Machine de guerre
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Après Ferrailleurs des mers et Les Cités englouties, Paolo Bacigalupi poursuit son exploration de cette Côte Est des États-Unis ravagée par les tempêtes et les guerres civiles. Dans ce troisième roman, l’action se délocalise un peu plus au nord, abandonnant les ruines de Washington pour visiter une ville de Boston relativement préservée par le chaos ambiant.
Au centre de cette nouvelle histoire : Tool, créature guerrière, mi-homme, mi-bête, conçue en laboratoire à partir d’ADN d’humain, de chien, de tigre et de hyène. Le personnage apparaissait épisodiquement dans le premier roman avant de tenir un rôle plus conséquent dans le suivant. Cette fois, il est le moteur de l’intrigue principale. Dans ce futur où le pouvoir est passé des mains des États à celles des multinationales, les hybrides tels que lui sont monnaie courante et constituent l’essentiel des troupes d’assaut de ces compagnies. Mais contrairement à ses congénères, Tool s’est défait de ses chaînes et a réussi à fuir ce qu’il faut bien appeler ses maîtres. Cette fois, on en apprend davantage sur ses origines et ce qui fait de lui un être unique, tellement dangereux que ses créateurs sont prêts à tout pour l’éliminer.
Machine de guerre se présente en premier lieu comme une chasse à l’homme-bête, menée sans aucun temps mort, brutale et fatale à nombre de ses protagonistes. Le personnage de Tool nous est proposé dans toute sa complexité, luttant en permanence contre une programmation inscrite au plus profond de son ADN pour affirmer son libre-arbitre et son humanité. Mais l’élément le plus intéressant de cette histoire comme des précédentes reste le contexte dans lequel elle se déroule. On s’éloigne cette fois des bidonvilles où tente de survivre une bonne part de la population et des bandes d’enfants soldats qui sillonnent les ruines de l’ancien monde pour s’intéresser de plus près aux organisations qui détiennent désormais le pouvoir. Un cadre en apparence plus civilisé, où la violence demeure pourtant omniprésente, et surtout s’exprime à une échelle bien plus vaste et avec des armes d’une capacité de destruction sans commune mesure. Entre effondrement sociétal global et cataclysmes climatiques majeurs, le futur à moyen terme qu’imagine Bacigalupi est d’autant plus effrayant qu’il est parfaitement crédible. Autant dire que, sur le fond comme sur la forme, Machine de guerre est remarquable de bout en bout.