Dix légendes des âges sombres
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Dix légendes des âges sombres regroupe les nouvelles « climatiques » de Jean-Marc Ligny. Elles ont été écrites sur une période de vingt ans et, à l’exception du dernier texte, inédit, sont parues dans différents supports, notamment dans les anthologies Utopiæ 2002 (L’Atalante), Futurs insolites (Hélice Hélas), Nos Futurs (ActuSF), ou encore dans le 56e numéro de Bifrost pour « Le Porteur d’eau ». Relues, corrigées et mises à jour pour cette édition, elles sont présentées par ordre de parution initiale, de la plus ancienne à la plus récente.
Les nouvelles s’inscrivent dans le même contexte que les romans Aqua™ et Exodes : une terre en mutation profonde devenant hostile à la vie à cause du changement climatique. L’humanité ou ce qu’il en reste tente de survivre entre déserts inhospitaliers, tempêtes dantesques et sécheresses mortifères. Les sociétés se délitent et les institutions disparaissent au profit de quelques Enclaves dans les pays du Nord ou en Suisse, véritables paradis sous dômes pour les plus riches. Les recos (réfugiés écologiques) en sont rejetés et viennent grossir les hordes de Mangemorts cannibales ou de Boutefeux qui mettent les villages à feu et à sang. Les nouvelles explorent la catastrophe en cours, mais aussi un futur post effondrement dans lequel l’humanité à presque tout oublié de son passé.
« L’Ouragan » se situe dans un futur proche et donne à voir les effets de la montée des eaux et des orages ravageurs. Dans « Lettre à Élise », un texte poignant sur la déliquescence du monde, la chute tombe comme un couperet tuant le peu d’espoir que le lecteur entretenait encore. Dans « La Route du Nord », Mira, une jeune adolescente, ne croit pas au mirage d’une vie meilleure promise par les passeurs. « Le Porteur d’eau » situe son action dans la campagne française en 2080. La sécheresse le dispute à la canicule et aux cancers agressifs alors même que le système de santé n’existe plus. Les villages isolés fonctionnent en autarcie et tentent de se défendre des maraudeurs en tout genre. L’approvisionnement en eau devient une urgence vitale. « Mission divine » présente une scène d’Exodes du point de vue du personnage de Hans Meyer, reclus dans la vallée des Grisons et investi d’une mission qu’il croit inspirée par Dieu : purifier sa ville pour la venue du Seigneur même si cela implique d’assassiner tout le monde. Court texte, « Le Désert » met en concurrence deux espèces pour un point d’eau. Qui des chiens redevenus sauvages ou de l’humain l’emportera ? Avec « 2030/2300 », deux temporalités se partagent un même décor. En 2030 commence l’enfouissement, dans un site sécurisé, de plusieurs milliers de tonnes de CO2 afin de réduire les émissions carbone. Une riche idée qui n’anticipe cependant pas les conséquences à long terme. Autre courte nouvelle, « La Frontière » met en scène un de ses gardiens pour qui les recos ne sont que des cibles. Dans « L’Aéroport », la technologie a cédé la place à la débrouille pour un ancien pilote qui cherche à rallier un hypothétique monde meilleur. Enfin, « La Horde » nous plonge au cœur même d’une troupe de Mangemorts menée par un fanatique religieux.
Dix légendes des âges sombres dresse le portrait d’un écosystème à l’agonie, qui ne se relèvera qu’une fois débarrassé de son principal fossoyeur, l’être humain. Jean-Marc Ligny confirme ici son statut de maître francophone de la climate fiction. Les éditions L’Atalante ont été bien inspirées de regrouper ces nouvelles, difficilement trouvables pour certaines, en un seul recueil au prix attractif. Passionnant, effrayant et à lire de toute urgence.