Skarabapur
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[Critique commune à La Guerre des vœux et Skarabapur.]
Parus ces derniers mois sous des couvertures pas dénuées d’attraits mais interchangeables, La Guerre des vœux et Skarabapur concluent la trilogie des « Seigneurs des tempêtes » initiée par Le Pays des Djinns.
Bref rappel des événements (et gros spoilers sur la fin du tome 1) : depuis l’apparition de la Magie Sauvage cinquante ans plus tôt, le désert entre Samarkand et Bagdad est peuplé de djinns luttant farouchement pour leur survie suite à la vision d’un des leurs révélant leur fin future causée par les humains. A Samarkand, le contrebandier Tarik a décidé à contrecœur d’aider son frère Junis à emmener la mystérieuse Sabatea à Bagdad. Le chemin est truffé de dangers ; Tarik rencontre Amaryllis, le djinn qui lui a volé son amour, Maryam, des années plus tôt, le tue et récupère un peu de son pouvoir ; un malheur conduit à l’abandon de Junis en plein désert ; Sabatea atteint Bagdad, avec comme objectif l’assassinat du calife Haroun el-Rachid.
La Guerre des vœux débute pile là où Le Pays des Djinns s’achevait. Junis est recueilli par les fameux Seigneurs des tempêtes, des rebelles qui combattent les djinns à l’aide de tornades magiques. La source de leur pouvoir provient d’un mystérieux garçonnet, focalisé tout entier sur la destruction de leur ennemi — justement, les djinns prévoient une offensive de grande ampleur sur Bagdad. Surtout, la cheffe des Seigneurs des tempêtes n’est autre que Maryam… A Bagdad, Sabatea est détenue dans le palais royal, tandis que Tarik erre dans les bas-fonds de la ville, cherchant à la retrouver. Ce deuxième volet souffre du défaut inhérent à tous deuxièmes volumes de trilogies : c’est le ventre mou de la série. Bien que riche en action, l’intrigue patine et ne s’accélère que vers la fin, livrant des révélations cruciales sur les vœux : comme on le sait, ils vont par trois, mais pourquoi les iphrites, ces créatures seules capables de les accorder, perdent tout leur pouvoir après l’octroi du deuxième vœu ? Surtout, les dernières pages divulguent des révélations sur la nature du monde où évoluent nos héros. Tout va se dénouer à Skarabapur, ville réputée inaccessible située aux confins d’un désert vitrifié par la Magie Sauvage. Le voyage ne sera pas sans danger, d’autant que l’esprit de Tarik est envahi par Amaryllis… Si La Guerre des vœux était assez statique, ce dernier volet renoue avec l’odyssée périlleuse du Pays des Djinns et conclut joliment l’ensemble.
Avec les « Seigneurs des tempêtes », Kai Meyer propose une solide trilogie d’aventure originale peuplée de personnages complexes, et d’où le manichéisme est absent. Les djinns combattent les humains, non parce qu’ils sont bêtes et méchants, mais pour leur survie ; du côté des hommes, fins et moyens sont remis en question, en particulier avec les Seigneurs des tempêtes, dont les attaques sur les djinns provoquent d’importants dégâts collatéraux dans les rangs de leurs esclaves humains. L’auteur n’épargne pas ses protagonistes, qu’il fait évoluer dans des décors désertiques où règne une ambiance de fin du monde. En somme, voilà une trilogie de fantasy orientale qui change du tout-venant, et une bonne surprise qu’on ne réservera pas aux seuls amateurs du genre.