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e-Bélial' Nouvelles

e-Bélial', c'est aussi de nombreuses nouvelles disponibles à la pièce et à petits prix, toujours sans DRM !

Chaque mois, Le Bélial' vous propose une nouvelle gratuite à lire sur le blog Bifrost ou à télécharger. De nombreuses nouvelles sont également disponibles gratuitement en permanence, un bon moyen de tester nos livres numériques avant d'en acheter pour de bon.

Certaines nouvelles sont extraites de recueil, vous les reconnaîtrez au symbole .

Disponible   À paraître   Bientôt épuisé   En réimpression   Épuisé

Le Jardin de Charlith

– Charlotte Berg est née la même année que moi. C’est… c’était la grand-tante de ta petite amie Christine. À l’époque, nous nous voyions chaque été, comme tu retrouves chaque été Christine et ta bande de copains. Vous passez vos après-midi à la plage, nous passions les nôtres ici. Nous étions un peu moins nombreux que vous. Il y avait ton grand-père, l’oncle François qu’on appelait Lancelot de la Flaque, Charlotte Berg, sa cousine Adrienne Villers, et puis la vieille tante Rose qui n’était alors ni tante ni vieille. Et d’autres, quelquefois mon frère Adrien, celui qui est mort à la guerre d’une rougeole, un Benoît, aussi, le père de celui qui a foutu le camp avec mon beau-frère, je crois, enfin nous étions une quinzaine. Et puis Dieter Saulx, surnommé « Le plus beau des enfants du monde » par les vieilles du coin. On se retrouvait parfois entre garçons, quand les filles jouaient à essayer les robes de leurs mères. Nous faisions voguer nos bateaux en discutant toujours de la même chose : les femmes en général, ces demoiselles en particulier. Et nous arrivions toujours à la même conclusion: Adrienne était la plus belle, mais nous étions tous amoureux de Charlotte.

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Mater Clamorosum

(...) en ces temps, les âmes erraient nombreuses le long des chemins. Aussi légères qu’une bruine, elles se pressaient dans les ornières, les fossés et les futaies basses. Elles floconnaient, imperceptibles, aux branches des ormes et des sureaux. Elles dormaient dans les cimetières, allongées sur leur propre tertre, et processionnaient interminablement au cœur des nuits. Les vivants leur cédaient le pas, par respect pour leur éternité.

Pourtant, éternelles, elles ne l’étaient pas.

 

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Confession d'un mort

IL Y A QUELQUES ANNEES, en 1849, j’ai passé plusieurs mois à Baltimore où j’ai occupé un emploi de typographe.

Un certain soir d’octobre, je restai penché sur mes casses jusque bien après le crépuscule et quand je me décidai enfin à rentrer chez moi je vis, derrière les fenêtres sales de l’atelier, que la nuit était tout à fait tombée. C’était une nuit épaisse, noyée de brume, et d’un froid aigre qui laissait présager un long et pénible hiver. Une lune en son plein devait pourtant briller dans le ciel, loin au-dessus des nuages, car une phosphorescence bizarre hantait le brouillard, transformant toute chose en spectre mouvant. C’est donc avec une appréhension diffuse que je sortis dans la ruelle, parfaitement silencieuse à cette heure tardive, et que j’assujettis les panneaux de bois qui fermaient la boutique sur le devant. Les sons eux-mêmes s’étouffaient dans l’obscurité fuligineuse et les planches aspées, en retombant le long de la façade, ne rendaient pas leur habituel claquement net mais une sorte de plainte chuintante prolongée par un écho funèbre. Quand enfin tout fut clos, je glissai une main engourdie dans ma poche pour y prendre la clef. Mes doigts glissaient sur le métal humide de la serrure, et j’eus grand peine à la faire jouer. J’y parvins cependant et elle émit un bruit sourd et profond, semblable à celui qu’aurait fait le pêne d’un cachot qu’on eut tourné quelque part, très loin sous terre. Il me sembla, à ce moment précis, qu’un gémissement faible lui répondait. Je tressaillis, sentant mes cheveux se hérisser sur ma nuque, et me retournai : derrière moi s’étaient amoncelées des ténèbres lourdes, étouffantes, d’une froideur compacte, telles enfin qu’on ne les trouve qu’au sein du plus obscur caveau. Aucune lueur ne trouait cette opacité lugubre, hors l’étrange frisson lunaire qui trompait le regard plus qu’il ne l’éclairait. Je restai un temps immobile, remontant contre mon cou glacé la fourrure de ma pelisse déjà raidie par le givre ; j’écoutai attentivement sans rien entendre, pas même l’habituel murmure du ruisselet qui parcourait la ruelle en son milieu et que le froid devait avoir pétrifié. Je tournai ensuite mes regards de tout côté, désespérant d’apercevoir ne serait-ce que le reflet ténu d’un fanal ou d’un lumignon, qui m’eut donné le courage de me mettre en route vers mon logis. Je pestai en moi-même contre la distraction qui m’avait fait oublier l’heure, hésitant à déclore la boutique pour y chercher une lampe à huile. Je décidai finalement de gagner une rue de quelque importance, avec l’espoir d’y croiser un passant mieux avisé que moi, ou au moins la fenêtre encore éclairée d’une demeure où il me serait possible de demander un bout de suif et une mèche. Je me mis donc en marche, levant les yeux comme un aveugle, contraint d’avancer à pas lents dans l’ordure du bas côté, car je n’avais pour guide que le mur que ma main frôlait.

 

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Valaam

POUR OBTENIR LE VISA DE LA CEI, j’avais réservé depuis la France à l’hôtel Intourist de Moscou, avenue Gorki. La navette de l’aéroport me déposa devant le perron gardé par trois cerbères en jaquette. Je montrai mon passeport et entrai dans le Golden Hall, un hangar crasseux blindé de plaques de cuivre où se croisaient des touristes japonais, des hommes d’affaires allemands et des garçons d’étage hargneux, occupés à vendre l’Intourist par petits bouts à des Caucasiens. Sur des banquettes en plastique orange, des filles de quinze à trente-cinq ans attendaient. Elles portaient de courtes robes noires, des cheveux décolorés et un air triste.

Je posai mon sac dans une chambre du onzième étage (une boîte en peluche marron) et visitai les bars les uns après les autres : le bar italien du deuxième, le bar chinois du quinzième, le bar espagnol du rez-de-chaussée, le bar allemand de l’entresol. Le salon de thé, au dix-septième, était fermé, et le casino hors de prix. Je m’installai finalement au Traveller’s Bar, à côté de la plus jeune des putes, une gamine maigre aux cheveux bicolores (blancs à la fin, noirs au début). Elle suçait un verre de sok, ce sirop gazeux qui a le même goût que les œufs de Pâques en sucre. J’essayai d’engager la conversation en anglais, en allemand puis en russe, elle me répondit par monosyllabes. J’appris quand même qu’elle était supposée s’appeler Tania, née à Komsomol sur Amour, étudiante. Je la laissai à son sirop et dépliai le Moscou Times. Deux moustachus en cravate vinrent s’asseoir à notre table, nous offrirent à chacune une bière et se lancèrent dans une conversation en english business. J’en étais aux petites annonces quand ils adressèrent la parole à Tania. Ils se levèrent presque aussitôt, elle les suivit docilement. En face de moi, deux filles sirotaient leur sok, assises de travers sur un banc en bois, les épaules navrées et les yeux dans le vague. Je finis mon verre, montai dans ma chambre, bus un peu d’eau du robinet hydrochlonazonée, tirai les épais rideaux marron sur la lumière bleue du néon Panasonic et me couchai. J’avais le blues. Le moscues. Moscou est une ville à chier.

 

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Le Cygne de Bukowski

J’AVAIS RENCONTRE CE TYPE AU YMCA de la 188e rue, pile au bas de Harlem. Le YMCA était dégueulasse, mais pas plus qu’un autre, et au moins c’était des dortoirs, ça craignait moins que dans les foutues piaules à quatre de la 44e.

 

 

L’immeuble de la 44e était un monstre délabré, le genre de truc tout droit sorti de Blade Runner ; massif, pseudo-gothique et raide de crasse, pas entretenu depuis 1930, avec des vieux cinglés qui se baladaient à poil à quatre heures du matin, des fumeurs de crack en tas dans les couloirs et des draps pourris de sang, de sueur, de merde et de pisse, et sûrement aussi de bave mais ça se voit moins. Une petite black en tablier bleu était passée dans le couloir tandis que je secouais les draps, pour voir s’il y en avait pas un moins pire qu’un autre, vu que le matelas était spongieux de foutre. Elle était entrée, elle avait dit : « Pigs ! All pigs ! » et elle m’avait lancé une paire de draps propres.

Pour la remercier, je lui avais refilé une caissette de fraises toutes fraîches, je sais pas trop pourquoi ni comment j’avais ça sur moi. Et deux paquets de cigarettes. Après j’avais essayé de dormir, dans la chaleur plombée de Manhattan, les klaxons des taxis et les cris des putes qui se faisaient bastonner sur la 44e. C’est comme ça qu’il tient, l’immeuble du YMCA de la 44e : au dos des putes, et sur des amoncellements de poubelles.

C’est pour ça que je suis allée à Harlem. Plus au nord. Plus frais.

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Kurt Cobain contre Dr. No

L’air était frais, la mer était proche ; il l’entendait bouger doucement. Le soleil se levait à peine.

 

Je perçois les choses de façon si aiguë… Si je me concentre assez, je peux voir des petites traces de résidus transparents dans le coin externe de mes yeux. Ou alors, c’est une conjonctivite. Je peux les suivre tandis que mon regard descend, c’est comme regarder un film avec des amibes ou de la gelée, comme observer du plancton au microscope. Et si je regarde en direction du soleil, le flamboiement orange vif dessine le tracé intense de cellules sanguines, ou ce que j’imagine être des cellules sanguines. Elles bougent très rapidement et je ne tiens pas longtemps avant que mes yeux ne se fatiguent, et je dois détourner le regard du soleil et me frotter les paupières très fort, et là, je vois de petites sphères de lumière étincelante — certains appellent ça des étoiles — qui ne durent qu’une seconde, puis j’ouvre mes yeux mouillés de larmes à cause du frottement et regarde le ciel, loin du soleil, et oublie tous ces putains de petits trucs tordus à la con s’agitant au coin de mes yeux, ou la vision en gros plan des cellules sanguines sous mes paupières, et je regarde le ciel tout entier et je n’essaie même pas, mais je vois se dessiner dans les nuages toutes sortes de visages, objets, statues…

Il s’assit, secoua le sable de ses cheveux.

Une fois, j’ai vu Jésus sur une carapace de tortue.

 

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Une troll d'histoire

VOUS CONNAISSEZ PAS l’abominable pougnard des Locaces ? Ben c’est un pougnard qu’habite les monts Locaces. Et il est assez abominable. C’est un peu comme un troll avec une cotte d’armoise, mais en taille XXL et c’est pas des écailles d’armoise qu’il a sur le torse : c’est des excroissances naturelles. Et ça aime pas trop le poisson. Et c’est très, très susceptible. Demandez donc à Claquebec, de la taverne du Dragon Frit, si c’est pas susceptible, un pougnard. Pas plus tard qu’hier soir, tiens… Si j’étais au Dragon Frit, hier soir ? Un peu, que j’y étais. Si je suis toujours vivant ? Je veux, oui. Vu comme je suis en train de mourir de soif, un peu que je suis vivant. Ce qui s’est vraiment passé, hier soir ? Ah, je peux rien raconter avec la gorge sèche, hein… Merci. Garçon ! Une autre !

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La Perruque du juge

« ACCUSE, LEVEZ-VOUS ! Et restez debout. »

Le petit homme se leva, minuscule et très pâle dans un costume d’emprunt trop large pour lui. Ses dents de lait appelaient l’indulgence, mais son nez était terriblement impertinent, et ses yeux avaient mille ans.

« La liste des chefs d’accusation risque d’être aussi longue que votre répugnante existence ! » dit le Juge de sous son épaisse perruque à rouleaux, ruisselant de poudre et de dégoût. Il abaissa son maillet sur le socle en bois creusé par l’âge et les chocs répétés, avec une force telle qu’on crut un moment que le Tribunal allait se fendre comme une pastèque.

« SILENCE ! »

D’un geste théâtral, le Juge déroula un acte d’accusation aussi interminable que les conquêtes de Don Juan.

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Le Poème au carré

ASSISE SOUS UN GRAND TILLEUL, Alice s’ennuyait un peu. Elle venait juste de finir son livre et elle ne savait pas quoi faire en attendant l’heure du thé. Elle s’allongea sur l’herbe en prenant soin de lisser ses cheveux sur ses épaules, car depuis qu’elle avait eu dix ans il était nécessaire qu’elle se montre un peu coquette (sa sœur avait été très précise sur ce point). Ce-pendant, elle veilla à garder les yeux grands ouverts afin de ne pas retomber dans un de ces rêves interminables qu’elle faisait autrefois, et dont le récit ne lui avait valu que des réflexions désobligeantes ou, au contraire, des attentions incongrues.

Le ciel, à travers les branches du tilleul, était aussi bleu que bleu se peut, de fait Alice fut surprise de recevoir sur le coin du menton une petite goutte fraîche, puis une autre sur le bout du nez, et encore deux autres au milieu du front.

Elle s’assit précipitamment, passa sa main sur son visage et regarda le bout de ses doigts.

« C’est tout à fait étrange, dit-elle à haute voix, car elle n’avait pas perdu l’habitude de se prendre à témoin quand elle ne trouvait pas d’autre interlocuteur, mais il me semble bien qu’il s’agit de confiture. »

Elle goûta, hésitante, puis s’exclama :

« De la confiture d’orange ! Vraiment ! Vraiment ! Comme cela est cocasse ! Hélas, je crains de rêver une fois de plus. »

 

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L'Accroissement mathématique du plaisir

« Elle est superbe. »

Elle l’était.

Sa peau n’avait pas ce toucher irritant, gras à force d’être lisse, des épidermes synthétiques. Elsevier passa à nouveau sa main au creux des reins : on y sentait comme un léger duvet.

« Comment tu as fait ?

– J’ai copié à l’identique, mais sur un seul exemplaire, les quatre plus belles statues de Vénus. Celles de Cnide, de Capoue, de Praxitèle, et la Génitrix. Je voulais comprendre ce qu’il y a de divin chez ces femmes plutôt épaisses. Maintenant, j’ai compris.

– Moi aussi. »

 

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La Liste des souffrances autorisées

« ET IL Y AVAIT CETTE BONNE femme, avec cet accent de la Citadelle… »

Monsk pose sa fourchette dans le bazar qui encombre son assiette :

« Tu vois ce que je veux dire ? Elle parlait comme ça : “Est-ce que quelqu’un peut vraiment jurer qu’il est possible d’élever un enfant sans jamais ressentir de pulsion sadique ? Je suis sa mère, quand même ! Je ne suis pas censée lui faire croire que le monde est sympa, n’est-ce pas ? Quand il arrive avec un de ces foutus dessins qu’il fait à l’école, je suis vraiment obligée de faire semblant que c’est beau ? Pour qu’il croie qu’il suffit de chier sur une feuille pour me faire plaisir ? Je veux dire, je suis sa mère ! C’est mon boulot, de l’élever ! Et cet imbécile m’aime ! Et pourquoi ? Parce que ça lui vient comme ça ? D’instinct ? Et je suis censée lui apprendre à se fier à ses instincts ? Et à déborder d’amour pour n’importe qui ? Et à le manifester n’importe comment ? Je suis censée l’expédier dans la vraie vie avec cette mentalité de… cette sensiblerie de… de perdant ? J’en ai fait des confettis, de son dessin ! Parce que ça m’a fait plaisir, et parce que ça lui apprend la vie !” »

Monsk éclate de rire et reprend ses couverts :

« C’est excellent. Excellent. Qu’est-ce que c’est, au fait ? »

 

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L'Amour au temps de l'hormonothérapie génétique

Los Angeles 2019…

Hillary était une petite bonne femme discrète. Elle portait des souliers plats, des jupes opaques, le minimum légal d’implants et un somptueux regard naturellement bleu. Quand Tigre lui demanda ce qu’elle faisait pendant son tiers-temps actif, il fut étonné d’apprendre qu’elle était Chief Engineer chez SkyNet, spécialisée dans l’hormonothérapie génique.

Tiger, lui, travaillait comme Life Time Value Manager dans une société de services. Il avait le physique de l’emploi, sobre et morose ; Hillary le trouva suprêmement distingué et délicieusement viril, avec dans le regard ce léger flou qui trahit les blessures secrètes pudiquement dissimulées, bref, elle tomba amoureuse comme un sac.

Tiger s’en rendit compte avant elle, évalua de ses yeux myopes les gros seins genuine cachés sous la blouse modeste, passa quelques jours à soupeser les avantages et les inconvénients d’une liaison éventuelle. Il se décida un mercredi à 16h22 GMT et à 21h09, Hillary était sa maîtresse, temps record dont il se vanta abondamment auprès de ses collègues.

 

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Un Soleil fauve sur l'oreiller

QUAND LE CIEL BAS et lourd pèse comme un couvercle…

Le ciel ne pesait pas : il était carrément posé par terre et noyait les rues dans une brume de gel. Mye, rétractée au fond de son manteau, avançait à longues enjambées sur le trottoir sonore, donnant courageusement du front contre la bise.

Les devantures défilaient à sa droite, chocolaterie rouge, pharmacie verte, oxygènerie grise. Mye tourna un coin et soupira d’aise tandis que le vent continuait tout droit. Elle ralentit le pas en passant devant la devanture éteinte d’un Lavomatic. Il était tard, la boutique était fermée et pourtant, comme la veille et comme le jour d’avant, une machine tournait. Une femme était assise sur une chaise, juste en face de la machine ; une vieille dame vêtue de noir qui paraissait menue et terriblement cassée, presque diluée dans la pénombre jaunâtre. Cette fois, Mye s’arrêta :

Quelle vie de misère oblige de si vieilles dames à sortir de si mauvaise heure ?

Mye approcha de la vitrine embuée. Elle fit glisser son masque stérile sur son menton et effleura la vitre du nez. La vieille dame ne bougea pas. Mye remit son masque en place et repartit, la tête enfoncée dans ses épaules.

 

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Mémoires mortes

L’AIR NOCTURNE ETAIT tiède et chargé d’effluves fruitées, la lune en son plein versait sur le parc un doux argent trompeur. Allongée dans l’herbe, sous les branches fleuries d’un chèvrefeuille, Nylone sommeillait. Un phénix, descendu sans bruit du ciel étoilé, se posa près d’elle et caressa de ses ailes bleues le visage de la jeune fille. Nylone bâilla, étira longuement ses bras chargés de bijoux. La mousseline blanche de sa tunique était mouillée de rosée. Elle ouvrit paresseusement les yeux : sur l’horizon outremer s’élevaient les hautes tours de la cité de Tintagel, mille clochers lumineux au-dessus desquels se croisaient des étoiles filantes. L’oiseau magnifique replia ses ailes, ouvrit son bec doré :

« BIP BIP BIP. »

Nylone s’assit en grimaçant : « Putain ! Fait chier, ce beeper… »

 

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La Cité du soleil (nouvelle)

Paul Grimal a disparu, ne laissant derrière lui qu'un ensemble de notes concernant la Cité du Soleil, cette fabuleuse construction mentale de l'Italien Tommaso Campanella. Des indices convergeant tous vers l'impensable : la Cité du Soleil existerait, quelque part... Mais comment rejoindre une utopie ?

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L'Apopis républicain

Depuis plus de deux siècles, la dynastie des Bonaparte règne sur le monde. Un règne qui devrait se trouver légitimé par la mission d'exploration que mène l'Aiglon aux confins du Système solaire. À moins qu'un assassinat politique ne bouleverse les plans impériaux...

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Dernier filament pour Andromède

La Voie Lactée se meurt, dévorée par l'entropie. Pour la myriade de peuples qu'elle abrite, il n'y a aucune alternative. D'autant que cette fin des temps est orchestrée par les Archontes, désireux de vivre l'Apocalypse jusqu'à son terme. Pourtant les Hu, race faible et mineure, refusent l'inéluctable, notamment Hu-Jon, prêt pour la plus folle des odyssées.

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Quand il y aura des pommiers sur Mars

La rhapsodie hongroise de Liszt emplissait l’espace démesuré du hall et ni les conversations ni les tintements des coupes ne parvenaient à occulter les notes aériennes, si parfaites en la circonstance.

Sacha s’approcha de la baie panoramique et leva les yeux vers ce qui se trouvait de l’autre côté. La formidable réalisation des ingénieurs chinois sous l’autorité desquels elle avait travaillé pendant de longues années, lui coupa le souffle.

« Par la moustache de Vladimir Ilitch ! Tu vois ça, Boris ? Il est encore plus impressionnant que je ne l'imaginais… »

Son compagnon maugréa, la bouche pleine.

« Tiens, prend plutôt une coupe. C’est pas tous les jours que tu pourras boire du vrai cham-pagne français, camarade ! »

Avec son front dégarni et ses favoris, Boris ressemblait plus à un savant fou ou à un écrivain sur le retour, qu’à un ouvrier mécanicien. Elle prit le verre qu’il lui tendait, en souriant.

« Tu t’enivres alors que nous contemplons le dernier joyau de la Révolution…

— Peuh ! Sans moi, ce truc-là ne tiendrait pas en un seul morceau, Sacha. D’ailleurs, avec tous les boulons que j’ai serrés, je me demande même s’il va…

— Oh, il volera, je puis vous l’assurer, camarades ! »

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Les Climats

Qu’est-ce qui pourrait bien troubler des vacances sur Bella, paradisiaque planète de villégiature recouverte de domaines reproduisant les différents climats de la Terre ? Peut-être une menace extraterrestre…  Une féroce race alien a été signalée dans les parages. Mais comment dénicher dans un coin de paradis un ennemi qui ne ressemble à nulle autre chose que des feuilles mortes ?

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Les Années métalliques

Depuis trois siècles, aucun humain n'a plus foulée le sol de la Terre Maternelle. Abandonnée par les hommes, la planète n'est plus occupée que par les machines intelligentes qu'ils ont construit pour le servir et qui continuent leur absurde besogne, année après année, rendant la planète inhabitable. Telle est la mission du Tacticien-Astucieux Heltreb : anéantir les machines pour rendre à l'humanité son berceau, et mettre fin aux années métalliques...

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Translateur

Sarego Witz est l’un des cinq Translateurs que compte la Galaxie. Avec l’aide d’un symbiote mystérieux, le Bleuté, un nuage de cristaux azurés, Witz peut se déplacer instantanément à travers la Voie Lactée. Lors d’un naufrage de vaisseau spatial, c’est à lui que l’on fait appel, car seul un Translateur est apte à effectuer le sauvetage d’un vaisseau en perdition. Sa nouvelle mission : secourir l’équipage de L’Unitaire du côté de 45 Cygni…

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Mnémonique

Sarego Witz est désormais Translateur-explorateur. Le voilà contacté par l’entreprise Fontaine, une compagnie de transports touristiques dont le directeur a trouvé la mort lors d’une expédition dans les Chapelets de Borgia, une zone de la Galaxie peuplée par les Sacs. Les Sacs, d’immenses outres gazeuses dont les entrailles projettent des visions fantastiques, propres à exciter la convoitise de certains, et dont Witz devra résoudre le mystère…

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Nocturne pour démons

Dans la Cité, il n’est d’organisation plus mystérieuse que la Ligue de la Nuit, qui promeut la liberté sous toutes ses formes. Cette Ligue, Benjad Arglider veut à tout prix l’intégrer. Pour ce faire, il doit passer une épreuve : tuer un démon. Après tout, les démons ne doivent-ils pas être tués ? Commence alors pour Arglider une quête hallucinée qui va le mener aux tréfonds du palais de l’Omnipotent, jusqu’au plus près d’une vérité qu’il n’aurait jamais imaginé.

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La Route de Driegho

« L'espace dans le secteur d’Ophiuchus, n’était qu’un vaste poudroiement de soleils, un enchevêtrement de rayonnements et d’incandescences où les différents vaisseaux, en route vers Anaël, Félice ou la Nouvelle-Thuringe, étaient difficilement décelables. »

À bord de leurs deux vaisseaux, Azio et Richard filent vers la planète Griche, dont la capitale, Driegho, attaquée de l’extérieur par des conflits et minée de l’intérieur par une révolution, est sur le point de tomber. Une aubaine pour les deux récupérateurs. Mais leur chemin croise celui d’un vaisseau à l’équipage de pirates aussi libertaires que joueurs, ce qui pourrait bien changer la donne…

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À l’est du Cygne

Basil Coria a été envoyé, pour un voyage sans grande probabilité de retour, vers le système de Sigili, quelque part à l’est du Cygne. Sur la quatrième planète de ce système solaire lointain, la figure du cygne possède une étrange prééminence. Les chétifs indigènes sculptent des oiseaux de pierre à l’image du gigantesque nuage gazeux en forme de cygne qui illumine le ciel nocturne. Une figure qui semble associée à la peur et à la destruction…

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Intervention sur Halme

Le Bureau d’Activités Diverses et le Groupe d’Intervention Universel se disputent la planète Halme, non pas à travers l’espace mais à travers le temps… Pour Loswald Pertch, projeté sur cette planète, il s’agit d’abord de sauver sa propre peau, et si possible, de préserver les intérêts du GIU et d’empêcher la destruction de la Terre dans quelque avenir potentiel…

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La Bataille d’Ophiuchus

La bataille d’Ophiucus dure depuis près de deux siècles. Quand le vaisseau Rey-Hiroun fait escale sur Thiège II, c’est l’occasion pour l’équipage épuisé de se délasser et de profiter des plaisirs qu’offre la planète : repos, bonne chère, et femmes… Sway, le second du Rey-Hiroun, rencontre la jeune Criilje. Mais leur idylle naissante est contrariée par le départ prochain du vaisseau : la guerre continue de faire rage et impose aux équipages les dures conséquences de la relativité…

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Les Jardins de Ménastrée

Glément Mournier n’a qu’un but dans la vie : mettre fin à la dynastie des d’Immarsys, cruelle lignée qui règne non seulement à travers l’espace mais aussi le temps… Mais ç’est le moindre des problèmes pour Glément, qui est lui aussi un voyageur temporel. Plus ennuyeux pour lui, outre l’immoralité des d’Immarsys, est leur immortalité : comment tuer ceux qui sont déjà morts ?

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Lune de feu

Le responsable de la fin du monde, c’est lui, Ludwig Rendhel. Par la faute de l’une de ses inventions, la lune s’est transformée en une sphère enflammée qui détruit la Terre le 12 août 1962. Voyageur du temps, Rendhel revient sans cesse en ce même après-midi pour prévenir la catastrophe. C’est toujours la même chose, c’est toujours la même journée, et la belle jeune fille est toujours la même…

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Exit on passeig de gracia

Miguel est photographe et vit à Barcelone avec ses deux amies, Lucia et Eulalia. Mais dans quel Barcelone ? Celui de 1910, où la Sagrada Familia est encore en construction et où Antonio Gaudi périra, victime d’un accident ? Ou bien celui de 1996 ? Tant tous les cas, « on » le poursuit.

Étrange course temporelle, composée de fragments comme autant d’instantanés, Exit on Passeig de Gracia est l’un des textes les plus personnels de Michel Demuth.

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