L'Opéra de l'espace
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« — C'est Keziah le Diseur de Vérité, mi-homme mi-poisson, qui parle maintenant
Les Bulbes Griffith n'ont pas de centre au strict sens géographigue. Mais le Yuweh se trouve dans ce qui s'en rapproche le plus, sous un bouclier d'eau, et tu n'en es plus loin.
— Bulbe après bulbe, notre poids a diminué, acquiesça Axelkahn. Cela continuera-t-il ?
— Plus beaucoup maintenant, à présent, les voies du ciel sont toutes tracées. Le bulbe pirate se trouve au-delà de la toile de films. Il faut que tu saches... »
Le dernier Genefort, qui nous livre ici une saga coupée, pour des raisons de format, en deux parties.
L'univers humain se structure autour des portes de Vangk, cadeaux d'une mystérieuse civilisation disparue et seules structures permettant de parcourir la Galaxie. Dans cet espace aux habitats humains diversifiés, dispersés, Axelkahn, ténor dont la voix superbe lui assure la renommée, sent celle-ci se flétrir. Là commence sa quête des mythiques Yuweh, architectes planétaires seuls capables de réparer les implants organiques de ses cordes vocales. Pour parcourir à sa guise les Bulbes Griffith, lieu de ses recherches, il réunit autour de lui une troupe de théâtre itinérante qui se déplace dans une nacelle suspendue. Après avoir assuré la célébrité de sa compagnie, constituée de personnages étranges et parfois tragiques, il appréhende le moment où il va devoir la quitter, continuer seul en quête de son destin. Axelkahn affrontera de nombreux dangers dans l'environnement hostile des tréfonds de l'immense structure...
On le voit, une grande imagination tant dans la description des personnages hauts en couleurs que dans celle des décors, grandioses et pittoresques à la fois — particularité qu'il n'est pas impossible de rapprocher du flamboiement des space opera de Samuel Delany... L'opéra de l'espace prend place dans le contexte construit par l'auteur tout au long d'une douzaine de romans. De cet univers ample et cohérent quoique terriblement humain, il extrait de petites tranches de vie, déployant un talent certain quant à la puissance des visions et la noblesse des personnages. Laurent Genefort décrit de surcroît un univers débarrassé des clichés du genre, redondances souvent pénibles et généralement inutiles : combats spatiaux, empereur mégalomane et autres extraterrestres monstrueux et sanguinaires... Plus que jamais la toile de fond des romans de Genefort (les portes de Vangk, les Yuweh) est décrite dans le détail, confortant la logique d'écriture de livres-univers choisie par l'auteur (et à laquelle il consacre un mémoire dans le présent numéro de Bifrost).
À l'évidence les récits de Genefort se bonifient, ce qui ne fait que confirmer ce que chacun sait déjà : le talent de ce jeune auteur à qui l'avenir appartient...