont tour à tour poignantes, apaisantes, et incitent à la méditation.
Il n'y a pas à dire : Connie Willis sait captiver son lecteur et le tenir en haleine. Malgré une explication un peu décevante en fin de volume, cette lecture se justifie cent fois, ne serait-ce que pour ses belles leçons de vie.