À l’annonce de cette parution, d’aucuns pouvaient se réjouir : la traduction d’un nouveau livre fantastique indien ! Joie ! On allait sortir des autoroutes anglo-américaines pour découvrir un chemin différent – une opportunité si rare. La présentation était alléchante : et si Shiva, le Mahadev, le Dieu des Dieux, le Destructeur du Mal, n’était qu’un simple être humain dont l’existence exceptionnelle, la politique intelligente et habile, et les exploits guerriers incroyable avaient fait l’égal des dieux ? Hélas, les promesses ne sont pas tenues. Là où on s’attendait à une fresque épique guerrière, au renouvellement d’un mythe fondateur, on ne trouve ici qu’un conte naïf peinant à entraîner le lecteur à la suite de ses héros.
Le style est fluide et agréable, mais un tantinet trop facile et didactique. Les personnages sont simples, souvent naïfs (encore, oui), touchant presque au cliché, comme souvent dans les allégories religieuses ; on oublie ici tout idée d’identification par manque de profondeur psychologique. Des forces géopolitiques qui ont poussé ce chef d’une petite tribu tibétaine à s’aventurer dans d’autres territoires, à devenir l’égal d’un dieu pour la postérité, on ne saura presque rien, tant il semble subir les événements plutôt que les vivre. Seule une antique prophétie justifie l’ascension rapide au pouvoir de cet homme au karma exceptionnel, et il semble trop difficile pour le texte de se détacher d’une symbolique millénaire forte et omniprésente.
L’histoire aurait pu être intéressante, particulièrement pour nous, publics occidentaux trop souvent non initiés à la richesse des cultures indiennes et asiatiques. Mais alors que le roman se voulait justement roman et devait dépoussiérer un récit millénaire, il échoue. Où sont les stratégies politiques et guerrières, les jeux d’alliances, les richesses polyculturelles de cette époque historique antique si foisonnante qui ont créé l’Inde ?
Quel dommage ! L’auteur, que l’on devine érudit éclairé et croyant, aurait pu apporter tellement plus à cette Histoire… Nous reste à relire Gilgamesh, roi d’Ourouk de Robert Silverberg, et en conseiller du coup la lecture à Amish Tripathi.
Zack Lightman est un adolescent américain presque comme les autres qui essaie de traverser tranquillement et le plus discrètement possible sa dernière année de lycée. Son père a disparu des années plus tôt dans l’explosion d’une station d’épuration, et sa mère infirmière multiplie les services à l’hôpital, ce qui arrange bien Zack, qui n’est passionné que par deux choses : les jeux vidéo et le magasin de jeux vidéo dans lequel il travaille. Joueur forcené, il a même réussi à atteindre la sixième place dans le classement mondial de son jeu préféré, Armada. Zack commence pourtant à s’interroger sur sa santé mentale quand il voit un vaisseau identique à celui du jeu se balader dans le ciel au-dessus de sa petite et insignifiante ville de Beaverton, Oregon. Deviendrait-il fou, comme son père, adepte des théories du complot et persuadé que l’existence des extraterrestres a été dissimulée depuis des années par les gouvernements mondiaux ? Promis, Zach effectuera une dernière mission avant de décrocher. Sauf que (Spoiler alert)… son père avait raison, et cette dernière mission sera plus cruciale que tout ce qu’il a pu imaginer dans ses fantasmes de gamer les plus fous. Car quand une invasion extraterrestre menace la Terre, l’humanité entraînée à son insu depuis des décennies par les jeux vidéo et préparée par les films et romans de science-fiction n’a plus qu’une chose à faire : se battre.
Après le nerdgasme qu’était Ready Player One (le livre, évidemment, pas le film pour adolescents de Spielberg), voici le deuxième roman attendu du geek en chef Ernest Cline, qui inaugure une nouvelle collection de SF, « Nouveaux mondes », dirigée par deux anciens combattants du domaine : Philippe Hupp et Hervé Desinge. Beaucoup moins travaillé que Ready Player One, on prend surtout plaisir en lisant Armada à imaginer le film qu’il pourrait donner – le propre d’une littérature-produit. Car voilà le vrai point faible du bouquin : il tient plus du scénario que du roman. Les événements s’enchaînent à une vitesse supersonique, et les deus ex machina multiples qui passeraient sans problème au sein d’un blockbuster sont ici très visibles. Les personnages, noyés dans la succession des péripéties, peinent à se faire entendre malgré des histoires personnelles qui seraient intéressantes si la narration leur en laissait la place. La traduction française est bonne, meilleure que le texte original, parfois, mais elle ne peut pas rattraper certaines failles scénaristiques et longueurs de récit. Reste un moment sympathique de lecture sans conséquence, en attendant le film promis par Universal, et qui ne devrait pas tarder, vu le succès du précédent.
Le catalogue 2019 du Bélial' est parti chez l'imprimeur pas plus tard qu'hier et devrait être disponible vers la fin février. Couverture et fichier Pdf de l'objet sont à découvrir par ici sur le forum.
Pour fêter leur couronnement par le prix des lecteurs Bifrost 2018, les deux nouvelles, « Comment c'est là-haut ? » de Edmond Hamilton et « Brumes fantômes » de Thierry Di Rollo, vous sont offertes au téléchargement du 29 janvier au 28 février !
Pour compléter le cahier critique du Bifrost 93, retrouvez sur le blog des chroniques supplémentaires — par ici et par ici aussi. Au programme, des curiosités, des rééditions bienvenues et des nouveautés valant le coup d'œil et un peu plus…
Le Bélial' et Bifrost figurent dans la première sélection 2019 du Grand Prix de l'Imaginaire. Retrouvez tout le détail sur le site officiel du GPI.
Le Bifrost 93 spécial Peter Watts est dès à présent officiellement disponible, en papier comme en numérique dans toutes les bonnes librairies et sur belial.fr !
Les deux volumes de l'intégrale des nouvelles de Jack Vance sont désormais disponibles !
Séance de rattrape sur le blog : en attendant la parution (dans 3 jours !) du Bifrost 93 spécial Peter Watts, on vous propose un guide de lecture annexe, l'occasion de se rappeler que notre intérêt pour l'auteur de “Vision aveugle” ne date pas d'hier…
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