Les Rêves qui nous restent
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Artiste disposant de plusieurs cordes à son arc, Boris Quercia s’était jusqu’à présent fait remarquer dans le champ littéraire en signant des romans policiers. Avec Les rêves qui nous restent, il signe son entrée dans le monde de l’anticipation, sans renier pour autant ses vieilles amours, car c’est un polar à la sauce SF qui nous est proposé.
Futur indéterminé mais proche. Une société ultra-segmentée. Spatialement d’abord, entre la City et la vieille ville, séparées par une frontière devant rester étanche et contrôlée – les petites mains journalières sont tolérées. Socialement, aussi : Natalio, le personnage principal du roman, en est l’un des symboles. Il est un « classe 5 », un flic chargé du sale boulot, d’éliminer les « dissidents », chien de garde de l’ordre social. « Classe 5 », la catégorie méprisée par toutes les autres.
Boris Quercia nous plonge au cœur de l’action, avec ce héros désabusé qui ne déparerait a priori pas dans un hard-boiled classique. Sauf qu’ici, un « Électroquant » le suit en permanence – un robot, en fait, l’auteur démontrant d’ailleurs toute sa finesse dans la création des divers diminutifs ou surnoms que la population leur donne. Réappropriation et transformation par l’usage, le peuple n’a pas dit son dernier mot.
L’une des caractéristiques principales – et marquantes – de ce monde, c’est la disparition des rêves. Littéralement. En parallèle, un événement mystérieux mais majeur s’est produit dans la ville d’Oslo. En bon auteur de polar, Boris Quercia sait distiller au compte-gouttes les pièces du puzzle, et l’attente des explications vaut le coup. Surtout que d’attente il ne sera que peu question, tant les pages défilent vite – au fil de chapitres courts, l’histoire s’avère prenante. Sans pour autant être révolutionnaire, la narration alternée entre Natalio et son électroquant fonctionne bien. Boris Quercia arrive à cocher tout un tas de cases, interrogeant l’humanité par le regard d’un électroquant, sans jamais tomber dans le cliché et en apportant constamment une touche de fraîcheur.
Un mot sur la traduction… Ce livre a d’abord été publié dans sa version française. Il est dédié à la traductrice Isabel Siklodi, déjà à l’œuvre sur deux précédents livres de l’auteur, et décédée le 6 mai 2020, après avoir participé à la première version de la traduction des Rêves qui nous restent.
Un roman qui se lit d’une traite, extrêmement plaisant et parfaitement exécuté, qui pourra séduire au-delà des frontières de chacun des genres auxquels il emprunte.