Le Château sans nom
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« Hé ! le Cid, t'es à la bourre !
— Quoi ?
— Le Mickaël Karle, j'attends ta critique…
— J'veux pas la faire…
— Quoi ? Monsieur le chroniqueur-le-mieux-payé-de-l'équipe-de-Bifrost ne veut pas travailler ?
— J'ai un pressentiment…
— Sans déc' ?
— Je t'explique, cher patron adoré… je dézingue le bouquin de Gaborit, mais lui c'est un mec bien avec une copine sympa, tu vois le genre. Je t'éclate à la chevrotine reliée le premier roman de Colin Marchika, après je rencontre l'auteur et en fait c'est un type sensass'… tu passes des soirées d'enfer avec lui. Là, je vais te dépouiller le Karle comme si c'était un lièvre faisandé et j'ai le pressentiment que c'est un mec super-cool, en plus c'est son premier roman, faut être indulgent.
— Indulgent ? On a payé la meilleure agence de recrutement pour te trouver, en leur disant qu'on cherchait un critique dénué de pitié, style Jason Voohres, Michael Myers ou Freddy Krueger en plus méchant ! Fais attention, le Cid… T'as deux jours, après ça t'es un chroniqueur qui nique plus. »
Clic.
Bon, reste plus qu'à pondre une critique : un petit résumé, et une belle mise à mort.
Mark Drake a des problèmes, c'est pas qu'on le confonde avec Mandrake, mais sa carrière d'écrivain est sur le déclin (s'il écrit comme son papa Mickaël Karle, on comprend pourquoi…). Voilà qu'il hérite d'un château carton-pâte dans une Écosse du même tonneau, où l'attend une mission Club des Cinq/Monstres/Trésors, une quête à la sauce n'importe quoi qui comblera les joueurs de jeu de rôles (du moins ceux qui viennent juste de passer des couches au pot de chambre et apprennent à écrire « gandalphe » et « merlain » avec les pâtes-alphabet de leur soupe).
Au final, Le Château sans nom est un premier roman potache complètement improbable tant on touche le niveau zéro de l'écriture. C'est l'œuvre d'un petit frankaoui qui confond New York avec Sarcelles et l'Écosse avec la Bretagne profonde, « allez ! fais le cochon, grouïc grouïc ! ». Mickaël Karle ne se prend pas au sérieux, grand bien lui en fasse, mais en retour, il est impossible de prendre au sérieux sa prose débilo-prépubère qui aurait gagné à être pensée, aiguisée… et relue ! Voilà encore un livre trop cher, dénué de propos, desservi par un manque de recherches flagrant, des phrases qui ne veulent rien dire, une notion du point de vue très flottante et des notes de bas de page ridicules. Quant aux dialogues, le lecteur se trouvera submergé par une déferlante de « glapit », « répliqua », « intervint », « s'exclama », « ordonna », « déclara », etc.
N'est pas Terry Pratchett qui veut et il ne reste plus qu'à jeter l'ouvrage à la poubelle (après l'avoir piétiné de rage) en regrettant une fois de plus d'avoir perdu trois heures à lire un auteur, peut-être prometteur, mais assurément publié trop tôt. À noter qu'un second volume est sorti en août 2002, comme quoi un malheur n'arrive jamais seul.