L'Algébriste
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Fassin mène une vie bien rangée depuis qu’il a abandonné ses habitudes de jeune homme. Il sera Voyant et fera la fierté de sa famille. Dans ce coin du vaste univers, une partie de son travail consiste à parler avec certains des Habitants, cette race extraterrestre facétieuse, qui semble ne rien prendre au sérieux. Et pourtant, elle est ancienne cette civilisation. Et elle en connaît, des choses, d’où ces discussions chargées de pêcher des renseignements. Comme l’endroit où se cache cette fameuse carte révélant l’emplacement de trous de ver, élément capital dans un monde aux dimensions gigantesques. Car comment voyager d’une partie de l’univers à l’autre sans ces raccourcis, indispensables au commerce et aux échanges. D’ailleurs, ils sont régulièrement pris pour cible par des pirates ou des terroristes (enfin, selon les pouvoirs en place). D’où l’importance de cette carte – pour peu qu’elle ne soit pas qu’une simple légende. Et Fassin, suite à des coïncidences et des calculs politiques, de se retrouver bientôt envoyé à sa recherche : une quête aussi fascinante que dangereuse.
Même quand il laisse de côté son monde de la Culture, Iain M. Banks n’hésite pas à se montrer ambitieux dans le worldbuilding. L’Algébriste propose un univers à faire pâlir un scénariste hollywoodien, tant il fourmille d’inventions et de trouvailles. D’ailleurs, avec la galerie d’extraterrestres imaginée ici, on se croirait dans la cantina de Star Wars en mode destroy et sous amphétamines. Mais toute médaille a son revers. Ces idées débridées ne vont pas sans un certain laisser-aller et un manque criant de rigueur dans la structure, tant de l’histoire, que de l’intérêt porté aux personnages qui la peuplent. Sans parler d’une tendance à la caricature et à l’exagération…
Ainsi, si L’Algébriste se révèle un roman-fleuve foutraque qui perd volontiers le lecteur avec ses digressions et le manque de suivi de ses protagonistes (certains disparaissent pendant des dizaines de pages, avant de faire une rapide apparition à peine justifiée), il éblouit par son imagination et sa vivacité. À lire, donc, si on ne craint pas certaines répétitions (l’auteur semble oublier avoir écrit certains passages vingt pages plus tôt, à moins qu’il ne pense que c’est son lecteur qui souffre de pertes de mémoire – que pouvait bien foutre son éditeur ?), et si l’on considère le réalisme comme une notion abstraite susceptible d’être tordue à volonté. Demeure l’émerveillement devant l’imagination de l’écrivain, proprement sidérante.