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L’Âge de cristal

Depuis sa création, la collection « Nouveaux Millénaires » a consacré une part non négligeable de son programme éditorial au dépoussiérage de classiques figurant au catalogue J’ai Lu : la quasi-totalité des romans de Dick, bien sûr, mais également des œuvres signées Simak, Vance, Harrison et quelques autres. C’est au tour de L’Âge de cristal et de sa suite de bénéficier d’une nouvelle traduction. À la (re)lecture, une question s’impose : était-ce bien nécessaire ? Voire même seulement raisonnable ? Certes, le titre a connu son heure de gloire dans les années 70, avec une adaptation au cinéma en 1976, laquelle a eu suffisamment de succès pour donner naissance, l’année suivante, à une brève série télé et une encore plus brève série de comics chez Marvel. Quarante ans plus tard, ces différentes versions peuvent au mieux espérer éveiller une douce nostalgie auprès d’un public plus très jeune.

L’Âge de cristal a pour lui la simplicité de son accroche : au début du xxiie siècle, pour lutter contre la surpopulation et le manque de ressources, la durée de vie de l’ensemble de la population est limitée à 21 ans. À la naissance, chaque individu se voit greffer dans la paume de la main un cristal qui changera de couleur au fil des ans, jusqu’à devenir noir, signifiant à son propriétaire qu’il est temps pour lui de rejoindre une Boutique du Sommeil. Si la grande majorité de la population accepte son sort sans broncher, il s’en trouve toujours quelques-uns pour refuser cette mort programmée et tenter de rejoindre le légendaire Sanctuaire où, dit-on, il est permis de vieillir. Ces fugitifs sont pris en chasse et impitoyablement éliminés par les Limiers, chargés de faire respecter la loi coûte que coûte. Logan fait partie de cette police, et n’a jamais remis en question son rôle dans la société. Jusqu’au jour où, à son tour, son cristal s’assombrit.

Les premières pages de L’Âge de cristal ne sont pas inintéressantes. Nolan et Johnson y mettent en scène un monde très marqué par son époque, dans lequel on navigue d’un bordel psychédélique à une galerie commerciale entièrement dédiée aux drogues. Les auteurs ne prennent pas le temps de décrire en détail le fonctionnement de cette société, mais le survol que l’on en fait donne à voir une utopie hédoniste dans laquelle on se noie dans le sexe et les paradis artificiels en attendant la mort. Live fast, die young.

Puis Logan décide de s’enfuir en compagnie de Jessica, la sœur d’un fugitif qu’il était chargé de traquer. Et aussitôt le roman part en couille. Nolan et Johnson lancent leurs héros dans une course sans queue ni tête à la recherche du Sanctuaire, enchainant les péripéties grotesques et les mésaventures navrantes. Parmi les mauvaises rencontrent qu’ils accumulent, des prisonniers cannibales psychopathes détenus au pôle Nord, un ermite cyborg psychopathe tailleur de glace, des gitans psychopathes, des mômes psychopathes, un ordinateur psychopathe, sans oublier divers autres… psychopathes. Autant d’épisodes répétitifs, bâclés en quelques pages, sans une once d’intelligence ou de subtilité. Logan et Jessica ne sont que des pantins ballotés d’une menace à l’autre, sans la moindre épaisseur. Et pour couronner le tout, Nolan et Johnson écrivent avec leurs genoux, ne rechignant pas à enquiller les adjectifs redondants et les métaphores foireuses à longueur de pages. Bref, si l’on fait abstraction des scènes de sexe et de violence qui parsèment le texte, on se trouve face à un médiocre sérial des années 30 comme les pulps de l’époque en publiaient à la chaine.

Aussi désolant que soit L’Âge de cristal, sa suite réussit pourtant l’exploit d’être encore pire. Écrit suite au succès obtenu par son adaptation ciné, Retour à l’âge de cristal se situe dix ans plus tard. Logan et Jessica, désormais heureux parents d’un petit Jaq, redécouvrent le monde qu’ils ont quitté et qui, entre temps, s’est effondré. Les auteurs, déjà à cours d’imagination, se contentent pour l’essentiel de revisiter les lieux du précédent roman et de constater les dégâts. En guise d’intrigue, une histoire de vengeance : Logan se lance à la poursuite des bikers (psychopathes, bien entendu) qui ont kidnappé sa femme et tué son fils. Autant le premier récit se déroulait sur un rythme frénétique, autant celui-ci progresse laborieusement, tire à la ligne pour allonger à la taille d’un roman une histoire qui n’en méritait pas tant. Jessica y est encore plus inexistante, son rôle principal consistant à être torturée et violée par ses ravisseurs. À l’inverse, Logan, plus viril que jamais, mène son enquête à grands coups de quéquette, qu’il sort plus souvent que son flingue. Spoiler alert : à la fin, tous les méchants meurent et c’est bien fait pour eux.

Bref, l’intérêt de rééditer — pire encore, de retraduire ! — une bouse pareille m’échappe. Ceci dit, ça aurait pu être pire : le troisième tome de la série, Logan’s search, est toujours inédit en France. Par pitié, qu’il le reste !

La Tétralogie noire

Le beau parpaing que voilà ! Et toujours aussi peu maniable… mais qui a le bon goût de compiler quatre romans majeurs de John Brunner – même si l’auteur ne les a semble-t-il jamais désignés sous ce nom de « Tétralogie noire » pourtant devenu très commun. Tous à Zanzibar a été régulièrement réédité en français, mais ce n’était pas le cas de L’Orbite déchiquetée, du Troupeau aveugle et de Sur l’onde de choc, indisponibles depuis fort longtemps. Or il serait dommage que le premier roman, certes un immense chef-d’œuvre, et le prix Hugo 1969, soit l’arbre qui cache la forêt, parce que l’ensemble constitue une somme de la meilleure SF.

Il est souvent prudent de se méfier quand on parle d’auteurs de SF « visionnaires », qui « prophétisent », et cetera, mais, dans le cas présent, et même avec quelques lacunes notables d’ordre notamment technologique, très excusables, il apparaît clairement que Brunner est au-dessus du lot, bien au-dessus. Il est assez terrifiant à vrai dire de voir combien ces romans, écrits entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, et tous situés dans un futur proche, essentiellement la décennie 2010 (ça tombe bien), anticipent certains traits de notre monde contemporain, de la télé-réalité immersive au néocolonialisme économique, du repli sur l’irrationnel et la pseudoscience au racisme le plus paranoïaque et alimenté par le lobby des armes, de la destruction de l’environnement aux intellectuels-gourous, de l’omniprésence des médias aux ambiguïtés de la société de l’information dans un monde néolibéral, qui vire à la société de contrôle.

Ce n’est pas tant la prospective au plan technologique qui frappe le plus par sa justesse (il y manque assurément beaucoup de choses, même si Sur l’onde de choc, roman précurseur du cyberpunk, contient probablement ce qui se rapproche le plus de l’informatique personnelle, du piratage et des virus en même temps que d’Internet, avec ses dimensions de contrôle social mais aussi de redéfinition de l’identité, avant les années 1980), mais comment Brunner, dans ces quatre romans, anticipe notre manière de penser – et peut-être surtout de penser mal. Certains discours ne jureraient pas si on les extrayait de ce livre pour les attribuer, mettons, à des parlementaires niant le changement climatique – et certaines figures actuelles de la politique, de l’économie ou des médias, pourraient tout aussi bien, hélas, être des personnages de John Brunner…

Mais l’autre grande réussite de ces romans, et peut-être la plus appréciable de manière objective, c’est l’immersion incroyable qu’ils suscitent, notamment en jouant des principes que Brunner a piqué à Dos Passos et à sa « trilogie U.S.A. », et en mettant tout particulièrement en avant les médias – cette approche kaléidoscopique du monde, tout en fragments de publicités, de chansons, d’articles de presse, de notices de médicaments, avec des personnages éphémères témoins en forme de commentaire de l’intrigue à hauteur d’homme ; à vrai dire, pour cette même raison, l’intrigue passe régulièrement au second plan, s’il y en a une, et c’est très bien comme ça. C’est davantage marqué dans Tous à Zanzibar, ça l’est beaucoup moins dans Sur l’onde de choc, le roman le plus « classique » au plan de la narration, mais c’est tout de même un aspect remarquable de l’ensemble de cette tétralogie.

Vraiment de la SF haut de gamme – qui est bien de son temps par certains côtés, mais tellement au-dessus du lot et effroyablement juste sur tant de points qu’elle mérite bien qu’on y revienne. Et si L’Orbite déchiquetée et Sur l’onde de choc sont probablement un petit cran inférieurs (peut-être d’ailleurs parce que ce sont les deux romans qui recourent le plus à la quincaillerie SF – incluant pouvoirs psy aussi bien que robots et bizarreries temporelles, tandis que Nick Haflinger, dans le dernier roman, a des atours de héros autrement plus marqués que ses contreparties plus ambiguës dans les trois titres qui le précèdent), Tous à Zanzibar et Le Troupeau aveugle, le roman le plus noir de cette « Tétralogie noire » (parce que sans concessions – dans les autres, Brunner ménage en dernier recours, et peut-être sans conviction, un très vague espoir utopique, qui jure dans le tableau impitoyable qui forme l’essentiel du récit), méritent sans l’ombre d’un doute d’être qualifiés de chefs-d’œuvre. Indispensable !

La Loterie et autres contes noirs

On a du mal, aujourd’hui, à peser combien la nouvelle de Shirley Jackson « La Loterie » a pu bouleverser son lectorat en 1948 ; on a à vrai dire du mal à comprendre comment cette nouvelle, certes très réussie, a pu susciter un tel scandale — comme l’illustre Miles Hyman, petit-fils de l’autrice, dans une édifiante postface. Aujourd’hui, la célébrité de cette nouvelle joue un peu contre elle : si le propos demeure juste, et glaçant, le lecteur de 2019 ne saurait être choqué comme celui de 1948 — ni même aussi surpris.

Mais la malédiction de « La Loterie » est peut-être celle de l’arbre qui cache la forêt, et l’initiative de Rivages consistant à publier le présent recueil n’en est que plus salutaire : ces Contes noirs regorgent de merveilles qui valent bien, voire surpassent, « La Loterie », et révèlent l’incroyable talent de Shirley Jackson, figure éminente du fantastique contemporain — encore que le qualificatif de « fantastique » puisse prêter à débat : le surnaturel n’est que bien rarement de la partie ; ce qui est au premier plan c’est alternativement la terreur, l’angoisse, le malaise…

L’autrice a un don inégalé pour susciter tout cela dans le plus terne des environnements : ces petites villes banlieusardes américaines, souvent, parfois quelque trou plus reculé où des citadins se rendent comme par défi — ou par désir maladif de jouer aux châtelains (La Maison hantée et Nous avons toujours vécu au château partagent bien des traits avec ces nouvelles). Des mondes clos, où tout le monde connaît tout le monde… Des pavillons qui se ressemblent tous, des ragots qui s’échangent chez l’épicier, des vieilles dames souriantes quand leur cœur est vicié, des coutumes que rien ne justifie sinon un bête « on a toujours fait comme ça »… Sous les façades proprettes, « La Possibilité du mal » ; dans la communauté, l’oppression conservatrice du troupeau — ou de la meute ; dans les couples, rancœurs et abus de pouvoir ; partout, la mesquinerie triomphante, la méchanceté à l’état pur, non assumée mais pas moins redoutable — l’hypocrisie et le mauvais esprit comme traits caractéristiques d’une Amérique des années 1940-1950 qui s’affiche pourtant bien plus admirable.

Dans cet environnement devenu emblématique, Shirley Jackson tisse des récits courts à l’intrigue resserrée, au style faussement simple mais toujours percutant. Nombre de ces nouvelles sont « à chute », un exercice périlleux dans lequel elle brille — mais son art du récit ressort bien davantage de ces quelques phrases en apparence anodines qui, le moment venu, font brutalement basculer le récit, et sans pour autant que la rupture ne sonne artificielle. Elle bâtit une façade avec adresse, mais se réjouit probablement davantage à la fissurer, voire à la démolir — et le lecteur marche, ravi d’être manipulé.

Cet excellent recueil est une ode à la nouvelle « fantastique », au malaise et aux vices cachés. À le lire, on voit bien tout ce que les auteurs ultérieurs du genre doivent à Shirley Jackson — pensons à un Stephen King, tout spécialement quand il délaisse ses pavés romanesques pour retourner à l’épure et à la densité du récit court ; les deux auteurs partagent cette qualité rare leur permettant de poser une ambiance en trois phrases, et de dynamiter les certitudes du lecteur en une seule.

Lire les nouvelles de Shirley Jackson ne relève en rien de l’archéologie critique : ces « contes noirs » se montrent toujours aussi redoutables aujourd’hui, pour la plupart, et constituent une lecture délicieuse. L’ensemble est un modèle du genre, chaudement recommandé à quiconque apprécie les frissons littéraires, et est prêt à affronter la réalité du mal, dissimulée sous le sourire des proches.

Lovecraft Country

À l'instar de la pierre philosophale, la seule mention du nom de Howard Phillips Lovecraft semble transformer le plomb des caractères d’imprimerie en or, du moins si l’on se fie à a profusion des essais, biographies, pastiches et autres variations autour de l’auteur de Providence et de son œuvre. Bien connu dans nos contrées pour trois romans, un titre de SF (Un Requin sous la Lune) et deux thrillers (Bad Monkey et La Proie des âmes), Matt Ruff apporte sa contribution à cet engouement, en livrant un Lovecraft Country où l’attrait pour l’univers lovecraftien tient plus de l’argument cosmétique que d’une véritable réécriture de ses motifs. Il ne faut en effet pas longtemps pour constater que la menace indicible s’incarne surtout dans les valeurs méphitiques d’une ségrégation raciale plus que jamais profondément enracinée aux États-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, y compris au nord de la ligne Mason-Dixon. Un fait dont Atticus Turner, ex-vétéran de la guerre de Corée, fait l’amère expérience au quotidien, mais aussi son père Montrose, sans oublier toute sa famille et ses proches, tous membres de la communauté noire de Chicago. Et, si l’on trouve bien des éléments surnaturels, voire science-fictifs dans Lovecraft Country, ils tiennent bien plus d’une sorte de pastiche des pulps dont Atticus et son oncle sont d’ailleurs de fervents lecteurs. Le roman de Matt Ruff s’apparente donc davantage à une satire légère de l’Amérique, confrontée ici à ses contradictions sur la question noire. On y apprend beaucoup sur la condition de cette part notable de la population, toujours regardée avec méfiance et une bonne dose de condescendance, quand il ne s’agit tout simplement pas de racisme avéré. Les difficultés à se loger dans les quartiers blancs et les stratégies mises en œuvre pour déjouer les obstacles empêchant les colored people de louer ou acheter une maison remplissent quelques belles pages du roman. De même, sans chercher à en amoindrir les effets, Matt Ruff retranscrit la suspicion entretenue sciemment autour de la communauté noire, accusée de nombreux maux sociétaux, notamment une délinquance associée naturellement à la couleur de peau. Les brimades et intimidations de la police, par ailleurs inerte lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits des Noirs, les insultes et violences racistes commises dans un climat d’impunité révoltant, tout ceci contribue à dresser un portrait guère reluisant de la société américaine de l’après-guerre, tout en renvoyant le lecteur à l'actualité récente. Matt Ruff distille l'information, mêlant les allusions à l’Histoire aux ressorts plus divertissants du pulp. On découvre ainsi l’existence du Guide du voyage serein à l’usage des Noirs, que l’on pourrait taxer de trouvaille géniale s’il n'était historiquement attesté, mais aussi l’infamie des émeutes de Tulsa. D’aucuns pourraient juger le trait forcé, déplorant l’aspect manichéen du roman. Bien au contraire, dans un épisode des plus intéressants, Matt Ruff propulse par magie une Noire dans la peau d’une Blanche. De Ruby, elle devient Hillary, profitant, non sans une certaine culpabilité, de ce renversement de situation. Découpé en plusieurs chapitres formant autant d’aventures, Lovecraft Country donne la fausse impression d’un fix-up, variant ambiances et personnages. On y retrouve cependant le motif récurrent d’une secte secrète, exclusivement composée de WASP, organisant des rites impies pour contrôler le monde, mais également d’autres tropes du fantastique, comme celui de la maison hantée ou de la possession maléfique. Le lecteur de de science-fiction n'est pas oublié, notamment à l’occasion d’un voyage sur une autre planète, via un télescope doté de capacités spéciales. Bref, dans l’ensemble, le roman de Matt Ruff reste une lecture légère, amusante, très référencée, non dépourvue de fond, mais peut-être un tantinet inaboutie et dilettante. En dépit de ce bémol, le sujet semble pourtant avoir attiré l’attention de HBO puisqu’une adaptation est d’ores et déjà prévue, sous la houlette de Jordan Peele, le réalisateur de Get Out. Il faut croire que Matt Ruff a su capter l’air du temps, d’une certaine façon.

Je suis Providence

La pléthorique actualité autour de Lovecraft a sans doute joué dans la décision des éditions ActuSF de traduire, via financement participatif, Je suis Providence, la somme biographique et critique de S.T. Joshi, son plus grand spécialiste, mais le projet avait tout de même quelque chose d’un peu fou, tant ce livre est un monstre : il pèse dans les 1300 pages en très petits caractères, et son contenu est extrêmement pointu — une enquête tellement précise, sur la base des nombreux témoignages fournis par Lovecraft lui-même via son abondante correspondance, ainsi que par ses nombreux proches, qu’elle en revient parfois à rapporter la vie de l’auteur au jour près ; la blague commune sur la publication des listes de courses devient subitement très concrète !

Et pourtant, Je suis Providence n’a absolument rien d’un pensum, et toutes ces informations extrêmement précises s’avèrent pertinentes et passionnantes. L’entreprise exhaustive de Joshi, sur la base de nombreuses sources primaires, restitue au plus près la vie d’un homme, et pas seulement d’un auteur. Ce qui fournit l’occasion d’abattre une fois pour toutes bien des mythes qui s’accrochent toujours à la figure de Lovecraft, le « reclus », « l’initié », sinistre, sans humour, sans amis, etc.

Pour autant, l’entreprise n’est pas purement biographique et factuelle, elle est tout autant critique, consistant en longues analyses de l’œuvre lovecraftienne, des vers enfantins aux ultimes récits d’horreur, en passant par le journalisme amateur, et sans jamais perdre de vue la correspondance, toujours en fond.

L’analyse est serrée et lucide — sans prétendre à une objectivité bien illusoire. Joshi n’en fait pas mystère : il a sa grille de lecture philosophique fondamentale, il a ses opinions, tranchées parfois, qu’elles concernent le comportement, la pensée de Lovecraft ou son œuvre, ainsi que celle de ses « disciples », et cela fait pour lui partie de son travail — il invite le lecteur à procéder de même, instituant, sinon un dialogue, du moins son amorce. Aussi ne devrait-on pas nécessairement approuver toutes les opinions exprimées par l’auteur, si elles sont toutes très bien argumentées, tout en appréciant cet engagement, qui rend le livre vivant, et ressuscite en quelque sorte Lovecraft.

D’autant qu’il ne l’épargne pas : si Joshi éprouve visiblement une intense sympathie pour son sujet, qu’il communique au lecteur, il n’en reste pas moins que Lovecraft l’homme a bien des traits répréhensibles (racisme inclus), et que Lovecraft l’auteur a plus qu’à son tour commis des médiocrités.

Que cette référence ultime des études lovecraftiennes soit disponible en français était inespéré — on doit remercier les éditions ActuSF pour cette entreprise, et Christophe Thill qui l’a dirigée, supervisant une équipe de dix traducteurs ; un procédé inhabituel, mais que la démesure du projet justifiait. Globalement, c’est un bon travail, qui se lit agréablement (même si Joshi ne fait pas dans la littérature). Cependant, on est bien obligé de relever que cette édition française n’est pas sans défauts. Conséquence du travail en équipe, la qualité de la traduction est très variable — et, sans citer de noms ici, on identifie bientôt les plus professionnels et les plus aléatoires (lesquels succombent régulièrement aux anglicismes, aux faux amis, etc.). De manière globale, hélas, la relecture est passablement déficiente — on ne compte pas les mots « absents » ou les reformulations qui ne se sont pas totalement substituées aux choix initiaux… Dommage.

Mais cette petite ombre au tableau, s’il fallait la mentionner, ne change rien au fait que Je suis Providence est le livre de référence sur Lovecraft, une somme brillante et inégalable, et que sa traduction française est un privilège. Félicitations pour cette belle entreprise.

La Chute de Gondolin

Présentant Beren et Lúthien, Christopher Tolkien expliquait que ce serait le dernier livre qu’il consacrerait à l’œuvre de son père. Mais La Chute de Gondolin fait mentir cette prédiction — et c’est à un livre du même type, qui rassemble les divers états d’une même histoire, que nous avons à faire. L’édition française, là encore, a fait le choix de reprendre les traductions antérieures (Daniel Lauzon se chargeant du commentaire), mais nous échappons cette fois aux vers français maladroits du « Lai de Leithian » (ouf).

Or ce conte est d’une grande importance dans le légendaire tolkiénien : non seulement est-ce un des trois grands récits du Premier Âge, avec Beren et Lúthien et Les Enfants de Húrin, mais c’est aussi l’origine de tout cela, car le conte de Tuor est le premier à avoir été écrit par l’auteur, vers 1916-1917, alors qu’il se remettait de son expérience dans les tranchées, qui a pu l’inspirer.

Ce « conte perdu » narre comment Ulmo, seul parmi les Valar à avoir conservé sa sympathie pour les elfes, mande un homme, Tuor, pour qu’il se rende dans la cité cachée de Gondolin, où Turgon règne sur les Noldor, dissimulés aux yeux de Morgoth. Tuor presse le roi d’agir : les elfes doivent sortir de Gondolin et se battre – sans quoi la cité tombera. Mais Turgon refuse d’écouter Tuor, et une trahison précipite la destruction de Gondolin ; rares sont ceux qui survivent à la terrible bataille, mais les exilés de Gondolin, tout elfes qu’ils soient, se rallient à la bannière de Tuor, qui a épousé l’une des leurs ; leur fils est Eärendel, le semi-elfe qui obtiendra des Valar qu’ils viennent au secours de la Terre du Milieu – avant de veiller dans les cieux sur la captivité de Morgoth, jusqu’à ce que l’ultime prophétie de Mandos se réalise.

Le conte, dans son style archaïsant, est un texte ample et épique, où le récit de la bataille occupe une place importante. Mais il constitue la seule version achevée de cette histoire. Par la suite, le perfectionniste Tolkien y est revenu, mais au travers de récits plus laconiques et fragmentaires. Cependant, après avoir achevé Le Seigneur des Anneaux, il entreprend de réécrire son conte séminal – mais, déprimé, il ne mènera pas ce projet à terme : la « dernière version » est donc celle des Contes et légendes inachevés, récit qui s’interrompt au moment où Tuor contemple pour la première fois Gondolin – sa vie dans la cité cachée n’est donc pas abordée, et la bataille pas davantage. Ce fragment souligne par défaut une nouvelle approche, où ce qui compte est le voyage – et le récit, sur un rythme posé, abonde en belles descriptions d’un Beleriand semi désert.

Le récit a beaucoup évolué, et Christopher Tolkien en livre un commentaire qui passionnera les amateurs d’exégèse ; demeure que ce livre ne se lit pas comme, mettons, Les Enfants de Húrin. Mais il a sa beauté propre – dans la furie grandiose de la bataille, comme dans la vague mélancolie qui saisit le voyageur en Terre du Milieu, accompagnant Tuor, le premier des hommes à contempler la mer…

Et Christopher Tolkien boucle la boucle : après le commentaire, il compile d’autres fragments, portant sur les exploits d’Eärendel, et le rôle qu’il jouera à la fin des temps. Ce qui est pertinent : ce conte n’a finalement jamais donné lieu à un récit ample et spécifique – mais on ressent combien il comptait pour l’auteur, autant que le conte de Tuor qui en constituait le prologue.

L’entreprise du légendaire tolkiénien est unique – et La Chute de Gondolin en est une confirmation en forme d’apothéose. Un ouvrage fascinant – même si sa part inédite est limitée, et si sa forme particulière ne parlera pas à tous les lecteurs.

Red Moon

Lorsque Kim Stanley Robinson (KSR), l’auteur de la « trilogie de Mars », cycle probablement insurpassable en matière de colonisation de la planète rouge et d’émergence d’une culture autochtone, sort un roman consacré à la Lune, les attentes ne peuvent être qu’élevées. Hélas, elles seront déçues.

Si, logiquement, Robinson met au centre de cette colonisation la Chine, qui domine le pôle sud de l’astre alors que toutes les autres nations, américains y compris, s’entassent au pôle nord, la colonie sélène n’est pas vraiment le point focal du récit. Car c’est en fait d’une anticipation du futur proche (2047) de la Chine dont il s’agit, et pas vraiment d’un planet opera comme pouvait l’être la « trilogie de Mars ». L’intrigue est centrée sur une nouvelle révolution Chinoise, visant à changer une nation introvertie, autoritaire, mono-culturelle, patriarcale, et surtout à être sous le règne de la Loi et pas du Parti. Elle est concomitante à une crise financière aux États-Unis impulsant un de ces nouveaux modes de gouvernement dont KSR est friand (il joue avec la notion de gouvernance par Blockchain, sorte de démocratie hyper-directe où toute action officielle est contrôlable en permanence par le peuple). Il montre d’ailleurs toute l’interdépendance économique entre les deux pays.

Il en profite pour décrire une Chine avec une citoyenneté à points, 500 millions de « migrants internes » illégaux horriblement exploités (vous êtes supposé travailler là où vous êtes né), une société de l’hyper-surveillance et de la dénonciation omniprésente, mais où le grand œil est à facettes, chacune étant contrôlée par un groupe militaro-sécuritaire différent, dans une balkanisation obscène de la « sécurité ». D’ailleurs, même au sein du Politburo, et alors que la succession du Président actuel est devenue inévitable, les factions sont innombrables, et en lutte d’influence féroce entre elles. Le conflit s’exportant sur la Lune, où, malgré le traité en vigueur, les militaires ont de plus en plus d’influence, et où les revendications territoriales, elles aussi interdites, ne sont pas loin quand un vaisseau américain installe une base provisoire au pôle sud.

Sur le papier, tout cela est alléchant, surtout connaissant l’intelligence et l’érudition de KSR. Hélas, on ne peut qu’être déçu, et ce sur deux plans : d’abord, ce qui est décrit de la colonisation est relativement maigre, peu crédible en termes de calendrier, même sachant la puissance de travail chinoise, capable de faire sortir de terre d’énormes infrastructures en un temps ridiculement court, et même avec des robots et des imprimantes 3D. De plus, certaines solutions techniques posent question. Enfin, on a le net sentiment que le propos n’est pas centré sur les Chinois sur la Lune en 2047 mais sur les Chinois en 2047 tout court.

Ensuite, sur le plan littéraire, Red Moon est à l’image de la production récente de KSR (sans atteindre le niveau catastrophique de 2312), c’est à dire affligé de multiples problèmes : lourd déballage d’infos, longueurs excessives (il décrit en détail des semaines de planque de deux des personnages, alors que fondamentalement, il ne se passe rien), rythme mal maîtrisé, fin abrupte, soucis de crédibilité (la fille d’un ministre qui est l’âme de la révolution, les allers-retours Terre-Lune incessants), deux des trois protagonistes qui sont soit falot (à la limite de l’autiste savant), soit monodimensionnel, multiplicité de thématiques pas toujours assez développées (Intelligence Artificielle générale), etc.

Les deux aspects cumulés font que Red Moon n’est pas à la hauteur de ce que l’auteur de Red Mars a jadis proposé, et peut-être surtout, sur un aspect strictement lunaire, n’est pas non plus au niveau de ce que d’autres écrivains ont récemment publié, à commencer par Ian McDonald et son cycle « Luna », qui, que ce soit sur le plan SF ou littéraire, bat Robinson à plate couture.

Les Souvenirs de la glace

Troisième volume de la décalogie « Le livre des martyrs », Les souvenirs de la glace est le premier inédit en français. Plusieurs lignes narratives s’entrecroisant dans le cycle : ce tome 3 ne fait donc pas directement suite au tome 2, mais se déroule en parallèle, poursuivant l’intrigue du tome 1. Il montre l’improbable alliance entre les Malazéens d’une part, et les forces de Rake et Rumin d’autre part, afin de combattre une nouvelle menace qui s’étend sur le continent de Genabackis, le Domin de Pannion. Dirigé par un oracle tellement tyrannique qu’il affame sa propre population au point qu’elle en est réduite à pratiquer le cannibalisme, cette théocratie est en expansion constante. Le récit sera donc rythmé par deux batailles opposant l’alliance et les forces du Domin, d’abord lors du siège de la ville de Capustan, puis lors de l’attaque de la cité de Corail. Mais l’intrigue ne se réduit pas à la lutte entre deux factions, car derrière cette façade terrestre, se cache en fait, en coulisses, celle entre des dieux et des races anciennes qui ressurgissent d’un lointain passé — le trope classique en fantasy de la menace emprisonnée, oubliée ou qu’on croyait vaincue et qui ne l’était pas.

Le roman impressionne du fait de la puissance démesurée des individus impliqués, l’ampleur de l’échelle temporelle utilisée, du côté pyrotechnique de la magie et autres armes employées, de l’âpreté des batailles ou la noirceur de certains actes décrits (cannibalisme, viol de soldats mourants), de la maîtrise de l’auteur, qui brasse personnages, nouveaux et anciens, points de vue et lignes narratives sans jamais (tout à fait) perdre le lecteur, et bien entendu du fait de certains moments d’émotion poignante et de surprise vertigineuse, bien que sur ce plan là, nous le placerions un peu en-dessous du tome 2. On notera toutefois qu’entre la fin du siège de Capustan et le début de l’assaut de Corail, le rythme et l’intérêt subissent une baisse qui, si elle ne remet pas en cause la valeur considérable de l’ouvrage, est tout de même assez sensible. On notera aussi que l’univers, déjà d’une richesse impressionnante, s’étoffe beaucoup, puisque nous en apprenons énormément sur différentes races, divinités, magies ou sur d’autres continents.

Sur le fond, donc, rien de bien méchant à dire sur ce roman, hautement recommandable pour qui ne craint pas une fantasy d’une noirceur absolue, tellement homérique qu’elle est à la fantasy épique « normale » ce que Greg Egan est à la hard SF. Reste le sujet épineux de la traduction. C’est à nouveau Nicolas Merrien qui officie, et si l’ouvrage se révèle tout à fait lisible, la prose fluide et non dépourvue, parfois, d’une certaine élégance, et qu’on sent que les problèmes soulevés par le camarade Bonnet dans notre n° 93 ont en bonne partie été réglés, il ne faut tout de même pas la regarder de trop près. Plus on avance, et plus les points de crispation s’accumulent pour le lecteur doté de sens critique. Le plus visible étant les innombrables « ouaip », qui, d’une part, s’ils sont adaptés au troufion malazéen, passent beaucoup moins bien pour des personnages plus distingués (et dénotent donc une rupture de ton malvenue), mais qui, d’autre part, constituent une évolution bienvenue par rapport aux « yep » du tome 2. On ose donc espérer des « ouais » pour le tome 4, et, soyons fous, des « oui » pour le 5 ! Nicolas Merrien n’est pas Emmanuel Chastellière, traducteur désormais expérimenté et au style élégant, et plutôt que de balayer les critiques pour ne retenir que le dithyrambe, on lui conseillera de remettre avec humilité son ouvrage sur le métier, afin d’offrir à la formidable matière première tissée par Erikson la traduction qu’elle mérite.

La Guerre sans fin

Ce roman est le premier tome d’une trilogie faisant suite au cycle « Lazare en guerre » du même auteur mais pouvant se lire de façon indépendante, quand bien même on y perdra beaucoup, Jamie Sawyer employant comme un des deux axes charpentant son récit un changement de paradigme qui ne pourra être perçu que par qui a lu le premier cycle. Douze ans après la fin de la guerre, nous suivons Keira Jenkins, l’ancien bras droit de Harris, désormais à la tête de sa propre équipe, les Chacals, alors que le Directoire n’existe plus, que l’Alliance est en paix avec les Krells, et qu’une nouvelle menace, un groupe terroriste aux motivations floues, a récemment fait une fracassante apparition sur des centaines de stations ou de planètes.

On comprend vite que l’intention de l’auteur est à la fois d’inverser certains des points clefs de la précédente trilogie (nous n'avons plus plus affaire à une unité d’élite adulée, mais à une bande de bras cassés raillés et méprisés ; les Krells ne sont plus des ennemis, mais au contraire des alliés ; un ancien membre du Directoire se bat aux côtés de soldats de l’Alliance ; l’adversaire n’est plus une nation humaine ou une race extraterrestre, mais un groupe terroriste, etc.), et peut-être, surtout, de centrer son propos sur les Krells, dont on en apprend beaucoup. De fait, si la saga Alien était une des sources d’inspiration de la précédente trilogie, ce nouveau cycle la met particulièrement en avant, tant les parallèles à faire sont nombreux (on croise l’équivalent d’une Newt adulte et soldat, un prisonnier qui se bat aux côtés de Jenkins / Ripley, le résultat d’expériences génétiques, etc.).

Si le roman n’échappe pas à divers stéréotypes (au niveau de certains personnages, protagonistes ou antagonistes, notamment), on peut estimer que l’auteur a fait le job, réussissant à concilier deux objectifs pourtant en apparence antithétiques, à savoir rester dans la continuité du premier cycle tout en proposant quelque chose qui en est, et sur de nombreux points, complètement à l’opposé. On retiendra aussi un fond thématique assez solide (sont évoquées la coexistence malaisée entre anciens ennemis, la vie dans une nation menacée en permanence et en tout lieu par un groupe terroriste, la pertinence d’un désarmement radical dans l’immédiat après-guerre), et une fin qui donne clairement envie d’en savoir plus, même si, tout compte fait, ce premier opus de la seconde trilogie reste assez lourdement caractérisé par son statut de tome introductif à une nouvelle intrigue et une menace inédite. On notera enfin un mystérieux épilogue, qui donne apparemment un indice sur le sort d’un personnage du cycle précédent.

Gît dans les cendres

Second tome de « La cour d’Onyx », Gît dans les cendres continue sur la lancée de Minuit jamais ne vienne, mêlant l’Histoire réelle de l’Angleterre et les ressorts occultes (dans tous les sens du terme), liés à une cour féerique installée sous Londres, qui la sous-tendent. Si le tome 1 se déroulait à la fin du XVIe siècle, celui-ci fait un bond en avant, plaçant l’action entre 1639 et 1666 (plus un épilogue en 1675), date du fameux incendie de la ville. De fait, les scènes situées lors de l’évènement forment un fil rouge constitué de chapitres d’une vingtaine de pages, entrecoupés de chapitres plus grands qui sont autant d’analepses expliquant comment on en est arrivé là. Marie Brennan crée d’étonnants parallèles entre la Révolution anglaise, qui fait traverser à la monarchie humaine bien des épreuves, et celles endurées par sa contrepartie féerique, dont les protections traditionnelles sont de plus affaiblies par le zèle puritain. Dans les deux cas, la même géopolitique est à l’œuvre, l’Irlande et l’Écosse constituant une épine dans le pied des monarques siégeant à Londres, humains ou Fae. La férocité de l’incendie de Londres trouve une explication surnaturelle, liée à une Sorcière du vent hivernal et à un Dragon, version XXL des élémentaires de feu communs. Mais les grands événements Historiques humains (mettant en scène quelques célébrités, dont Cromwell) ou la lutte entre Lune, désormais reine, et une reine Fae écossaise qui lui voue une haine tenace, ne constituent pas la seule dimension du texte, puisque celui-ci se double d’une strate plus personnelle, liée aux princes consorts succédant à Michael Deven.

Plus encore que dans le tome précédent, l’aspect historique est d’une impressionnante solidité, peut-être même trop pour le bien du roman. En effet, si Minuit jamais ne vienne était lisible sans qu’il soit nécessaire d’être doté d’une connaissance pointue de l’ère élisabéthaine, Gît dans les cendres amplifie la tendance constatée dans la novella intermédiaire Deeds of men (qui se déroule en 1625), à savoir projeter le lecteur, sans volonté didactique aucune, dans un tourbillon de factions, partis politiques, groupes religieux ou autres, dont, à moins qu’il ne soit anglais, il n’a probablement pas une vision claire. Si cet aspect Historique montre donc un louable souci d’exactitude, il crée un écueil sur lequel pourrait venir se fracasser le lecteur peu féru d’Histoire anglaise et pas enclin à aller faire des recherches sur internet. Toutefois, en Bifrosty, nous restons persuadés qu’au contraire, cet aspect est une grande force de ce roman, qui plus est habilement construit, écrit et traduit. Plus encore que dans le tome 1, ce cycle se révèle très supérieur à celui qui a fait connaître l’autrice en France, « Mémoires, par lady Trent »

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