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Le Sang des Immortels

Verfébro est de ces petites planètes un peu perdues et résolument hostiles. Couverte d'une jungle impénétrable (dont certaines essences d'arbres atteignent plusieurs centaines de mètres de hauteur !), soumise à une Restriction Technologique à la suite de troubles autonomistes fomentés par quelques groupuscules autochtones, les tout puissants cartels multimondiaux semblent se désintéresser du devenir de ce monde qui n'offre, après tout, que de bien faibles perspectives d'enrichissement. Jusqu'à ce qu'on retrouve un pauvre bougre cousu vivant dans un sac de jute huilé et qui, après plus de dix années de ce traitement, respire encore… De là à conclure à l'immortalité, il n'y a qu'un pas. D'autant que les légendes sur le Drac, un monstre vénéré comme un dieu par certains sauvages du fin fond de la jungle et dont le sang, le Soma, rendrait immortel, sont tenaces. Tirer la légende au clair, c'est ce que devront faire quatre aventuriers d'outre monde, découvrir si, oui ou non, le secret de l'immortalité se cache dans l'enfer vert de Verfébro. La traque peut commencer…

Le sang des immortels, c'est avant tout la jungle. Un sujet que Genefort maîtrise parfaitement (on se souvient d'Arago, également au Fleuve Noir), et qu'il a visiblement étudié de très près. Le maître Stefan Wul n'est pas loin, ses forêts de Nôo (en deux tomes chez Denoël) non plus.

C'est aussi une belle démonstration de la part de l'auteur, qui fait tout à la fois preuve d'une grande précision et d'un réalisme consommé dans l'énoncé d'innovations technologiques séduisantes, tout comme, et peut-être même plus encore, dans l'approche descriptive et narrative d'un écosystème aussi complexe que celui d'une jungle extraterrestre. À tel point que le reste, l'essentiel est-on tenté d'écrire, à savoir la trame, l'histoire, apparaît ici moins constitutive du roman que simple prétexte. On conviendra que c'est, malgré tout, un peu plus qu'un détail…

Bon. Genefort nous livre sa version de la quête du Graal ? Et après ? La trame narrative est plutôt simpliste, les personnages d'un piètre intérêt, et pourtant, et pourtant… Genefort sait raconter les histoires, et si celle-ci ne brille pas d'une originalité flamboyante, cela ne la rend pas moins divertissante pour autant. On se laisse aisément prendre au jeu de cette course-poursuite, on oublie la faiblesse générale de l'intrigue pour ne plus goûter que le plaisir d'une histoire simple et dynamique inscrite dans un cadre pour le moins hostile (la jungle, en l'occurrence). Pas de fioritures donc, de redondances et autres figures stylistiques ampoulées, à tel point qu'en fait, plus qu'une petite faiblesse globale de l'histoire, c'est peut-être une certaine froideur d'écriture qu'on pourrait reprocher à l'auteur…

Mais qu'importe en vérité ? Reste après lecture une impression finale : celle d'un roman distrayant, pas un chef-d'œuvre, certes, mais un bon brin de lecture d'aventure S-F C'est déjà pas si mal, non ?

Faust / Eric

Waooo ! fait le lecteur ingénu. Un nouveau tome (le neuvième !) des Annales du Disque-monde de Pratchett ! ? Et chacun de se frotter les mains, de se ruer sur l'ouvrage en question avec d'autant plus d'empressement qu'il marque le retour de deux figures vedettes de ce cycle vedette, le mage Rincevent et son fameux Bagages, deux héros qu'on avait plus vu depuis un petit moment (depuis trois volumes, pour être précis). Et puis il faut bien dire que l'aspect général de l'ouvrage a de quoi susciter l'intérêt, voire l'enthousiasme, et ceci même avant toute lecture. Parce que si un nouveau Pratchett est toujours une bonne surprise, un nouveau Pratchett consacré aux Annales du Disque-monde dans un format plus grand que celui des précédents opus, qui plus est richement illustré de dessins couleur intérieurs signés Josh Kirby, voilà bien de l'événementiel !

Bon. Une fois passé le plaisir visuel, la surprise, la joie qu'occasionne immanquablement l'acquisition d'un beau bouquin, arrive un moment où il faut bien se résoudre à le lire, le dit bouquin… Et c'est précisément là que nous attend une autre surprise, et pour tout dire sensiblement moins sympathique que la première : ce Pratchett là n'est pas un bon Pratchett. Ainsi, si l'aspect général du livre tendait fermement et d'emblée a faire pencher la balance côté « plus », sa lecture nous pousse irrésistiblement vers le « moins ». Moins drôle, moins captivant, moins imaginatif… (en guise d'exemple de ce que peut faire Pratchett quand il est en forme, reportez-vous à Au Guet !, le huitième tome des Annales en question). Un peu comme si l'auteur anglais avait perdu de son extraordinaire verve, de son sens du dialogue hors norme. Faust / Eric est un roman qu'on lit aussi vite qu'on l'oublie, un roman sans doute, aussi, vite écrit. Voilà bien le genre de bouquin fleurant bon le coup éditorial… Avec Faust / Eric et ses Annales du Disque-monde, Pratchett continue de passer en revue, sur un ton satirique très personnel, les grands poncifs de la Fantasy (ici le pacte satanique). Il le fait avec moins de brio qu'à son habitude, ce qui n'empêchera pas les inconditionnels (ils sont légions), de goûter les aventures du jeune Eric, ce bien piètre apprenti sorcier assorti d'un démon pour le moins curieux. Les autres feront l'économie des 89 FF du prix d'achat, en attendant un dixième volet qui ne saurait tarder (Les zinzins d'Olive-Oued, en novembre). Car sans doute il sera bien meilleur…

Born Killer

 

Jason Born est du genre de ces types curieux qui passent leur temps a tuer les autres. Nourris au napalm dès leur plus jeune âge, ces mecs sont de toutes les guerres, de tous les combats. Ils parcourent inlassablement le monde un flingue à la main, tirent sur tout ce qui bouge et dans tous les coins, ce qui, généralement, est plutôt salutaire pour leur propre personne parce que sans ça, il est probable que c'est sur eux-mêmes qu'ils tireraient. Jason Born est ainsi, à la différence près que lui, il est mort. Ou plus exactement il était… Mort ? Pulvérisé, même, dans l'explosion d'une grenade qu'il a fait péter peu de temps après avoir assassiné le Président des États-Unis d'Amérique. Que voulez-vous, on ne se refait pas… Sauf que Jason Born, le bien nommé, après être mort, et bien lui il renaît ! Et avec, en guise de corps, une machine ultra perfectionnée (ça vous dit quelque chose ? ah bon…), dans un Los Angeles du futur en ruine, avec pour mentors des types qui ont tous la même bouille et qui parlent pas beaucoup… Mais que se passe-t-il ? (prononcer avec l'accent nippon, svp).

Patrick Eris n'a rien d'un débutant. Il a en effet publié (sous un autre nom et n'insistez pas, on ne vous dira pas lequel !) près d'une dizaine de romans S-F, pour la plupart chez l'éditeur parisien Fleuve Noir. C'est également un traducteur Anglais/Français plus qu'affirmé. Aussi est on en droit de s'interroger sur la relative médiocrité du présent (petit !) bouquin. Un rythme narratif haché, une succession notable de clichés, défauts que ne parviennent pas a faire oublier une écriture très simple mais néanmoins nerveuse ainsi qu'une chute relativement inattendue. Dommage. D'autant que la collection « 4 D » nous avait habitué à mieux. Ce qui soulève une autre interrogation : la légitimité de ce Born Killer, un roman violent post apocalyptique, au sein d'une collection qui tentait jusqu'à lors de se positionner sur le space opera. Voilà qui risque de dérouter bien des lecteurs. Une preuve supplémentaire, s'il en fallait, que faire le choix indubitablement louable et courageux de ne publier que des auteurs francophones, pose des problèmes certains quant à la tenue d'une ligne éditoriale stricte (on en sait quelque chose, à Bifrost). Bref, on ne peut faire mouche à tous les coups. Aussi se rassurera-t-on très probablement à la lecture du prochain titre de la collection, Futur sans Étoiles, la suite des aventures de Delcano par Raymond Milési, dont le premier volet est, on s'en souvient, un véritable petit bijou.

L'Aube incertaine

 

Tem, tout juste remis de sa confrontation avec un archétype psychopathe et des incroyables révélations nées de ce combat (L'odyssée de l'Espèce), rempile à nouveau, mais cette fois dans le but de tirer au clair une série de décès (des meurtres ?) touchant exclusivement les adeptes du Délirium, un mouvement artistique essentiellement basé sur le credo du « vite et jusqu'au bout » très populaire auprès des jeunes. Une enquête à première vue moins dangereuse que sa précédente affaire, à première vue seulement…

Les Futurs Mystères de Paris, série dans laquelle prend place L'aube incertaine en tant que quatrième opus, bénéficient d'un atout de taille : Tem, son héros. En effet le caractère sympathique de ce personnage, un privé doté d'un étrange pouvoir, celui d'être oublié par tout (ordinateurs, administrations, etc) et tout le monde, n'échappera à personne. Deuxième gros plus de la série : son cadre, un monde ayant connu la Grande Terreur, sorte de conjonction ou l'univers de nos fantasmes s'est fondu avec celui de notre quotidien. Au sortir de cette catastrophe l'homme s'est assagi, a abandonné la plupart de ses pulsions autodestructrices, a renoué, bien souvent, avec la spiritualité. Une nouvelle race est apparue, les Millénaristes, mutants pacifiques aux pouvoirs étranges (dont Tem fait parti). Tout cela transposé dans un Paris du milieu du XXIe siècle, une banlieue, une France décalée mais néanmoins très proche, délicieusement « franchouillarde ». Tout cela participe d'une ambiance unique, vraiment particulière.

Pour toutes ces raisons L'aube incertaine s'impose comme un Polar S-F attachant. Et, s'il n'atteint pas le foisonnement du tome précédent (L'odyssée de l'Espèce), il n'en demeure pas moins distrayant. On notera que l'auteur continue a diversifier les points de vues (un principe amorcé dans l'épisode précédant), propulsant certains des personnages environnant Tem au rang de narrateur, d'où un gain très net en authenticité. De même on remarquera que ce présent tome est beaucoup plus lié à ses prédécesseurs, ce qui n'interdit pas une lecture indépendante quoiqu'on ne puisse totalement la recommander.

Les Aigles d'Orient

 

Voilà donc que nous retrouvons Wang, notre jeune héros Sino-Russe, à l'occasion de la sortie des Aigles d'Orient, second et dernier tome de la nouvelle saga SF signée Pierre Bordage.

Souvenez-vous : le monde est coupé en deux par le REM, une muraille électromagnétique réputée indestructible et infranchissable. À ma gauche l'Occident, plein aux as, riche de la misère de ceux de ma droite, j'ai nommé la république Sino-Russe et la Grande Nation Islamique. Nous avions quitté Wang tout auréolé de sa victoire sur le redoutable Hal Garbett, chef des forces américaines lors des 106èmes Jeux uchroniques. Nous le retrouvons plongé dans les tourments mortels des 107èmes, alors que, petit à petit, l'adolescent commence à prendre conscience de ses propres atouts et que se révèle à lui, impérieuse, une tâche dont-il se sent nouvellement investi : faire chuter le REM. Tandis que, dans l'ombre, oeuvrent des forces qui le dépassent de beaucoup…

On l'a déjà dit (in Bifrost 05), Pierre Bordage est sans doute l'un des espoirs les plus sûrs de la nouvelle SF française. Il possède toutes les qualités pour devenir un auteur de premier plan : un réel sens narratif, une conscience aiguë des ressorts de l'épique, qualités auxquelles s'ajoutent vraisemblablement un intérêt non feint pour la société, le monde dans lequel il vit — d'où l'intérêt prospectif de ses récits, une particularité qui nous permet de le rapprocher, notamment avec ce présent roman, d'un auteur comme Serge Lehman.

Wang est une saga, une belle, une grande aventure pleine de rebondissements. Ce n'est pas que ça, bien sûr. C'est aussi un avertissement, un message emprunt d'une profonde humanité, d'une sensibilité certaine. On l'aura compris, voilà un bouquin à lire. Toutefois ceci ne doit pas nous faire oublier que, au-delà des qualités évoquées plus haut, Wang n'est pas le chef-d'œuvre absolu dont on nous parle, ça et là, dans une certaine presse. Le texte est long, très long, parfois trop. Ainsi, au milieu de ce tourbillon d'aventures palpitantes, il arrive qu'on se surprenne à s'ennuyer. Rien de bien grave, qu'on se rassure, mais tout de même. Wang est à prendre pour ce qu'il est : la confirmation, après Les Guerriers du Silence, de la naissance d'un futur grand auteur, un écrivain de qui on pourrait bien dire, un jour, c'est un maître. Oui, un jour…

Les Rives d'Antipolie

 

Dans un monde submergé par l'Ecryme, une mort liquide, le couple Kechelev mène un combat révolutionnaire contre le régime en place. Mais le Lysandlr, le dirigeable qui transportait leur matériel illégal, vient de s'écraser. Louise, leur fille, est seule susceptible d'aller chercher cette cargaison tombée aux mains d'un dirigeant local. Avocate-duelliste de formation, elle prend la route, un cheminement qui lui dévoilera quelques-uns des mystères de l'Ecryme…

Mathieu Gaborit, qui jusqu'ici s'était cantonné dans le domaine de la Fantasy (cycles des Crépusculaires et d'Abyme, toujours chez Mnémos) nous livre donc, avec Les Rives d'Antipolie, son premier roman de Science-Fiction. Et force nous est donnée de constater que pour un coup d'essai, voici qui est plus que prometteur. En effet on ne se lasse pas de naviguer dans cette Europe déchirée, de découvrir comment la catastrophe de l'Ecryme influe tant sur les protagonistes que sur la technologie (très baroque). Le tout prenant place dans un univers pas fondamentalement novateur mais ne manquant pas d'intérêt (à mi-chemin entre Russie communiste décadente et société de survivance post-apocalyptique, c'est dire…), un monde déchiré vu au travers de personnages à la psychologie remarquablement affinée. L'occasion de découvrir un univers complexe, combinaison de politique et de corps de métiers érigés au rang de castes (peut-être un héritage de ces univers de Fantasy familiers à l'auteur).

Le premier texte d'une série intitulée Bohème ainsi que le premier volume de la collection Mnémos à paraître sous le label Science-Fiction (enfin…), un premier volet sans doute pas révolutionnaire mais qui a le mérite de nous faire languir d'une suite.

L'Empire des Abîmes

 

Aldoran est un dormeur, un médiateur que l'on réveille de sa transe cryogénique dans les moments de crises graves. Et justement… Le monde de Sombre-flot, planète de boue productrice d'une substance de Jouvence recherchée dans toute la Galaxie, sombre dans la terreur. Car ce qui aurait pu être une fantastique source de revenus s'avère posséder un revers de médaille cauchemardesque. En effet les habitants du noyau, depuis longtemps coupés de la surface, n'ont pas trouvé de meilleure occupation que de terroriser les autochtones par des décharges magnétiques détruisant les habitations et massacrants la population. Maux dont les nantis, soit dit en passant, sont protégés car résidents dans de véritables palaces volants. Aldoran va devoir concilier les intérêts des deux partis, du moins le croit-il, au début, avant que les événements ne prennent un tour nouveau…

Voici donc un monde austère et hostile, décrit dans un court roman qui se lit aisément et par lequel on se laisse facilement entraîner. Un récit qui s'insère dans une série reprenant le personnage d'Aldoran, dans le cadre d'autres missions, mais qui souffre de réelles incohérences. Un exemple : la molécule de bois n'existe pas en tant que telle (le bois est une structure très complexe qui ne peut se réduire à une molécule — détail que semble ignorer l'auteur), et franchement, même si elle existait, il apparaît très peu probable que l'injection d'une telle substance fasse pousser des bourgeons sur un infortuné cobaye ! Certes nous sommes ici dans le domaine des littératures de l'Imaginaire, un domaine qui n'autorise pas, malgré tout, n'importe quelle énormité…

On terminera en précisant que côté narration l'intrigue est bien menée quoique parfois un brin inconsistante, les personnages pâtissant d'une psychologie bien peu élaborée.

Chroniques des sept cités

 

Les Éditions du Khom Heïdon sont apparues voici une bonne année et ont trouvées leur niche éditoriale dans les nouvelles littératures populaires où le livre est un produit dérivé, novelisation d'un film, d'une série TV ou, comme ici, d'un jeu de rôle. Si les novelisations d'œuvres audiovisuelles visele très grand public et sont l'apanage des grosses machines commerciales, à l'inverse, les novelisations de jeux ciblent le public plus restreint mais boulimique à la fois des rôlistes et des lecteurs de Fantasy.

Les Chroniques des Sept Cités offrent une Fantasy d'inspiration toute leiberienne, un univers qui doit beaucoup à celui du Cycle des Épées. Samarande, dont le nom évoque les Mille et Une Nuits, est bien plutôt une nouvelle Lankhmar, Sakcha, le héros, un émule du Souricier Gris et Erlbir un avatar de Fafhrd, personnages auxquels Jacq a adjoint Narubio barde et monte-en-l'air, et Myrdhil, amazone plus de choc que de charme… Ajoutons Dar Yam, le préfet de nuit, un Eliott Ness local et Draqo en pendant d'Al Capone, autant d'évidentes références puisque, à l'instar de Lankhmar (en laquelle on peut voir le Chicago — ville de naissance de Leiber — des années 30), Samarande est infestée par la pègre où Anciens et Félins tiennent le haut du pavé.

À la suite du vol d'un joyau, Sakcha et sa bande sont entraînés dans une guerre des gangs larvée où les Toges Noires, branche criminelle de la secte de la Vierge Noire, affiliée aux puissances infernales, essaient de dresser Félins et Anciens les uns contre les autres. Sakcha, l'homme-chat, se trouvera un ennemi récurrent acharné à sa perte en la personne de Xariss, l'homme-rat. Après le joyau maléfique (tome 1), la lutte se poursuivra de plus belle et de façon de plus en plus personnelle (tomes 2 et 3). Xariss s'emparera de Lyse, l'amour de Sakcha, pour l'attirer dans un piège où il tombera et où Erlbir trouvera la mort, avant de se venger sans pitié mais en vain.

L'intrigue est complexe à souhait mais toujours limpide et pleine de rebondissements. Le premier tome peut se lire indépendamment, mais les suivants sont beaucoup plus liés. Le dernier, empreint de tragique, est en tout point excellent pour qui cherche une littérature de divertissement. Car c'est bien sûr de divertissement à l'état pur dont il est question dans cette trilogie. On ne retrouvera pas, sous la plume de Jacq, le charme du verbe de Leiber, mais cette courte trilogie génère une dynamique de lecture époustouflante. On est surpris de la qualité de l'intrigue et de la rapidité de l'action à couper le souffle. À lire par plaisir.

Plus proche que vous ne le pensez

 

Sous cette nouvelle signature, le Fleuve Noir exhume le thème du mutant qu'il pare d'une construction et des atours de la nouvelle vague. Histoire que cette thématique éculée apparaisse branchée. Une couche de modernité, dispensée sous la forme d'allusions à des manipulations génétiques, ne parvient pas à masquer l'antiquité du motif. La forme éclatée du récit lui apporte peu ; elle ne permet ni un démarrage de l'action sur les chapeaux de roues, ni l'entretien d'un suspense absent, le puzzle présenté n'engendre pas même un effet de révélation. Sous la plume de Philippe Renford, sur une Terre ravagée où seul ce qui a muté a survécut, les mutations ne sont plus monstrueuses, elles s'intègrent à la nouvelle nature. À l'inverse, sur la Station IV dans l'espace, les mutants, créés par le génie génétique à dessein de reconquérir la Terre, sont craints et persécutés.

Quatre d'entre eux s'évadent de la Station et gagnent une Terre où la survie n'est pas possible, sauf peut-être pour eux. Stev rejoint la horde de mutants terrestres, nés des radiations dures, menée par Krii après avoir recueilli l'esprit de Andr dont le corps est détruit. Raal est phagocyté par une plante qui vit en symbiose avec des humains auxquels elle procure une extase sexuelle permanente. Ina, enfin, a trouvé refuge dans la dernière communauté d'humains purs de la planète… Krii prendra cette ultime cité d'assaut mais plutôt que de détruire et de massacrer, mutants et humains trouveront un terrain d'entente pour reconstruire l'avenir avec l'arrivée des mutants qui viennent le s'évader en masse de la Station IV.

Il faudra ajouter un brin d'aventures sentimentales, celle, tragique, de Krii et de Ma Ih Lin ou celle d'Ina et de Stevandr ; un zeste de drame et le tour aurait dû être joué. L'absence d'un maître-personnage, rôle que Stevandr ne parvient jamais à embrasser, et la structure éclatée du récit laisse une impression de fadeur superficielle qui inhibe l'intérêt du lecteur. Quelques images intéressantes qui pourraient rappeler Brussolo ne parviennent à la faire oublier.

L'Odeur de l'or

 

Mis à part le fait que ce récit n'ait rien à faire dans une collection de S-F tant le Fantastique y est diffusé à dose homéopathique, L'odeur de l'or est un récit plutôt accrocheur et bien mené, un polar (pas S-F du tout) très noir et glauque à souhait.

Dans le cadre moite et étouffant de Leticia, petite ville colombienne à la frontière du Brésil, au coeur de l'Amazonie, Gaël Desmonts, de l'agence DO, enquête sur le correspondant local, Antonio Echeverria. De son côté Vicenzio, sous couvert d'expédition scientifique, vient, en compagnie d'une équipe succincte et d'une actrice nymphomane, tourner des snuff movies dans la jungle. Echeverria sera leur guide et ne devra pas revenir… ordre du sicario Luque Locco, des cartels de la drogue, qui veulent exterminer la peuplade des Ayahuascueros consommateurs de yagé.

Là où la vie ne vaut rien, la mort moissonne de toutes ses faux. Les meurtres aussi odieux que gratuits s'enfilent comme un collier de perles. Avec l'aide d'un jeune Indien, du journaliste Salvador Dosmonos et du travesti Amazonas, Desmonts empêchera l'ethnocide mais la magie des Ayahuascueros, gardiens de l'Eldorado, ne sera pas de trop.

Tous les aspects de ce livre rappellent furieusement la feue collection « Gore » à laquelle Christian Vilà avait donné trois romans. Tous les ingrédients d'un « bon » gore sont dans la marmite. Sadisme, meurtres, sexe et violence s'étalent avec un maximum de complaisance tout au long de L'odeur de l'or. Il est préférable aux lecteurs sensibles de s'abstenir. La cruauté et la violence crue, balancée en trois phrases tranchantes, confine au mauvais goût.

 Pour afficionados seulement. Tout le monde n'appréciera pas. Vous voilà prévenu.

On notera enfin la très belle illustration de Nicolet, l'un de nos meilleurs spécialistes de l'art glauque et morbide, de circonstance donc, qui est de retour au Fleuve Noir.

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