Blanc comme l'ombre
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Victor Berre est l'exécuteur des basses œuvres du gouvernement français. Travaillant dans l'ombre, il est celui qui organise les pires crimes au nom de la raison d'État. Robert Crive travaille pour le Secret, officine héritière des anciennes agences de détectives.
Le second est chargé de suivre le premier. Par qui ? Pourquoi ? Crive n'en sait rien, mais il est payé pour ça, alors il le fait. Et il n'est pas au bout de ses surprises. En effet, Berre est déconcertant à plus d'un titre. Bien sûr, il y a cette particularité physique, une lumière diffuse qui semble émaner de son corps, qui l'éclaire de l'intérieur et gomme les traits de son visage. Mais il y a plus inquiétant, car au fur et à mesure que Crive découvre la véritable personnalité de Berre, il semble en même temps s'oublier lui-même. Lorsque ses propres souvenirs sont remplacés par ceux de Berre, lorsqu'un lien télépathique s'installe entre eux, alors Crive commence réellement à se poser des questions, car il n'a pas été choisi au hasard pour mener cette enquête : quels liens existent vraiment entre ces deux hommes ?
Disons-le de suite : plutôt qu'un roman d'action, Blanc comme l'ombre est un roman d'ambiance. Et pour installer l'ambiance, Curval prend son temps, tout son temps : c'est long ! Dire que Curval écrit d'une plume de maître n'a rien d'une révélation : un style élégant, impeccable, des mots qui frappent. Il donne surtout l'impression d'écrire pour lui-même. Et puis, de temps en temps, notre auteur semble se souvenir qu'il a : 1/ un lecteur, 2/ une action à mener, ou du moins un mystère à résoudre. Alors hop, vite, il fait avancer l'action en balançant les révélations par brouettes entières. On passe cent pages à suivre un quidam auquel on a du mal à s'intéresser, et soudain, en deux-trois pages chrono, un pan entier du mystère nous est révélé, posé là comme un cheveu sur la soupe, sans aucune subtilité. Et le cycle recommence.
Pour la peine, le lecteur reste un peu sur la touche, un chouia désillusionné : une histoire qui avance par hoquets monstrueux, aucune finesse dans l'à-propos, une montée en tension qui ressemble à l'encéphalogramme d'un poulpe. Curval tombe dans le piège de la facilité, de la mauvaise manie qu'ont beaucoup d'auteurs à jouer les deus ex machina, sauf qu'ici, il ne le fait pas avec ses personnages, mais avec les événements et au détriment de la progression dramatique. Du coup, la révélation finale, assez laborieuse, arrive sans que le lecteur n'éprouve plus qu'un intérêt poli. Et comme ce final manque franchement d'originalité, je vous laisse imaginer l'intérêt de la chose…
Avec Blanc comme l'ombre, on se régalera des descriptions, des paysages, de l'usage de la langue de Molière. Quant aux amateurs d'action trépidante et de rythme effréné, ils passeront leur chemin.