Les Premiers-nés
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[Critique commune à L'Œil du temps, Tempête solaire et Les Premiers-nés.]
Une équipe de l’ONU en hélicoptère — une femme, deux hommes —, et les trois cosmonautes d’une capsule Soyouz sont pris dans un étrange phénomène physique et s’aperçoivent assez vite que la Terre a été démontée puis remontée avec des morceaux d’époques différentes, a priori toutes antérieures à leur naissance. L’équipe de l’ONU rejoint un contingent de l’armée britannique du milieu du XIXe siècle, dans le nord de l’Inde, et l’équipe du Soyouz observe trois grands peuplements humains très développés sur cette nouvelle Terre baptisée Mir, avant d’initier leur rentrée dans l’atmosphère. Babylone est le plus proche : une ville coupée en deux par une explosion nucléaire « ancienne », vers laquelle, après quelques péripéties, vont converger l’armée d’Alexandre Le Grand et celle de Gengis Kahn, ainsi que nos voyageurs du futur (du moins ceux qui ont survécu).
Le premier volume de cette trilogie Baxter/ Clarke est un étonnant mélange de hard science discrète et de SF à papa (on pense à certains romans de Silverberg, agréables mais mineurs). Même si la première partie, jusqu’à la page 128, est un poil laborieuse, on progresse vite vers la confrontation Gengis Kahn/Alexandre le Grand promise, le tout vu par des yeux modernes. Suivre les aventures de Zabel et Bisesa, découvrir un Rudyard Kipling jeune, tout cela fait de L’Œil du temps une sorte de plaisir coupable, à l’ancienne, tout à fait recommandable si on supporte les maladresses d’exposition et la violence. Car, comme Origine, par moment L’Œil du temps envoie du bois et pas pour rire (viols, décapitations, énucléations, chirurgie avec les moyens du bord). Pas de doute, on savait s’amuser à ces époques-là (le mélange n’arrange rien, bien au contraire). Mais Baxter ne s’attarde jamais sur cette violence qu’il n’essaye même pas de mettre en scène. Au voyeurisme, il préfère le factuel sec et distant. Contrairement à ce qui se passe dans la vraie vie, ici un viol ne dure jamais plus d’une ligne.
Tempête solaire, le second tome, part dans une direction tellement différente qu’on en est déboussolé pendant presque toute sa lecture. Le 9 juin 2047, une tempête solaire frappe la Terre et provoque de nombreuses catastrophes, électriques et autres. S’ensuit une intrigue hard science autour d’une seconde tempête solaire, « a global killer », prédite pour quatre ans et demi plus tard par un génie des neutrinos. Force est de constater que c’est du pur Baxter, dans sa veine Déluge/ Arche, avec une catastrophe, une solution « impossible ou presque », un fond progressiste très marqué, une grande foi dans le futur. On n’évite pas de longues plages d’explication à base de physique des particules, mais aussi des passages d’exposition, patauds, qui semblent ressurgir d’un autre âge de la SF, celui, justement, des Fontaines du paradis d’Arthur C. Clarke.
Dans le troisième tome, Baxter fait la jonction entre tous les éléments des tomes précédents et les Œils (sic!) du temps, c’est-à-dire les Premiers-nés du titre. Ce troisième tome, malheureusement, se révèle aussi laborieux qu’ennuyeux, malgré quelques passages réussis et une saine volonté de vouloir « nouer ensemble » toutes les pistes empruntées par les tomes précédents.
La trilogie de « L’Odyssée du temps » est un ensemble « malade de son hétérogénéité », mais paradoxalement cette hétérogénéité, ces surprises régulières, participent du charme global qui se dégage des deux premiers volumes. Le troisième (remake au carré du deuxième : la menace venue d’ailleurs, les « préparatifs de survie », la confrontation) n’est pas de trop, il est raté.
Au final, on conseillera le premier tome à ceux qui veulent lire de la SF à papa pleine de grands empires en mouvements (Macédoniens, Mongols). Les tomes deux et trois, conçus pour pouvoir être lus sans le un (les rappels des faits sont nombreux), plairont plutôt aux fans hardcore de Baxter qui veulent tout savoir sur la construction d’un bouclier planétaire, les conséquences de l’immersion totale d’une planète jovienne dans le Soleil et la nature de sphères dont le rapport circonférence/diamètre est trois, au lieu de Pi.