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“Trop semblable à l'éclair” chez Plume en clair-obscur

« C’est surtout une œuvre de science-fiction intelligente, de celle qui questionne notre temps par le prisme du genre, un véritable OVNI littéraire et explosif qui, pour moi, offre une expérience de lecture inédite, proche de celle que j’ai pu vivre en découvrant Hypérion, de Dan Simmons.
En fait, Trop semblable à l’éclair, c’est bien “un truc de dingue”, éblouissant. Vertigineux. » Plume en clair-obscur

Le Parallaxe Dune part en live le 10 décembre

Le Bélial’ vous donne rendez-vous sur Youtube pour une conférence en direct d’Arrakis (ou pas loin), le jeudi 10 décembre de 19h à 20h30. L’astrophysicien Roland Lehoucq, le paléontologue Jean-Sébastien Steyer et le chimiste Fabrice Chemla nous parleront de Dune, le chef d’œuvre de Frank Herbert, et disséqueront sa créature la plus emblématique : le ver géant des sables. Shai-hulud, sa vie, son œuvre… Un quiz sera organisé lors de cette conférence en ligne, pour tenter de gagner des exemplaires de Dune – exploration scientifique et culturelle d’une planète-univers  !

 

Dune : l'avis de Lorhkan

« Alors que dire si ce n’est que cette parution de la collection “Parallaxe” est un superbe recueil d’articles (en plus d’être un bel objet joliment illustré par Cedric Bucaille), passionnant de bout en bout et offrant un éclairage complet et remarquablement documenté sur une œuvre qui n’a pas fini de faire parler d’elle et qui s’impose encore aujourd’hui comme un texte majeure du genre SF ? Tout simplement indispensable à tout lecteur cherchant à tirer la substantifique moelle du roman de Frank Herbert. » Lorhkan et les mauvais genres

Sélection Imaginaire du prix Libr'à nous 2021

Joie ! Ce n'est pas un ni deux mais trois titres de la collection Une Heure-Lumière qui figurent dans la sélection Imaginaire du prix Libr'à Nous 2021 !
Vigilance de Robert Jackson Bennett, Le temps fut de Ian McDonald) et La Survie de Molly Southbourne de Tade Thompson (trad. Jean-Daniel Brèque) s'y trouvent en très bonne compagnie.
Rendez-vous en janvier pour l'annonce de la sélection restreinte.

La Loterie et autres contes noirs

Ce livre est la traduction du recueil Dark Tales, duquel ont été retirés cinq textes, mais com­plétée par la plus célèbre nouvelle de Shirley Jack­son, « La Loterie », qui ouvre le volume. Et qui constitue le premier choc, tant la scè­ne initiale de loterie organisée dans un village à l’ambiance plutôt apaisée ne peut laisser prévoir ce qui va se passer ensuite. Plus de soixante-dix ans a­près sa publication dans The New Yorker, où il avait fait scandale pour sa fin sans concession, ce texte n’a rien perdu de sa force. Shirley Jackson s’empare de lieux paisibles, y instille un léger doute, et le laisse croître et mûrir jusqu’à ce qu’il devienne appréhension, puis angoisse, et enfin terreur lorsqu’on s’aper­çoit que de doute, il n’y a plus. Plusieurs textes rassemblés ici obéissent à ce principe, com­me « Les Vacanciers », qui clôt le recueil avec la même force que « La Loterie » l’avait ouvert : un couple de retraités, habitué à aller en vacances dans un coin tranquille, décide pour une fois de prolonger son sé­jour au-delà de sa traditionnelle date de départ ; dès lors, leurs relations avec leurs voisins autochtones se détériorent progressivement, jusqu’à l’iné­luctable et horrible fin. Tragi­que destinée que Jackson a le bon goût de ne jamais dévoiler réellement : on dépasse le stade de l’allusion, l’autrice ne laisse au­cune ambiguïté sur ce qui se passera ensuite, mais conclut avant que la terreur ne devienne visuelle. Un procédé d’une efficacité redoutable : pendant la majorité du texte, la réalité de la menace fait débat, le lecteur espère toujours que les protagonistes s’en sortiront ; Jackson sape peu à peu ces espoirs, prenant au piège ledit lecteur dans la nouvelle… et la fin ne le libérera pas, puisqu’il sait ce qui arrivera aux personnages, et risque fort de voir ensuite son imagination travailler autour de ces scènes atroces. Mais les échéances affreuses ne sont pas obligatoires pour susciter l’anxiété : dans « Louisa, je t’en prie, reviens à la maison », une jeune fugueuse retourne chez elle après une parenthèse de plusieurs années, espérant se réconcilier avec ses parents. Or ces derniers la rejettent, convaincus d’avoir affaire à une usurpatrice…

C’est sans doute aussi pour gagner en effica­cité que Jackson n’emprunte guère au fantastique : très peu de textes de genre ici, comme si user d’un argu­ment non réaliste risquerait d’amoindrir l’effet souhaité ; nul besoin d’aller chercher une créature fantastique quand une femme au foyer qui adore son mari a brusquement des visions où elle tue celui-ci ( « Quelle idée »), quand une septuagénaire qui bichonne ses roses voit ses voisins sombrer dans l’inquié­tude à mesure qu’ils reçoivent des lettres anonymes… qu’elle a elle-même rédigées ( « La Possibilité du mal »), ou quand une jeune fille kleptomane fait peser les soupçons sur d’autres élèves de son pensionnat ( « Trésors de famille »).

La force des textes est également liée au traitement qu’en fait Jackson : délaissant tout second degré, tout humour noir à la Robert Bloch, l’autrice préfère narrer ses contes « À plat » : peu d’émotions, mais pour autant aucune distanciation qui pourrait vite se transformer en satire (une partie du propos est pourtant bien là, dans une critique sociale de l’Amérique du xxe siècle). Non, Jackson reste à proximité de ses personnages, ménage ses effets avec une économie de moyens remarquable : le style est simple, les phrases courtes, et pourtant l’impact sur le lecteur est énorme.

De Shirley Jackson, on connaît surtout La Maison hantée et Nous avons toujours vécu au château, deux splendides romans fantastiques. On aurait tort de passer à côté de La Loterie et autres contes noirs, recueil de textes brefs où le fantastique cède la place au réalisme, mais avec la même ambition de semer tourment et angoisse dans l’esprit du lecteur. Mission réussie.

Nous avons toujours vécu au château

Nous avons toujours vécu au château est l’un des chefs-d’œuvre de Shirley Jackson, et son titre évoque par sa référence architecturale celui d’un autre sommet des littératures de l’imaginaire, Le Maître du Haut Château paru lui aussi en 1962. Placé, com­me l’« Opus Majus » de Philip K. Dick, sous le signe à la fois légendaire et gothique du château, le roman de Shirley Jackson partage encore avec lui une même relecture schizoïde du réel. Car c’est un univers entièrement filtré par le point de vue d’une protagoniste à la psyché troublée que concentre Nous avons toujours vécu au château. Le roman a pour narratrice cette « petite folle de Merricat », ainsi qu’est affectueusement surnommée par sa grande sœur Constance, celle qui, en réalité, se nomme Mary Katherine. Âgée de dix-huit ans, elle est, avec son aînée pas tout à fait trentenaire et leur vieil oncle Julian, l’un des derniers occupants de la « maison Blackwood ». Tapie au cœur d’un vaste domaine où l’on a laissé « les arbres etles fourrés et les petites fleurs pousser comme bon leur semblait », la vaste demeure domine un village d’une grise ruralité où Mer­ricat ne se rend pourtant qu’avec répugnance. Les courses hebdomadaires qu’elle doit y faire tiennent, en effet, du chemin de croix. La jeune fille y endure les re­marques perfides des adul­tes ainsi que les moqueries agressives des enfants, lui rappelant le destin étrange et tragique d’une famille dont elle est l’un des ultimes représentants…

Autant d’agressions qui forment la perturbante ouverture de Nous avons toujours vécu au château et qui, traitées sur un mode vé­riste, lui auraient sans doute donné des allures initiales de « Série noire » rurale. Mais, parce qu’ils sont restitués au travers du seul prisme de l’esprit hors-normes de Merricat, ces moments de harcèlement villageois campent plutôt un paysage littéraire sur lequel plane puissamment l’Ange du bizarre. La jeune fille dessine dans le bourg un étrange itinéraire, à la fois ludique et magique : « Quand je faisais les courses, je me livrais à un petit jeu, inspiré de ceux destinés aux enfants où des cases sont disposées en spirale sur un tableau. […] Si la journée était excellente, je faisais une offrande, un peu plus tard, sous la forme d’un bijou. » Mais lorsque le rituel ne fonctionne pas, que les incidents de harcèlement villageois se multiplient, son esprit s’emplit de visions de géhenne, lui représentant ses tourmenteurs « rongés de l’intérieur, recroquevillés par la douleur et poussant des cris affreux ». Une même tonalité sorcière préside à l’évocation par la singulière Merricat de la vie quotidienne dans la maison Blackwood. Constance, « princesse parmi les fées », semble par quelque magie ménagère capable de préserver le lustre de la vaste demeure Blackwood, tout en prodiguant à ses occupants une abondance culinaire discrè­tement miraculeuse. L’aînée de Merricat incarne ainsi une manière de fantastique domestique dont participe encore l’ « excentrique » oncle Julian. Unique survivant du drame qui a fauché la plupart des Blackwood, et dont il se fait l’historien obsessionnel depuis son fauteuil roulant, l’oncle a comme des allures baroques de ressuscité archiviste. D’une bienveillance enchan­teresse pour ses proches (y compris pour son chat Jonas qui aime à lui ra­conter « ses histoires »…), le regard de Merricat mé­tamorphose ceux qu’elle tient pour ses adversaires en autant d’esprits malins. Ainsi en va-t-il de Charles – un lointain cousin venu prendre possession de l’héritage Blackwood –, sous les traits banals du­quel Merricat débusque à la fois « un démon et un fantôme ». Et par qui adviendra la catastrophe précipitant la chute de la maison Blackwood…

D’une force entêtante, l’écriture trans­figure le prosaïque matériau d’une in­trigue criminelle en un fascinant conte moderne, érigeant au bout du compte Merricat et Constance en figures légendaires de l’ère du soupçon psychanalytique. Nous avons toujours vécu au château consacre ainsi Shirley Jackson comme l’une des maîtresses d’un imaginaire conçu comme un formidable outil pour déchirer le réel, en mettant à nu sa texture fondamentalement névrotique.

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