Connerland
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Direction l’Espagne pour la très cosmopolite collection « Exofictions », avec cet ouvrage de Laura Fernandez, auteure née en 1981, dont l’un des romans, La Chica zombie, a connu l’heur d’une traduction française (sous son titre espagnol, chez Denoël en 2014). Connerland tire son titre de Voss Van Conner, auteur de science-fiction fictif dont les cent dix-sept romans et innombrables nouvelles n’ont pas encore eu le succès escompté, malgré des thématiques parfois très intéressantes, comme celles des dinosaures fonctionnaires. La faute à son agent (entre autres) Chicken Kiev, pas assez efficace. Aussi, lorsque Voss meurt (électrocuté), son décès va provoquer un certain nombre de réactions. Kiev rencontre Ghostie Black, éditeur qui s’enthousiasme pour les romans du disparu. Lana Grietzler, sa femme, qui était à deux doigts de quitter le défunt (de son vivant, s’entend), se ravise et entend profiter de cette manne inespérée. Enfin, Miranda Sherikov, hôtesse de l’air de la compagnie Timequake, rencontre le fantôme de Voss lors d’un vol et décide de le représenter. Car Van Conner n’est pas mort, non, il est passé dans un autre monde, vêtu de sa seule serviette de bain, au milieu de standardistes à la barbe finement tressée et autres Grandes Oies…
On l’aura compris : ce roman se veut humoristique. Entre personnages drolatiques, situations décalées, invraisemblables, voire burlesques, dialogues tour à tour sans queue ni tête ou aux réparties saillantes, Fernandez nous propose un livre censé dérider les zygomatiques, un roman « qu’aurait pu écrire un Thomas Pynchon obsédé par Ghost », nous dit la quatrième de couverture (ah bon ?). Or l’humour n’est pas la chose la plus universelle au monde, comme chacun sait. Ou, pour être plus précis, on ne rit pas tous aux mêmes blagues. Alors certes, parfois, Fernandez fait mouche, et son inventivité est réjouissante, mais il arrive aussi (souvent !) que ses blagues ou ses situations ubuesques tombent à plat, au point d’en devenir assez vite pénible. On sourit ça et là, certes, mais le reste du temps, pardon, c’est l’ennui qui gagne, un temps qu’on trompe d’ailleurs en comptant les nombreuses redites et les fausses bonnes idées — à l’image des sons, retranscrits en majuscules entre parenthèses, (COMME ÇA). D’où l’autre écueil du roman : l’humour s’accommode mal des longueurs, et les textes les plus efficaces sont souvent courts (on pense ici à Fredric Brown ou Robert Sheckley). De fait, avec ses presque cinq cents pages, Connerland en affiche deux cents de trop au bas mot. Autant dire qu’on se lasse (trop) vite de toutes ces péripéties, quand bien même l’auteur a le bon goût de convier Douglas Adams, Philip K. Dick, Kurt Vonnegut et quelques autres. Sans doute les amateurs du premier, ou ceux qui ont su lire « Les Annales du Disque-Monde » sans ressentir une pointe de lassitude au bout du quinzième tome, sauront-ils apprécier ce livre. Les autres pourront picorer ici et là quelques bons mots, une ou deux scènes saugrenues et marquantes, mais regretteront surtout que Laura Fernandez n’ait pas davantage resserré son écriture et évité l’overdose.