Sélection Imaginaire du prix Libr'à nous
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Les Meurtres de Molly Southbourne de Tade Thompson et Helstrid de Christian Léourier font partie de la première sélection du Prix Libr'à Nous 2020 dans la catégorie Imaginaire !
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Les Meurtres de Molly Southbourne de Tade Thompson et Helstrid de Christian Léourier font partie de la première sélection du Prix Libr'à Nous 2020 dans la catégorie Imaginaire !
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« Ce premier tome de « Terra Ignota » regorge de subtilités, de trouvailles, d’inventivités propres à contenter l’amateur de SF toujours avide de découvrir de nouvelle voix.
Dense et d’une très grande richesse, Trop semblable à l’éclair s’avère fascinant du début à la fin ouverte sur la suite Sept Redditions annoncée pour mars 2020.
Plus de 650 pages de haute volée à savourer pour prendre un grand bol d’air frais de SF.
Ada Palmer, retenez bien ce nom. » La Yozone
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Sur le blog Quoi de neuf sur ma pile, retrouvez les interviews par Gromovar d'Ada Palmer et Jean Baret réalisées aux Utopiales 2019 !
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« Ken Liu est un géant. Dans Jardins de poussière il fait œuvre de science-fiction. Il interroge le présent à la lumière du passé et porte un regard critique sur l’avenir. Il y entrevoit des solutions, refuse les banalités et la facilité mais interroge encore et encore, dévoilant les failles et les dangers. Il confronte l’humain à sa nature profonde, le ramène à sa dimension, le tabasse et le fait souffrir puis lui montre les étoiles et la poésie du monde. Du grand art. » L'Épaule d'Orion
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À écouter dans le podcast spatial La Bibliothèque orbitale, le compte-rendu précis et détaillé de notre ami Philippe Boulier sur les Utopiales et l'anthologie annuelle Utopiales 2019 parue aux éditions Actusf !
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« Sous les apparences de l’allégorie et de la dystopie, la noirceur des paysages traversés par Pennbaker fait écho à celle de sa psyché, le poussant à suivre son fatum jusqu’à son terme, nous abandonnant épuisé mais guère apaisé. » Yossarian
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Voici, en huit tableaux, l’histoire du futur de l’humanité sur des milliers d’années, voire davantage en l’absence de référentiel.
L’Introde désigne la migration de l’essentiel de l’humanité dans les envirosim, soit les univers numériques, répartis en polis qui privilégient chacune une culture, un art de vivre, une apparence et des comportements proches ou éloignés du monde réel. De nouvelles entités sont régulièrement créées par le Conceptoire, suivant des programmes inspirés de processus biologiques qui individualise chaque graine d’esprit en citoyen autonome et indépendant. De loin en loin, le Modeleur procède à un brassage génétique aléatoire. La première partie, récit d’une naissance, narré selon le point de vue de l’orphelin, représente un fascinant tour de force. Au contact de Blanca, d’Inoshiro son frœur et de Gabriel son amant, mal vu des parents car ayant vécu sous une forme physique, ille fait l’apprentissage du « je » et devient Yatima.
Parmi les autres espèces humaines les enchairés, attachés à leur nature biologique, se partagent entre exubérants, génétiquement modifiés et statiques, inchangés. À la croisée des numériques et des biologiques se trouvent les Gleisers, qui n’ont pas entièrement renoncé au monde matériel, androïdes qui se lancent à la conquête de l’espace physique, alors que les citoyens des polis se contentent d’accroître leurs connaissances à l’aide de simulations, parfois de la taille d’un univers…
Si le début du roman requiert quelques efforts de lecture, malgré le réel souci de vulgarisation de l’auteur, la suite est plus abordable avec la tentative de sauvetage d’enchairés devant la menace de rayons gammas dû à l’effondrement d’une étoile à neutrons. La mauvaise compréhension du phénomène à l’origine de ce bombardement terrestre et la possibilité de catastrophes similaires incitent une polis à chercher un abri définitif quelque part dans l’univers : c’est le récit de la dissémination de milliers de copies de citoyens dans toutes les directions qui compose les parties suivantes.
On assiste à la quête des trous de ver contenus dans les particules élémentaires et susceptibles d’être agrandis, à la découverte d’entités extraterrestres (« Les Tapis de Wang » est une nouvelle extraite du roman) ou des traces qu’elles ont laissé à l’intention d’intelligences capables de les comprendre, jusqu’à se porter très loin dans l’espace et le temps, dans des dimensions parallèles.
À chaque fois, Greg Egan justifie ses idées par des présentations de haut niveau mêlant vraie science et hypothèses originales, poursuivant en chemin des réflexions philosophiques sur la structure de l’univers, un questionnement sur les rapports entre matière et esprit, et sur la spécificité de la nature humaine. De loin en loin, le lecteur tombe sur des passages arides pourtant nécessaires, voire essentiels, car la science-fiction ne saurait se passer de spéculations de ce type, véritables pépites de science of wonder. Les interrogations se font parfois plus humaines, comme lorsqu’il s’agit de déterminer si « l’avance rapide », une compression de temps subjectif permettant d’assister aux évènements intéressants sans subir l’ennui qui sépare chacun d’eux, n’est pas préjudiciable à la capacité d’émerveillement ni ne compromet la réflexion. Heureusement, les copies numériques ont dans l’ensemble choisi de conserver (par atavisme ?) une forme et un environnement humains, moins dépaysant pour le lecteur. Elles favorisent à l’occasion la manifestation fugitive de sentiments et des réactions moins cérébrales. Après tout, c’est le spectacle d’un drame et la crainte d’une extinction qui sont à la base de la diaspora. Cependant, les possibilités d’un environnement numérique, l’univers comme objet de connaissance et la vie comme instrument de son étude, restent le véritable moteur du récit.
Le roman rappelle Les Derniers et les premiers et Créateurs d’étoiles d’Olaf Stapledon pour l’ampleur de la vision, ou les plus belles pages d’Arthur C. Clarke ou Stephen Baxter sur le cosmos. C’est de la hard science sous sa forme la plus pure. Malgré l’exigence de lecture, même assurément à cause d’elle, Diaspora se classe d’emblée comme un chef-d’œuvre incontournable de la science-fiction. Un seul mot pour le qualifier : fascinant, vraiment !
Il n’est pas inutile de rappeler que le roman fut publié en 1997 et qu’après avoir essaimé dans les pays de langue anglaise, il parut en Allemagne trois ans plus tard, en Roumanie en 2003, au Japon et en Espagne en 2005 et 2009, soit dix ans en arrière. Il était inconcevable que Diaspora reste inédit dans la patrie de Jules Verne plus de vingt après sa parution. Ironie du sort, parmi les remerciements de fin d’ouvrage, Greg Egan cite les acteurs français ayant contribué à le faire connaître à ses débuts. Les éditions du Bélial’ comblent ainsi un énorme retard, en même temps qu’ils réparent une injustice. Bravo !
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Le cycle « Luna » de Ian McDonald est composé à ce jour de trois romans, dont deux traduits sous nos latitudes, le troisième étant annoncé pour septembre 2019. Deux nouvelles, anecdotiques, viennent s’ajouter au cycle. « The Fifth Dragon » a été publiée dans le recueil Reach for infinity (2014) et est incluse sous une forme modifiée dans le premier roman du cycle. Quant à « The Fall », elle a été publiée dans le recueil Meeting Infinity (2015) et sa trame a été en partie reprise dans le second roman. Enfin, une option a été contractée pour un développement du cycle en série TV avant même que le premier ouvrage ne paraisse. Ceci n’est pas anodin et marque l’écriture du récit à partir du deuxième volume.
Révolte sur la Lune est l’une des principales inspirations de Ian McDonald pour la création de son cycle et on peut considérer « Luna » comme la suite du roman d’Heinlein. L’auteur irlandais en reprend les principes libertariens pour poser les bases politico-économiques de la société sélène. Contrairement à son prédécesseur, qui y voyait un idéal de liberté pour les Lunatiques, Ian McDonald peint les enfers. La Lune est privatisée et, sur le plan légal, la Terre contrôle son satellite à travers la Lunar Development Corporation (LDC). Dès que vous posez les pieds sur la Lune, vous êtes clients de la LDC, et non citoyen. En dehors de la LDC, il n’y a ni police ni gouvernement. Le contrat fait office de loi, tout se négocie, s’achète, se vend. Chacun se voit attribué des crédits pour les quatre fondamentaux que sont l’air, l’eau, le carbone et la bande passante. Votre pisse et vos os valent autant que votre vie, parfois plus, et la Lune connait mille manières de vous tuer.
Un tel cadre est propice au développement d’une ploutocratie mafieuse et familiale. Cinq Dragons se partagent le pouvoir économique. Les Corta, d’origine brésilienne, ont le monopole de l’extraction de l’hélium 3 incorporé au régolithe sur la surface lunaire. Les Mackenzie, d’origine australienne, ont en main l’exploitation des métaux rares. Les Chinois Sun se sont spécialisés dans les hautes technologies, informatiques et robotiques, les Ghanéens Asamoah dans les biotechnologies, et les Russes Vorontsov possèdent le monopole des transports. Le tout forme un attendrissant panel de dangereux psychopathes. D’alliances maritales en assassinats politiques, ces dynasties vont se lier, se trahir et s’affronter pour la domination de la Lune. Ian MacDonald évoque volontiers Dallas et Game of Thrones, mais une inspiration évidente, jusque dans certains personnages du cycle, est le Dune de Frank Herbert. Il est difficile de ne pas penser à l’opposition entre les maisons Atréides et Harkonnen en lisant celle entre les Corta et les Mackenzie, et leurs affrontements au couteau. Le lecteur un peu érudit trouvera ici et là nombre de références et clins d’œil à diverses œuvres de science-fiction.
Au-delà des inspirations, Ian McDonald élabore une vaste fresque peuplée de personnages solides et animés d’une férocité peu commune. La société sélène est décrite dans ses moindres détails, des modes vestimentaires aux technologies employées pour survivre à un environnement qui veut votre peau… Nouvelle Lune excelle à plonger le lecteur dans un univers (impitoyaaaaable) qui lui est radicalement étranger, à lui faire comprendre et accepter les lois dictées par la Lune, son absence d’atmosphère et sa faible gravité qui modifie les corps et les condamne à l’exil éternel. Le premier tome est marqué par un rythme envolé et une brutalité viscérale. Ce rythme s’affaisse toutefois par la suite dans les volumes suivants. L’auteur délaye, multiplie les scènes et les descriptions d’une façon qu’on sent motivée par l’adaptation à venir sur le petit écran mais qui, après le premier tome, n’apporte plus grand-chose au lecteur : on se lasse de la composition des cocktails, de la hauteur des chapeaux ou des partitions de bossa nova. De la même manière, s’il élimine beaucoup de personnages — la mortalité est élevée —, il en introduit d’autres dans une surenchère de badasserie de moins en moins crédible. Mais la partie finale de ce planet opera, exceptionnelle de machiavélisme, renoue avec le dynamisme du début. La société lunaire en ressort transformée à jamais.
En refermant la dernière page de ce cycle, on n’échappe pas au sentiment d’avoir lu là une grande œuvre de science-fiction, malgré des longueurs et quelques défauts. Ian McDonald signe avec « Luna » une fresque grandiose qui tire au mieux profit des particularismes de la Lune et propose un world building impeccable. Un incontournable de la littérature lunaire.
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La conquête de la Lune aurait-elle pu se faire par accident ? La question appartient à l’uchronie et c’est en s’inspirant beaucoup de Jules Verne et un peu de H.G. Wells que Stephen Baxter y a répondu en 1993. Dans le genre steampunk, Anti-glace est une œuvre de jeunesse pour l’auteur — qui sera par la suite connu pour ses écrits de hard SF, dont le monumental cycle des « Xeelees ».
Le roman débute par la lettre d’un fils à son père. Hedley Vicars, engagé dans l’armée britannique, fait le récit du siège de Sébastopol (1855) lors de la guerre de Crimée. Il y décrit sa rencontre avec Josiah Traveller, inventeur d’une nouvelle arme. Après des semaines de siège coûteux en vies humaines, un unique obus d’anti-glace est lancé sur Sébastopol. L’effet produit évoque, pour le lecteur de l’ère post-Hiroshima, une explosion nucléaire : lumière qui brûle les chairs, souffle dévastateur, ville en ruine. Et cette question : fallait-il utiliser l’anti-glace ?
Vers 1720, un astéroïde a traversé le système solaire, percuté la Lune et s’est brisé. Un gros fragment est resté en orbite autour de la terre, donnant naissance à une Petite Lune, alors qu’un fragment plus petit s’est perdu en Antarctique. Déniché par des explorateurs anglais, le bloc de matière rougeâtre révéla des propriétés étranges et explosives, et fut nommé anti-glace.
En 1870, l’empire britannique dispose de l’exclusivité de l’utilisation de l’anti-glace. La mainmise sur une telle source d’énergie lui assure une suprématie économique et industrielle dans le monde. Des trains à vapeur propulsés sur monorail franchissent la Manche le long de pylônes semi-immergés et tissent un réseau à travers le continent européen. Pour l’heure, la technologie anglaise domine. Si le souvenir de Sébastopol calme l’agressivité des pays européens à l’encontre de la couronne britannique, il l’exacerbe sur le continent. L’histoire est connue : suite à la dépêche d’Ems envoyée par Bismarck à Napoléon III, la France déclare la guerre à la Prusse. La retranscription du contexte politique et économique de l’époque est l’une des grandes qualités du récit.
Ce sont les beaux yeux d’une Française fatale qui précipitent le jeune diplomate Ned Vicars, frère de l’infortuné Hedley, vers les aventures extraordinaires dont il fait le compte-rendu dans la suite du livre. Car c’est pour la retrouver qu’il se rend en compagnie du journaliste Georges Holden, à l’inauguration de la dernière invention de Traveller, le Prince Albert, un paquebot terrestre mû à l’anti-glace. Peu gentlemen, des francs-tireurs décident de gâcher la fête, prennent le contrôle du paquebot et propulsent vers le ciel le Phaéton, l’appareil volant de Traveller, dans l’espoir de le détruire. À son bord se trouvent Vicars, Holden, Traveller et son valet Pocket, ainsi qu’un des francs-tireurs. Les voilà bientôt dans l’espace avec pour seule destination possible… la Lune !
De Verne, Anti-glace emprunte à De la Terre à la Lune (1865), mais aussi à Vingt mille lieues sous les mers (1870). Dans l’esprit de l’hommage humoristique, le texte est écrit dans le style de l’époque victorienne et Baxter fait de ses personnages des caricatures verniennes. Entre le jeune benêt néanmoins héroï-que, le journaliste cynique, l’ingénieur fou et anarchiste, et le valet dévoué, la galerie des personnages participe à produire les clichés attendus dans un tel exercice. Comme celles qui l’inspirent, les aventures contées dans le livre sont tout à fait invraisemblables. Mais c’est en science que Baxter excelle, et il s’ingénie à corriger la physique derrière le merveilleux. Il se montre à la fois précis et délicieusement suranné, steampunk oblige. Le lecteur se prend au jeu de découvrir derrière le vocabulaire victorien des descriptions de la réaction d’annihilation, de la supraconductivité, etc. D’autant que Baxter en appelle aux scientifiques renommés de l’époque pour assoir sa démonstration.
Mélangeant gravité et humour dans un roman hommage aux pères du genre, Stephen Baxter propose avec Anti-glace une uchronie steampunk qui parle de science et en mesure les détournements funestes, tout en visant la Lune.
Trois nouvelles inédites en français complètent l’univers d’Anti-glace, aucune ne s’intéressant directement à la Lune. « Phoebean Egg » se déroule des années après le roman et imagine un empire britannique dominant l’Europe grâce à la maîtrise de l’anti-glace alors qu’un œuf extraterrestre est trouvé sur Terre. « Ice War » propose une histoire alternative à celle du roman, dans laquelle la comète ne se serait pas fragmentée en 1720 mais aurait percuté la Terre. Dans l’esprit du pastiche, la nouvelle fait intervenir des personnages tels que Daniel Defoe, Jonathan Swift et Isaac Newton dans une histoire qui s’inspire de La Guerre des
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Proposée en 2016 par les éditions Mnémos pour les vingt ans de la maison, l’intégrale de la « Trilogie de la Lune » est identique dans son contenu à la précédente édition (2011), en reprend l’illustration de couverture, hommage à celle des « Voyages extraordinaires » de Jules Verne chez Heztel, mais dispose d’une couverture cartonnée avec jaquette, d’un signet, d’un beau papier et d’une préface en forme de déclaration d’amour rédigée par Étienne Baril-lier, spécialiste du steampunk et collaborateur bifrostien à ses heures.
Dans La Lune seule le sait (prix Rosny Aîné 2001), un vaisseau extraterrestre s’amarre à la tour Eiffel lors de la clôture de l’Exposition universelle de 1889. Grâce à la technologie des Ishkiss, le Second Empire de Napoléon III devient la nation la plus puissante au monde. Les connaissances des humains permettent aux vaisseaux organiques et vivants, fatigués par un long voyage interstellaire, de survivre. Despote quasi immortel, ivre de pouvoir, Napoléon III sombre lentement dans la folie depuis l’assassinat de l’impératrice et de leur fils en 1873. Le peuple souffre. Face à lui, Victor Hugo, exilé sur l’île de Guernesey, orchestre la résistance et recrute Jules Verne pour sauver Louise Michel du bagne construit dans les entrailles de la Lune. Le peuple Ishkiss partage une forme de conscience et d’intelligence collective et ses processus décisionnels, démocratiques, donnent la parole à tous ses membres. Louise Michel, parvenue à convaincre certains extraterrestres de la nécessité de ne plus soutenir un régime oppressif, fomente une révolution sélénite, mais pour la voir aboutir, il faudra l’appui des Ishkiss vivants sur la face cachée de la Lune. Pour son premier roman, Johan Heliot réhabilite la Commune de Paris et met en lumière la figure de Louise Michel.
La Lune n’est pas pour nous (prix Bob Morane 2005) place son intrigue en 1933. La Lune a fait sécession ; avec l’aide des Ishkiss, les Sélénites ont commencé à terraformer le satellite pour permettre aux humains de vivre à sa surface. L’utopie rêvée par Louise Michel prend vie au sein d’une nation libertaire où chacun fait sa part pour le bien de tous. Sur Terre, l’Europe a été dévastée par la Guerre totale remportée par Hitler. L’Alsace est un no-man’s land que domine le château du Haut-Koenigsbourg. Paris, affamée, se transforme peu à peu en taudis pendant que Germania, capitale du IIIe Reich, vit sous un dôme protecteur et importe les monuments des vaincus (dont la tour Eiffel et le Louvre). Hitler lève les yeux vers la Lune et ses Sélénites. Wernher von Braun et son équipe sont chargés de mettre fin à l’impunité des gens de la Lune avec l’aide d’une intelligence artificielle. Et Léo Malet devient le personnage central de cette lutte.
La Lune vous salue bien plonge le lecteur dans les années 1950. La Lune a disparu du ciel terrien, entraînant des bouleversements écologiques et l’apparition d’une étrange maladie psychique, le lunatisme. Les États-Unis sont devenus la première puissance mondiale — c’est là que s’envole Boris Vian, agent secret français, en mission d’espionnage après avoir éliminé un Rommel devenu pacifique en Afrique. Il doit retrouver et assassiner le commandant Bob (Robert A. Heinlein) dans un climat de guerre froide : McCarthy fait la chasse aux sympathisants Sélènes et son pouvoir croît depuis l’assassinat d’Eisenhower à Dallas. Les Sélénites ont mis les voiles quelques années auparavant, mais certains se sont installés sur Mars dans l’espoir de pouvoir revenir sur Terre.
Chaque volume renvoie à trois époques et trois genres différents : la fin du xixe siècle et le roman feuilleton, les années 1930 et le roman noir, les années 1950 et l’espionnage, avec pour les deux derniers une forte influence du cinéma (Le Gorille vous salue bien et ses barbouzes pour le troisième opus). Comme dans notre trame temporelle, l’humanité connaît deux guerres mondiales et semble incapable d’apprendre de ses erreurs ou de s’amender. Le style de l’auteur s’adapte à chaque période, entre hommage et pastiche, et Johan Heliot revisite l’histoire et manie allègrement les références culturelles, littéraires ou politiques, de Jules Verne à tous les auteurs de l’âge d’or SF américains, de Napoléon III à Nixon et Kennedy. En plus de convoquer des personnages fictifs comme Lolita ou Géo Paquet alias le Gorille, il détourne les personnalités réelles non sans une pointe d’irrévérence, et pour le plus grand plaisir des lecteurs (Albert Londres, Jayne Mansfield, Ernest Hemingway…). Avec La Lune seule le sait, Johan Heliot est aussi l’un des premiers à mettre en scène un steampunk qui pioche dans l’imaginaire francophone à une époque où la plupart des auteurs, même français, placent leurs intrigues à Londres sous l’ère victorienne et les truffent de références culturelles anglophones. Des trois opus, le dernier, par son histoire encore plus extravagante que les deux autres, se révèle le moins convaincant. Peut-être parce que la Lune, terrain des utopies et des possibles, a pris le large quelque temps auparavant ?