L’Ère de la supernova
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Une supernova explose à huit années-lumière de la Terre, et l’humanité découvre que son temps est compté : dans dix mois, les enfants de moins de treize ans seront les seuls survivants sur la planète, l’ADN de leurs aînés étant irrémédiablement endommagé. Comment les préparer à vivre dans un monde sans adulte ? Telles sont les prémisses de Liu Cixin, pour le moins vertigineuses (et qui ne manquera pas de renvoyer le lecteur à un paquet de références, à commencer par « Seuls », la BD best-seller de Vehlmann et Gazzotti chez Dupuis).
Nous suivons, dans la première partie du roman, la stratégie mise au point par les Chinois pour assurer la continuité des tâches, du chef de gouvernement au simple ouvrier, et pour assurer une certaine pérennité culturelle dans un territoire bientôt peuplé par 300 millions d’enfants. C’est l’occasion pour Liu Cixin de nous inviter à une réflexion sur l’éducation, l’apprentissage, le potentiel des enfants… mais aussi la capacité des adultes à donner à la jeune génération les meilleures chances de survie dans une situation extrême.
Reste que les motivations des uns ne sont pas celles des autres. Comment, mais aussi pourquoi gérer un pays quand on n’a pas
plus de treize ans dans un monde d’abondance où imposer quoi que ce soit par la force est exclu ? Le jeu pourrait-il devenir le moteur de la survie ? Faisant le pari d’une évolution des sociétés enfantines à un rythme comparable dans les pays industrialisés, l’auteur nous plonge alors dans un monde plus vaste, confrontant différentes visions, ce que signifie « jouer » dans la culture américaine et chinoise, par exemple… Visions dont il décrit, implacable, les conséquences cruelles, sanglantes et logiques sur l’évolution des différentes sociétés. Bien entendu, et heureusement, l’imagination des enfants les conduira sur des voies nouvelles…
Avec L’Ère de la supernova, Liu Cixin livre un roman étonnant. Sans oublier de rendre hommage aux enseignants et aux parents, il nous conduit, nous, adultes, à faire un pas de côté pour revisiter notre représentation de l’enfance. Et nous projette – une expérience perturbante – dans un monde où tout ce que nous connaissons pourrait perdurer, mais où tout est à construire de nouveau. Résolument optimiste mais en rien naïf, avec une approche très rationnelle, quand bien même on y trouvera quelques facilités, Liu Cixin propose au lecteur un voyage radical vers un monde nouveau, un monde des possibles. Alors pourquoi attendre l’arrivée d’une supernova pour nous y mettre ? Liu Cixin fait dire à son narrateur qu’il « n’a rien accompli de son existence à part quelques œuvres littéraires très dispensables à la fin de l’ère commune. » Ne le croyez pas : ce roman vous fera voir le monde autrement. Si ce n’est pas là l’essence de la science-fiction…