Écrivain prolifique, Edmond Hamilton a publié plus de deux cents nouvelles au cours de sa longue carrière. Néanmoins, seule une grosse vingtaine d’entre elles ont eu l’heur d’une traduction en français, dont dix rassemblées dans Le Dieu monstrueux de Mamurth.
Le recueil tire son titre de la nouvelle éponyme, la toute première publiée par son auteur : deux explorateurs écoutent le récit d’un troi-sième, au sujet de son aventure dans les ruines d’une ville in-connue, au centre de laquelle se dresse un temple invisible érigé en l’honneur de quelque divinité hideuse. Une atmosphère lovecraftienne baigne cette nouvelle, classique au pos-sible mais pas moins réussie.
Si vous lisez ces lignes, vous avez sûrement lu « Comment c’est là-haut » dans la partie fictions du présent numéro. Et vous savez donc la grande qualité de ce texte narrant les déboires de la conquête spatiale et la nécessité du rêve. Hamilton poursuit sur ce thème avec « Matériel humain » : les trente-deux membres d’une expédition sont coincés sur la lune jovienne Europe. Sur Terre, les uns veulent envoyer des secours tandis que les autres savent que la conquête spatiale a besoin de héros tragiques. Enfin, « Quand on est du métier » s’intéresse à un écrivain de SF dont les œuvres ont marqué toute une génération et dont le fils est devenu astronaute. D’ailleurs, voici ce dernier prêt à décoller pour la Lune, suscitant les craintes de son père. En un nombre restreint de pages, Hamilton aborde avec brio une myriade de thèmes. Brillant et poignant.
Quelques textes plus mineurs composent ce recueil. « Requiem » fait preuve d’une ambiance mélancolique : dans un futur distant, la Terre va s’abîmer dans un Soleil devenu naine blanche. Un équipage humain est présent pour capter les derniers moments du berceau de l’humanité, alors que celui-ci connaît un ultime printemps à mesure qu’il se rapproche de l’astre solaire mourant. En dépit de son titre, « La Planète morte » s’avère un récit moins plombant : une fusée en perdition se pose sur une planète déserte. Sous les glaces, l’équipage trouve une cité souterraine, peuplée de créatures hideuses. La vérité est-elle ailleurs ? Dans « Les Graines d’ailleurs », un homme trouve dans son jardin deux graines extraterrestres, qui ne tardent pas à germer : deux humanoïdes végétaux poussent lentement, un homme et une femme… Et certains sentiments sont universels. « L’île de déraison » nous présente une société future moralement aseptisée. Pour avoir commis un travers, le protagoniste est envoyé pour une durée indéterminée sur cette île où sont parqués tous les contrevenants. Le choc est rude. Mais une fois sur place, aura-t-il envie d’en repartir ? Une thématique proche imprègne « Dans l’abîme du passé », nouvelle plus réussie et dotée d’un twist que n’aurait pas renié Philip K. Dick. L’abîme du temps, justement : dans « L’auberge hors du monde », un garde de corps accompagne involontairement un chef d’État dans un lieu hors du temps. Le dirigeant vient quérir les conseils de grands hommes du passé et du futur pour sortir du mauvais pas dans lequel sombre sa nation. Ce texte date de 1945 : si le temps en atténue le vertige, l’histoire demeure suffisamment forte pour garder sa pertinence.
Par certains aspects, les nouvelles au sommaire de ce recueil ont pris un léger coup de vieux, sans pour autant trop fleurer la naphtaline. Néanmoins, Hamilton aborde ses récits – les plus spatiaux d’entre eux en particulier – avec une intelligence et une sensibilité qui leur confèrent un caractère intemporel : l’alliage dont sont formés les classiques.