Acceptation
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Après Annihilation et Autorité, Acceptation a la lourde tâche de conclure la trilogie du « Rempart Sud » de Jeff VanderMeer, héraut du weird en littéraire. Rappel des événements : le premier volume (porté à l’écran par Alex Garland en ce printemps 2018) racontait une expédition au sein d’une mystérieuse Zone X – portion du littoral américain coupé du reste du monde depuis une trentaine d’années par une frontière étanche. C’était là un roman bref, joliment porté par son ambiance et son étrangeté. La suite se déroulait du côté de l’organisation chargée d’étudier la Zone X : le Rempart Sud. Las, pastiche bureaucratique de roman d’espionnage, Autorité se fourvoyait dans d’interminables lenteurs et il fallait attendre les dernières dizaines de pages du roman pour qu’arrivent enfin action et révélations.
Acceptation se déploie sur quatre lignes narratives : dans la Zone X, ils sont deux – Control, protagoniste d’Autorité, et Oiseau Fantôme, qui est la biologiste d’Annihilation sans l’être tout à fait. Dans le passé de la Zone X avant que celle-ci devienne ce lieu radicalement étrange, il y a Saul Evans, gardien de phare dont le quotidien est perturbé par les membres de la Brigade Science & Spiritualité et par une fillette, Gloria. Enfin, il y a la directrice du Rempart Sud, alias la psychologue d’Annihilation, dans les moments précédant son départ pour la Zone X, et qui entretient avec cette dernière des liens plus forts qu’attendus.
Loin de l’ennui suscité par Autorité (au point de faire douter de l’utilité de ce tome médian), Acceptation retrouve les qualités d’Annihilation – ambiance unique où le Stalker des Strougatski est transplanté dans le terroir moite et intranquille de la Floride… Porté par une atmosphère à la fois lumineuse et inquiète, ainsi qu’une écriture volontiers impressionniste, cet ultime volume de la trilogie s’avère satisfaisant d’un point de vue narratif en dépit de sa relative lenteur, et entreprend de répondre aux questions soulevées dans les deux premiers volumes, quoique parfois de façon oblique. Qu’est-il arrivé à la biologiste ? Qui est la directrice ? Surtout, quelles sont l’origine et la nature de la Zone X ? Pas de réponses toutes faites pour élucider les mystères de ce terroir étranger, VanderMeer dispense à la place quelques indices, délaissant tout caractère spectaculaire au profit d’une atmosphère unique – la sensation d’altérité n’en rejaillit que davantage, la nécessité de lâcher prise, d’accepter la perte de contrôle aussi.
On se gardera de crier au chef-d’œuvre pour la trilogie résolument weird de Jeff VanderMeer, en particulier à cause d’un tome central faiblard. Néanmoins, l’auteur de La Cité des Saints et des fous propose là un ensemble original et intriguant méritant qu’on s’y égare.