Dimension Russie impériale
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Après Dimension URSS (2009) et Dimension Russie (2010), Patrice et Viktoriya Lajoye terminent leur tour d’horizon de la SF russophone en nous proposant une sélection de nouvelles relevant cette fois du merveilleux scientifique. Passage en revue.
Le recueil s’ouvre avec la novella « Histoire extraordinaire d’un Pompéien ressuscité » de Vassili Avenarius, qui nous fait suivre les pas d’une momie ramenée à la vie par un scientifique italien. Le trope du choc des cultures se teinte ici d’amertume, alors que Marcus Junius Flaminius découvre la société industrielle. La satire se poursuit plus loin avec « Les lettres de Mars » de Vladimir Bariatinski, texte bref ressemblant surtout à une introduction à une déclinaison martienne des Lettres persanes. Côté proto-hard science, « Sur la lune » de Konstantin Tsiolkovsky consiste en une rêverie lunaire aussi platement écrite que fascinante au niveau des idées : le père de l’astronautique russe avait visé globalement juste, et le texte est d’autant plus étonnant qu’il remonte à 1887 (voir le sélénite Bifrost 95 pour une recension plus complète). Sous le patronage de Jules Verne, « Le Brig “Le Terreur” » de Ferdynand Ossendowski nous emmène dans les mers glacées du grand nord, sur les traces d’un navire porteur d’une virulente moisissure capable de tout détruire. Savants fous et amours contrariées sont au programme de cette ample novelette, inventive mais peut-être un brin trop convolutée. Pas tout à fait un voyage au centre de la Terre, « Les Ancêtres » de Sergueï Solomine est un journal de voyage dans un monde souterrain peuplé de batraciens géants et intelligents. Un texte prometteur mais qui pèche par sa brièveté. Le recueil comporte deux nouvelles de Valentin Frantchitch, « Les rayons de la mort » et « Le Char du diable », au sujet d’inventions dévoyées ou susceptibles de l’être. De fait, utopies et dystopies ne sont jamais très loin. « Le Parc royal » d’Alexandre Kouprine relève des premières, et met en scène des souverains dans une époque future qui conserve ses têtes couronnées à fin d’éducation. Il s’agit là d’un conte doux-amer réussi. « L’amour dans les brumes du futur » d’Andreï Marsov, sous-titrée « Histoire d’une romance en 4560 », appartient aux secondes. Unique texte (auto)publié de son auteur, paru aux tout débuts de l’ère soviétique, il nous présente deux amants désireux d’être proches au possible dans un monde où des rayons d’un genre particulier rendent impossible de garder pour soi toute pensée. Pas tout à fait convaincant dans sa narration, le texte préfigure toutefois des aspects de Nous autres de Zamiatine mais aussi de « Plus près de toi » de Greg Egan.
Au bout du compte, les dix nouvelles au sommaire du recueil présentent un panorama varié et inventif du merveilleux scientifique pré-Révolution russe. De quoi satisfaire les amateurs de curiosités.