Port d'âmes
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Nouvelle incursion de l’auteur dans son univers d’Evanégyre (après La Route de la Conquête), Port d’Âmes suit l’itinéraire de Rhuys ap Kaledán, jeune héritier d’une grande famille contraint à la servitude pendant plusieurs années pour expier la faute de son oncle. À son retour, son père est décédé, sa famille s’est disloquée. Il trouve néanmoins l’appui d’anciens amis qui vont lui proposer une association pour tenter de trouver le secret de la conversion dranique aux pouvoirs magiques. L’enjeu est important, aussi va-t-il se heurter à la convoitise des principaux investisseurs de la cité d’Aniagrad susceptible d’occasionner traîtrise chez les uns et mensonges chez les autres. Il devra également gérer sa relation avec une jeune femme, qui vend ses souvenirs par pans entiers pour survivre, s’amputant de ceux-ci par la même occasion, et dont il devient client un peu par hasard avant que leurs rapports n’évoluent progressivement vers quelque chose de plus intime et douloureux.
La quatrième de couverture n’hésite pas à convoquer Robin Hobb et Brandon Sanderson. C’est sans doute un brin excessif, mais force est de constater que ce Port d’Âmes est d’une solide facture : cadre crédible, jusque dans les ressorts de la vie politique locale, histoire d’apprentissage classique mais efficace, profondeur psychologique des personnages, le tout servi par une plume maîtrisée et travaillée. Avec la touche d’originalité bienvenue liée au fameux transfert de souvenirs, qui procure les scènes les plus marquantes et les plus tragiques du roman. La relation entre les deux jeunes gens est une merveille de sensibilité, car même si Rhuys devient progressivement plus proche de la jeune femme pour avoir acheté ses souvenirs, il s’en éloigne en même temps peu à peu, incapable de comprendre pourquoi elle s’automutile de la sorte. Le reste de l’intrigue porte sur les jeux de pouvoir, et si les relations des édiles de la cité sont décrites avec finesse, on ne pourra s’empêcher de trouver Rhuys bien naïf – certaines révélations sur la duplicité de tel ou tel personnage semblent un tantinet éventées quand elles adviennent, ne surprenant guère que le jeune homme. Au rayon des (légers) défauts, on signalera aussi combien le récit aurait gagné à suivre une petite cure d’amaigrissement tant il présente quelques longueurs, heureusement non rédhibitoires. In fine, Port d’Âmes se révèle un roman sympathique porteur de jolis moments d’émotions, sans oublier quelques scènes d’action assez trépidantes. L’univers d’Evanégyre semble en outre suffisamment riche – Davoust sème ici un certain nombre de pistes – pour qu’on y revienne avec un certain intérêt.