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Super-héros de troisième division

Un recueil de nouvelles par un des responsables de la série télévisée Westworld ? Un titre qui fleure bon le geek ? Une couverture assez particulière pour donner envie ? Ou simplement le dernier livre traduit de l’auteur du très intéressant Guide de survie pour le voyageur du temps amateur ?

Un recueil de nouvelles propose toujours un défi à son lecteur : comment comprendre les principes qui ont réglé sa composition ? À ce titre, Super-héros de troisième division donne pleinement satisfaction. En effet, il se révèle progressivement un ensemble de thème et de motifs qui reviennent, comme une ritournelle, et composent l’unité forte du recueil. Au moment où l’on perçoit la présence de cette unité, l’ensemble des textes devient particulièrement savoureux, même si parfois exigeant.

Nous trouvons par exemple les thèmes connexes des relations sociales et amoureuses, des problèmes de communication. Le tout forme, en un mot, un portrait assez pessimiste de l’homme moderne, lourd de sa complexe solitude dans un monde en perte de sens et d’humanité.

Les onze nouvelles utilisent les mécanismes de la science-fiction pour projeter ces questions dans des cadres qui les amplifient (amateur de Black Mirror, vous avez ici de quoi vous contenter). La première — qui donne son titre au recueil et retrace la carrière ratée d’un super-héros – est exemplaire. Le narrateur-personnage raconte ses misérables tentatives pour exister dans un monde où le superpouvoir est la norme. Mais au lieu d’exploiter un quelconque sense of wonder, Charles Yu opte pour un traitement réaliste de sa métaphore. Nous restons au plus près du personnage et de son infinie médiocrité.

De nouvelle en nouvelle, les mêmes personnages se trouvent toujours en butte contre quelque chose qui les écrase, les bride ou les limite. Dans « Plan épargne-retraite », il s’agit d’une vie basée sur la statistique la plus prudente, dans« L’Homme au désespoir silencieux prend quelques jours de vacances », les lieux sont autant de points de définition du désespoir, dans « L’Homme qui devint lui-même », ce sont les pronoms « je » et « il » qui s’affrontent pour permettre au protagoniste d’exister, partagé entre la première et la troisième personne du singulier.

Il y a aussi les nouvelles les plus étonnantes, où l’écriture se met au service du propos, comme « Problème sur l’étude de soi-même », qui prend la forme d’une équation mathématique, « Mes derniers jours en tant que moi », qui raconte la vie d’un acteur de sitcom dont le script et l’existence se mêlent étrangement.

La première nouvelle, grinçante, qui donne le ton à l’ensemble, «  32,05864991 % », et « Matière autobiographique pure qui ne saurait être exploitée pour créer une fiction », se dégagent nettement des autres. En elles se condensent à la fois une vision triste de la condition humaine, un magnifique travail d’écriture et l’envie de lire d’autres textes du même auteur.

La Peste et la Vigne

Je l’avoue, à la fin de la lecture du tome 1, me restaient quelques doutes sur cette nouvelle fresque de fantasy : l’auteur saurait-il trouver un nouveau souffle pour ce récit épiquo-réaliste ? Saurait-il se dissocier des modèles de Robin Hobb et de Glen Cook, géants incontournables dont on devinait l’ombre ? Réussirait-il à rebondir après quelques chapitres finaux plus faibles et un dénouement un brin convenu ?

La réponse est oui ! Cette suite tient toutes les promesses annoncées : l’histoire se poursuit naturellement, riche en événements et péripéties déroutantes. Le style, toujours fleuri et précis, la sert encore plus efficacement que dans le livre précédent. Les personnages se complexifient, les décors s’étoffent, le mythe s’installe… une recette personnelle qui fonctionne et qui offre une lecture addictive.

On y retrouve Syffe, le narrateur principal, quelques années après la fin du tome 1. Réduit en esclavage suite à sa capture par l’ennemi qu’il combattait, l’adolescent (presque adulte) est réduit à travailler dans les mines carmides. Perte des êtres proches, souffrances psychiques et physiques extrêmes, déshumanisation permanente, rien ne lui est épargné. Et pourtant, subsiste en lui cette volonté de survivre à tout prix, cette force qui, lors d’une effroyable épidémie de peste, va lui permettre de trouver une issue. S’ensuit une quête éperdue pour rejoindre Brindille, son amour d’enfance, et pour donner un sens à cette nouvelle chance de vivre. Mais le chemin est jonché d’obstacles, de courants politiques qui peuvent entraîner à tout instant les personnages dans leurs remous, de grands pouvoirs anciens qui font balloter les modestes destinées humaines…

L’opposition entre l’horreur de la captivité vécue par le narrateur, la violence meurtrière des combats guerriers, l’aveuglement avide des rois et autres seigneurs et cet optimisme primordial, ce plaisir d’exister une journée de plus, d’un homme brisé qui trouve encore la force de ce réjouir des choses ordinaires, apporte une nouvelle dimension philosophique au récit. Le réalisme propre à l’auteur est toujours présent, avec cette réflexion sur la condition humaine, sur la place de la femme dans la société, sur l’absurdité des jeux de pouvoirs des puissants, toujours aussi détachés du peuple. Se poursuit aussi le questionnement mystique de Syffe sur les forces mystérieuses qui animent son univers et fédèrent ou séparent les peuples qui les croient (parfois aveuglément)…

Dewdney réussit ici à s’approprier la fantasy pour lui redonner un de ses rôles trop souvent perdu dans les publications actuelles : elle est un miroir de notre société et nous interroge sur nous même. Et on en redemande. Car, en simple étincelle perdue dans tous ces tourbillons, Syffe éclaire l’obscurité d’une lueur incomparable, et risque d’allumer un feu qui ravagera tout sur son passage…

Une seule question subsiste : à quand la suite ?

Les Immortels de Meluha

À l’annonce de cette parution, d’aucuns pouvaient se réjouir : la traduction d’un nouveau livre fantastique indien ! Joie ! On allait sortir des autoroutes anglo-américaines pour découvrir un chemin différent – une opportunité si rare. La présentation était alléchante : et si Shiva, le Mahadev, le Dieu des Dieux, le Destructeur du Mal, n’était qu’un simple être humain dont l’existence exceptionnelle, la politique intelligente et habile, et les exploits guerriers incroyable avaient fait l’égal des dieux  ? Hélas, les promesses ne sont pas tenues. Là où on s’attendait à une fresque épique guerrière, au renouvellement d’un mythe fondateur, on ne trouve ici qu’un conte naïf peinant à entraîner le lecteur à la suite de ses héros.

Le style est fluide et agréable, mais un tantinet trop facile et didactique. Les personnages sont simples, souvent naïfs (encore, oui), touchant presque au cliché, comme souvent dans les allégories religieuses ; on oublie ici tout idée d’identification par manque de profondeur psychologique. Des forces géopolitiques qui ont poussé ce chef d’une petite tribu tibétaine à s’aventurer dans d’autres territoires, à devenir l’égal d’un dieu pour la postérité, on ne saura presque rien, tant il semble subir les événements plutôt que les vivre. Seule une antique prophétie justifie l’ascension rapide au pouvoir de cet homme au karma exceptionnel, et il semble trop difficile pour le texte de se détacher d’une symbolique millénaire forte et omniprésente.

L’histoire aurait pu être intéressante, particulièrement pour nous, publics occidentaux trop souvent non initiés à la richesse des cultures indiennes et asiatiques. Mais alors que le roman se voulait justement roman et devait dépoussiérer un récit millénaire, il échoue. Où sont les stratégies politiques et guerrières, les jeux d’alliances, les richesses polyculturelles de cette époque historique antique si foisonnante qui ont créé l’Inde ?

Quel dommage ! L’auteur, que l’on devine érudit éclairé et croyant, aurait pu apporter tellement plus à cette Histoire… Nous reste à relire Gilgamesh, roi d’Ourouk de Robert Silverberg, et en conseiller du coup la lecture à Amish Tripathi.

Armada

Zack Lightman est un adolescent américain presque comme les autres qui essaie de traverser tranquillement et le plus discrètement possible sa dernière année de lycée. Son père a disparu des années plus tôt dans l’explosion d’une station d’épuration, et sa mère infirmière multiplie les services à l’hôpital, ce qui arrange bien Zack, qui n’est passionné que par deux choses : les jeux vidéo et le magasin de jeux vidéo dans lequel il travaille. Joueur forcené, il a même réussi à atteindre la sixième place dans le classement mondial de son jeu préféré, Armada. Zack commence pourtant à s’interroger sur sa santé mentale quand il voit un vaisseau identique à celui du jeu se balader dans le ciel au-dessus de sa petite et insignifiante ville de Beaverton, Oregon. Deviendrait-il fou, comme son père, adepte des théories du complot et persuadé que l’existence des extraterrestres a été dissimulée depuis des années par les gouvernements mondiaux ? Promis, Zach effectuera une dernière mission avant de décrocher. Sauf que (Spoiler alert)… son père avait raison, et cette dernière mission sera plus cruciale que tout ce qu’il a pu imaginer dans ses fantasmes de gamer les plus fous. Car quand une invasion extraterrestre menace la Terre, l’humanité entraînée à son insu depuis des décennies par les jeux vidéo et préparée par les films et romans de science-fiction n’a plus qu’une chose à faire : se battre.

Après le nerdgasme qu’était Ready Player One (le livre, évidemment, pas le film pour adolescents de Spielberg), voici le deuxième roman attendu du geek en chef Ernest Cline, qui inaugure une nouvelle collection de SF, « Nouveaux mondes », dirigée par deux anciens combattants du domaine : Philippe Hupp et Hervé Desinge. Beaucoup moins travaillé que Ready Player One, on prend surtout plaisir en lisant Armada à imaginer le film qu’il pourrait donner – le propre d’une littérature-produit. Car voilà le vrai point faible du bouquin : il tient plus du scénario que du roman. Les événements s’enchaînent à une vitesse supersonique, et les deus ex machina multiples qui passeraient sans problème au sein d’un blockbuster sont ici très visibles. Les personnages, noyés dans la succession des péripéties, peinent à se faire entendre malgré des histoires personnelles qui seraient intéressantes si la narration leur en laissait la place. La traduction française est bonne, meilleure que le texte original, parfois, mais elle ne peut pas rattraper certaines failles scénaristiques et longueurs de récit. Reste un moment sympathique de lecture sans conséquence, en attendant le film promis par Universal, et qui ne devrait pas tarder, vu le succès du précédent.

Catalogue 2019 du Bélial'

Le catalogue 2019 du Bélial' est parti chez l'imprimeur pas plus tard qu'hier et devrait être disponible vers la fin février. Couverture et fichier Pdf de l'objet sont à découvrir par ici sur le forum.

Jack Vance - Nouvelles

Les deux volumes de l'intégrale des nouvelles de Jack Vance sont désormais disponibles !

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