Fiction T2
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On l'attendait de pied ferme, le voici. Fiction n°2 est désormais disponible et maintient allègrement le cap vers le très haut niveau. Quelques esprits chagrins ne manqueront pas de signaler, çà et là, les nombreuses coquilles qui agrémentent l'ensemble. Mais on pardonnera aisément à l'équipe rédactionnelle, tant les textes proposés ici ont une forte tendance à calmer tout le monde. Fiction, c'est avant tout des nouvelles de haute tenue, mais aussi des essais, des chroniques et toutes sortes de choses dans un format aussi joli qu'élégant. Si la couverture du numéro 1 en avait fait ricaner plus d'un, nombreux étaient ceux qui, au contraire, l'appréciaient vraiment, ne serait-ce que pour son éloignement assumé des vaisseaux spatiaux à la con et des barbares velus (on nous pardonnera l'expression). Passons donc rapidement sur la couverture de ce numéro deux, illustrée par un bon parmi les bons (F'murr, dont il n'est évidemment pas question ici de remettre en cause le talent), mais qui passe totalement à côté du sujet et nous laisse plus que sceptiques… Pas grave, tout comme pour Bifrost, l'essentiel est à l'intérieur, et justement, Fiction ne se fout pas de la gueule du monde en termes d'intérieur.
Ainsi, les nouvelles sont toutes au mieux formidables, au pire surprenantes. On ne saurait trop insister sur l'incroyable texte de Loyche (« Ce qu'il y a de bien dans la vie »), dont l'absurde et le comique masquent un tragique aussi poignant qu'effrayant (une course de vélo qui voit disparaître son favori, dans un monde où les humains peuvent se déconnecter de la réalité et de ses nombreuses émotions en se mettant en Pilote Automatique). En quelques pages, qui vont droit au but et qui laissent le lecteur aussi raide qu'emballé, Loyche réussit la prouesse d'être aussi drôle qu'affreux, via la peinture d'un monde épouvantable qui hante longtemps après le coup de marteau final. Une vraie découverte et un auteur à suivre de très près, suivant la formule consacrée.
Sans résumer l'ensemble du sommaire, on notera également l'excellente nouvelle de Ian R. MacLeod (« Le Temps du retour »), qui donne dans le classicisme extrême tout en étant d'une originalité proprement furieuse : en marge de la désastreuse expédition polaire de Scott, une machine à voyager dans le temps, pilotée par des scientifiques aussi hagards que fatigués, tente l'expérience ultime : ramener un élément du passé vers le futur, et accessoirement faire mentir la théorie qui certifie l'impossibilité d'une telle tentative. On pensait avoir tout lu sur le voyage dans le temps et maîtriser comme des princes les grands principes du paradoxe temporel. On avait tort…
Au final, la renaissance de Fiction, sous la forme d'une anthologie périodique, fait partie de ces initiatives aussi casse-gueule que formidables, et le résultat correspond à nos attentes. La ligne éditoriale est impeccable, les textes exigeants et originaux. Un vrai souffle et un vrai bonheur de lecture en perspective. Souhaitons longue vie à la chose et réjouissons-nous en attendant Fiction n°3.