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David Lynch

David Lynch est-il un enfant insupportable dont les excès deviennent films, alors que d'autre trouveraient là matière à mauvais coups ? C'est ce que semble penser Michel Chion, qui nous propose un livre remarquable sur ce grand cinéaste américain qui n'a jamais cessé d'explorer les franges de l'imaginaire, n'y plongeant réellement que pour un Dune injustement haï. Cet ouvrage  (publié pour la première fois en 1992) a été mis à jour puisqu'il prend en compte le succès de Mulholland  Drive  (plus critique que commercial) et les dernières  publicités réalisées par Lynch. Il nous propose un voyage quasi-chronologique dans l'œuvre du réalisateur, de ces premières rencontres avec Terence Malick (au début des années soixante-dix) jusqu'aux scènes incompréhensibles (quel plaisir !) de Mulholland Drive.

Au fil de ces pages, véritable eau-forte du cinéma indépendant américain, on lira aussi quelques interventions totalement hallucinées, voire grotesques ; comme celle de Dino de Laurentiis, célèbre producteur italien capable du meilleur comme du pire (surtout le pire) : « Quand j'ai fait La Strada avec Fellini, les critiques italiens ont dit : « bof, Fellini ». Mais la critique française a dit que c'était un des plus grands films jamais faits. Pour David Lynch, c'était pareil. D'abord il avait fait un petit film à la con (Eraserhead), peu après il a fait un vrai film, Elephant Man. Je l'ai choisi pour Dune. J'ai encore inventé un nouveau metteur en scène ». (page 35)

Tout comme David Lynch, Michel Chion a compris que l'essentiel se trouve parfois de l'autre côté des grandes tentures rouges… Celles du business, celles du réel. Voilà donc un livre incontournable pour les fans du réalisateur le plus barré ayant jamais existé. Dans la même collection, on se jettera aussi sur le David Cronenberg, signé Serge Grünberg.

Enquête sur le meurtre d'Umberto Eco et autres homicides minuscules

Imaginez que Watson et Holmes se rendent en Italie, à Cattolica, pour un festival policier. Comment occupent-ils leur temps ? Watson se rend à la plage en maillot de bain à fleurs où il reluque la gent féminine avant de taire ses émois dans un grand bain d'eau salée. Holmes, quant à lui, projette de plonger (avec masque et tuba) à la poursuite du couteau qui servit dans l'affaire Murri. Heureusement pour la gent féminine et la faune de l'Adriatique, notre célèbre duo est mandaté de toute urgence pour résoudre une affaire de décès en chambre close. Le célèbre sémiologue Umberto Eco (dont Holmes ignore l'existence et celle, encore plus obscure, d'un certain Guillaume de Baskerville) semble s'être suicidé dans sa chambre d'hôtel ! Évidemment, il s'agit d'un meurtre et Holmes devra, aidé de quelques indices, dont des cadavres de papillons de nuit, démasquer l'assassin.

Voilà un petit pastiche holmésien qui ne révolutionne pas le genre mais qui est suffisamment audacieux, délicieux et bien écrit, pour faire passer un bon moment de lecture. Dans le même recueil, on trouvera d'autres récits/hommages qui intéresseront sans doute plus spécifiquement les lecteurs de Bifrost : « Le Portrait de Dora Gray » ou encore « Les Confessions du docteur Moreau ». Pour l'anecdote, Giorgio Celli est professeur d'entomologie à l'université de Bologne et s'occupe à la RAI de l'émission Le Règne des animaux. Enquête sur le meurtre d'Umberto Eco est son premier ouvrage publié.

Le Regard des Furies

S'il est vrai que l'Espagne n'a pas vraiment la réputation de nation maîtresse du genre, il semblerait que certains de nos éditeurs hexagonaux aient décidé de s'intéresser d'un peu plus près à ce qu'il se passe chez nos voisins ibériques du côté de la science-fiction (on se souvient de l'excellent La Folie de dieu d'Aguilera Au Diable Vauvert). Doit-on s'attendre, comme pour l'Italie, à une avalanche de textes en provenance d'Espagne ? Une chose est sûre : au regard du talent d'Aguilera et de Negrete, on en redemande…

Une firme, l'HONYC, fabrique des « génètes », sorte de cyborgs très évolués, et s'en sert comme agents dans les situations « délicates ». Jusqu'au jour où une loi interdit ces « abominations » et où il faut les détruire. En dépit de cette loi, certains spécimens représentent un tel investissement dans le domaine des implants et de la nanochirurgie que les dirigeants de l'HONYC préfèrent les congeler discrètement, gardant à l'esprit qu'après tout, ils pourront toujours resservir… C'est le cas pour Erémos, « génète » ultime, « 007 » idéal, professeur de linguistique au civil mis au placard du jour au lendemain pour en être ressorti vingt ans plus tard. Sa mission est simple : être envoyé comme condamné sur Rhadamante, la planète-bagne des Terriens, pour tenter de résoudre une crise à la fois scientifique et diplomatique.

Résumons la situation interplanétaire qui n'a, pas plus que le canevas de base du roman, rien de très novateur. Les Terriens subissent la tyrannie des Tritons, un peuple dont on sait peu de choses, si ce n'est qu'il a le gros avantage de disposer du secret de la vitesse supra-luminique et que, bien sûr, il ne veut pas le partager. Or, peu de temps auparavant, un vaisseau triton semble s'être échoué « par erreur » sur Rhadamante. Les extraterrestres veulent à toute force le récupérer avant que les hommes ne l'étudient de trop près. Dans le même temps, ils semblent s'intéresser à un autre objet, une sphère mystérieuse également tombée sur cette planète, avec laquelle les « technos », un groupe de chercheurs qui vivent en marge sur ce monde infernal, tentent en vain d'entrer en communication. Bref, l'ensemble est assez convenu : des extraterrestres, une planète pleine de terriens pas toujours sympathiques, et un objet étrange dont on ne comprend pas le message. On en vient à craindre que l'auteur s'enlise, et ce malgré son évidente capacité à donner vie et corps à son univers.

En fait, au moment où les choses deviennent critiques dans leur complexité — et où l'on a du mal à suivre les machinations des grandes puissances politiques et industrielles en présence — la force du personnage d'Erémos vient littéralement enlever le récit. Solitaire — c'est le sens du mot grec « érèmos » —, programmé pour tuer, dénué de tout sentiment humain, l'agent de l'HONYC se découvre lentement bien plus humain que ses concepteurs ne l'avaient prévu, et peut-être plus qu'il ne le souhaitait lui-même aussi. Dès lors, le lecteur oublie les fils périphériques de l'intrigue — et l'auteur aussi, qui se concentre, et c'est tant mieux, sur ce qui fait le réel intérêt du texte : Erémos en lutte avec son humanité naissante.

Celle-ci se manifeste, dans la plus pure tradition des tragédies grecques — à laquelle le titre nous invite à nous référer — par la présence d'un oracle en la personne d'un vieil ivrogne drogué qui a été par hasard en contact avec la mystérieuse sphère et en est ressorti doté du pouvoir de connaître la date de mort de chaque homme qu'il rencontre. Ce Tirésias moderne, Moralles, prédit la mort de notre héros pour le 1er décembre 2116. Or, nous sommes le 25 novembre de cette même année… Dès lors le roman confine vraiment à la tragédie, et son prologue, « vingt ans plus tôt », apparaît après coup comme un épisode nécessaire du destin d'Erémos, épisode auquel la conclusion du roman, « vingt ans plus tard », répond de façon magistrale et place Erémos au rang des héros mythiques comme Oedipe. Ajoutons qu'il y a trois femmes importantes dans la vie du « génète » : Uranie, une séductrice joueuse, Amara, « génète » venue venger son aïeule clonale, et enfin Clara. Trois masques pour Tisiphone, Mégère et Alecto, les trois Furies.

La tragédie du « génète » renouvelle à la fois le mythe de Frankenstein et le thème de l'amour impossible. Sans complaisance pour le trop facile « happy end », la fin du texte impose au contraire sa cruauté, celle du Destin. C'est là ce qui fait toute la beauté de l'œuvre : la part de la science et de ses progrès, la libération de l'humanité, disparaissent complètement et explicitement derrière la destinée tragique du Solitaire.

Il faut lire ce roman pour en apprécier toute la force. L'histoire en elle-même n'est rien : la psychologie, le mythe, sont tout. Un très beau livre.

Dernière chance pour l'humanité

Consternant.

Si on ne m'avait pas, dans ma jeunesse, seriné sans cesse qu'une opinion doit toujours être soutenue par des arguments, je m'arrêterais là. Sérieusement. Sauf que, étant naturellement une enfant sage et disciplinée, il me faut expliquer. Ou tout du moins argumenter…

Nous sommes en 2017, et des extraterrestres envoient depuis dix ans des messages aux Terriens, dits Terriens qui ne parviennent pas à les déchiffrer. Subitement, les émissions s'arrêtent. La psychologue dont on suit les recherches, Heather, est convaincue de détenir la clé du message. Parallèlement, sur le plan familial, sa fille Rebecca accuse son père d'avoir abusé d'elle, soutenant que sa sœur aînée s'est suicidée parce qu'il agissait de même avec elle.

Si la première partie est convenable, le dérapage débute vers la centième page…

Finalement décryptés, grâce à un code assez simple, d'ailleurs, les messages semblent donner le plan d'un hypercube (un cube à quatre dimensions) déplié — remerciez Dali et son Corpus Hypercubus, sinon l'héroïne aurait été en panne sèche d'inspiration. Bref, une fois assemblés les différents éléments, les petits carrés de polystyrène peints se soudent entre eux grâce à la piézoélectricité. Et si on s'introduit dans le montage — ô sublime trouvaille ! — on atteint, je vous le donne en mille, la quatrième dimension ! Et ce n'est pas tout ! Oui, parce qu'on y trouve une sorte de clavier géant, sur lequel chaque touche correspond à l'esprit d'un être humain. Vous appuyez, et hop ! vous voici dans sa tête. Et si vous vous concentrez très fort, vous influencez son esprit, vous le faites penser à quelqu'un en particulier et, re-hop, vous vous retrouvez dans l'esprit de la personne en question, le tout sans avoir à chercher la bonne touche — ce qui serait un peu long avec un clavier de cinq milliards de touches… Comprenez bien que, avec cette machine qu'il est possible de reproduire à l'infini, plus personne n'a de secrets pour les autres. Nous voilà avec Le Meilleur des mondes d'Huxley, mais pris au sérieux.

À ce stade, n'importe quel lecteur convenablement constitué est en droit de se sentir un tantinet affligé. D'autant que se pointe la cerise sur le gâteau… Le mari de la psychologue, Kyle, fait des recherches sur un projet d'intelligence artificielle et sur l'idée d'ordinateurs quantiques — qui travaillent sur un problème en simultané dans une infinité d'univers parallèles. Ces deux éléments viennent s'insérer dans une autre problématique : bien des années auparavant, un chercheur isolé dans l'observatoire d'Algonquin avait reçu un message extraterrestre qu'il s'était empressé d'encoder de manière incompréhensible, avant de se suicider. À l'aide des ordinateurs quantiques, ledit message est décodé et annonce — constatation d'une peuplade d'Epsilon Eridani — que les ordinateurs prendront le pouvoir si on n'arrête pas tout de suite leur évolution. Si, si, comme je vous le dis ! Donc, l'I.A. de Kyle — qui s'appelle Cheetah, et ça non plus, ça ne s'invente pas… — se suicide, parce qu'elle sait que ce message est vrai et qu'elle ne veut pas faire de mal au genre humain. Si ! !

Là, nous sommes à cinq pages de la fin, le monde va devenir un paradis — pas de Mal, pas d'ordinateurs, bref l'Eden — et on se dit que rien ne peut nous enfoncer davantage dans le navrant. Sauf que, tout à coup, arrivent les extraterrestres. Un instant (court), on pense qu'il va y avoir un retournement de situation à même de nous faire s'agenouiller devant le génie de l'auteur. Vraiment, on y croit. Et c'est alors qu'on manque de frôler la syncope : les Centaures — puisque c'est leur nom, se pointent depuis Alpha du Centaure et sont accueillis dans l'espace par notre psychologue. Et devinez un peu à quoi ils ressemblent… À de magnifiques grosses mouches. Re-si ! Mais très belles, hein, les mouches ! On se croirait revenu aux couvertures des pulps de 1930.

Allez, rien que pour vous faire baver, voici la dernière phrase du roman : « Heather était maintenant certaine que son espèce, qui méritait enfin le nom d'humanité, n'aurait plus de difficultés pour comprendre le point de vue des autres. » Vous voulez que je vous dise ? Je n'ai même pas envie de conclure. Il y en aura peut-être pour trouver que c'est à prendre au second degré… D'autre qui défendront l'idée d'une S-F très « psychologique », et surtout optimiste… Peut-être… Pour ma part, j'ai peine à croire que ce roman figure au catalogue de la collection « Millénaires », voire au catalogue de n'importe quelle collection de S-F, pour ne pas dire, tout simplement, qu'il ait trouvé moyen de se faire éditer…

Dans le jardin d'Iden

« Où comment exploiter aux trois-quarts seulement une jolie idée ». Tel pourrait être le sous-titre de ce roman. Et c'est fort dommage.

Nous sommes au XXIVe siècle, et une botaniste décide de nous raconter sa vie, qu'elle a passée au service de l'entreprise Dr Zeus. Là où les choses commencent à être croustillantes, c'est que sa vie a débuté un peu avant 1540, quelque part près de Saint Jacques de Compostelle ! Comment ? Pourquoi ? Dr Zeus est une firme qui a inventé l'immortalité et qui, afin de vérifier que son invention fonctionnait, a également appris à maîtriser le voyage dans le temps. C'est logique : vous vous projetez dans le Moyen Âge, vous traitez un « cobaye » pour le rendre immortel, et vous revenez ensuite au XXIVe siècle pour vérifier qu'il est toujours vivant. Et, au passage, vous justifiez le mythe du Juif Errant. Seulement voilà : l'immortalité ne marche pas sur tout le monde et coûte très cher. Or, les vieux milliardaires qui peuvent se l'offrir font de très mauvais sujets. Reste un seul moyen d'exploiter et de rentabiliser ces découvertes : rapporter du passé des choses aujourd'hui perdues — pourvu que l'on respecte la règle qui veut que « l'histoire écrite ne peut être changée ». Tel tableau a été détruit ? Il le sera tout de même… Mais si vous avez pu lui substituer une copie avant sa destruction, c'est elle qui disparaîtra dans le passé, et il vous restera l'original. Vous suivez ? Parfait. Bon, il ne reste alors qu'une chose à faire : recruter dans le passé des enfants, en faire des immortels, et les laisser traverser le temps en leur donnant pour mission de sauvegarder tout ce qui peut servir aux humains et qui a malencontreusement disparu avant le XXIVe siècle.

Notre botaniste s'est donc fait recruter dans un des cachots de l'Inquisition, où elle avait échoué par erreur. Son enfance et sa formation au centre d'entraînement 32-1800 de Terra Australis sont racontées par Baker avec un humour et une verve peu communs. On ne s'ennuie pas une minute devant les réparties spirituelles de la petite Mendoza, tant face à ses Inquisiteurs que lorsqu'elle porte un regard amusé sur ses années d'école. Le récit est plus qu'attachant : esthétique, bien mené, il est parfaitement servi par l'impressionnante culture de l'auteur sur la période concernée. On se dit qu'avec tout cela, le reste de l'œuvre ne peut être que splendide et drôle…

Première mission pour Mendoza : débarquer en Espagne, sous l'identité de la señorita Rosa Anzolabejar, dans une famille d'accueil composée de membres de l'organisation de Dr Zeus, en prévision d'un voyage en Angleterre qui doit les mener tout droit dans le jardin botanique d'Iden, un noble farfelu collectionneur d'espèces animales et végétales rares. Si le texte conserve sa drôlerie, c'est ici néanmoins que les choses commencent à s'enliser. Parce qu'on ne ressort plus de ce jardin : Mendoza y rencontre un jeune homme protestant, dont elle tombe bien sûr amoureuse, ce qui fait un tantinet désordre pour une prétendue jeune fille de bonne famille espagnole, d'autant que Marie Tudor vient d'accéder au trône, qu'elle épouse le prince Philippe d'Espagne, laissant envisager le retour de l'Inquisition, et que les espagnols sont cordialement détestés des insulaires… Le roman s'enferme dès lors dans une histoire d'amour impossible somme toute banale, émaillée d'événements politiques dont on a parfois du mal à suivre les méandres. Bref, un sentiment de déception s'instaure inéluctablement, sentiment accru par une fin assez convenue.

Au final, Dans le jardin d'Iden tient tout son charme de la culture historique et du talent de conteur de Kage Baker, mais il gagnerait à être délesté des longueurs « romanesques » qui le tirent parfois trop loin du projet originel, vers le roman élisabéthain classique. Il n'en reste pas moins que la lecture en est agréable et qu'on en ressort moins ignorant sur la période du règne de Marie Tudor.

Sardequins

Après Frère Aloysius et le petit prince, paru en 2000 chez Nestiveqnen, voici donc Sardequins, second roman de Philippe Monot et premier volet de ce qui s'annonce déjà comme une trilogie.

Dans un monde dominé par l'Adjita, une institution religieuse qui a tourné le dos à la magie des siècles passés, le libraire Léandre Olvérius met la main sur un vieil exemplaire d'un manuel de magie et tente de le rééditer. Dès lors, tout son univers bascule : Léandre disparaît, sa librairie part en fumée et sa fille Ruth est agressée par des créatures surnaturelles. L'intervention du comte Nestor, ami du libraire et poète pamphlétaire sans public, permet à la jeune fille d'échapper à la mort. Ruth se lance alors à la recherche de son père, accompagnée du comte, lui-même en quête de son passé perdu. Dans le même temps, les armées du culte Husan quittent les Terres Libres et envahissent le monde adjitien… Dans l'ombre, deux Sardequins tirent les ficelles de ces destins mêlés.

Affirmons-le d'emblée : avec ce deuxième roman, Monot confirme qu'il est moins un écrivain exigeant qu'un conteur efficace et imaginatif. L'auteur semble en effet ne porter aucune attention à la structure narrative et s'embarque, toutes les fois qu'il le peut, dans des digressions étonnantes et dans des variations sur les thèmes de la magie, de la guerre, du voyage initiatique et de la quête d'identité — variations qui démontrent au demeurant qu'il a parfaitement assimilé tous les ressorts de la fantasy. Si cette liberté formelle confère à Sardequins une spontanéité rafraîchissante, elle grève le livre d'un inachèvement stylistique patent. Les digressions irritent parfois le lecteur, les fautes de style et les impropriétés de langage provoquent une gêne ponctuelle mais récurrente. Surtout, l'auteur change de point de vue narratif de manière totalement inopinée et découpe chacun de ses chapitres en dépit de toute logique d'ensemble.

Toutefois, malgré cette structure lâche, le roman porte en lui une énergie, une vivacité, un humour et une vraie générosité, caractéristiques qui lui confèrent un charme qui n'est pas sans évoquer celui des aventures du petit sorcier de J. K. Rowling. Après un court prologue dont la complexité, artificielle, échoue à captiver le lecteur, le récit prend son envol. Au fil de la lecture, la magie opère et on plonge sans retenue dans l'univers de Sardequins, croisant des créatures improbables et des architectures démesurées. Quant aux personnages ils sont imprévisibles, touchants, drôles, espiègles, gentils même lorsqu'ils sont méchants et d'autant plus fragiles qu'ils sont forts. À travers les figures des deux Sardequins, magiciens puissants et virtuellement immortels, pour lesquels le monde n'est qu'un terrain de jeu, l'auteur jongle habilement avec la notion de deus ex machina. Non seulement Monot ne ruine pas son intrigue dans les interventions récurrentes de ces omnipotents, mais elle y gagne même en cohérence. Finalement, Monot prouve qu'aucun des événements, des personnages, ou même des objets qu'il évoque, n'est inutile ou gratuit — jusqu'aux notes de bas de page qui, si irritantes qu'elles puissent paraître, contribuent néanmoins à donner de la chair à l'univers décrit.

Voilà qui fait du deuxième roman de Philippe Monot un divertissement sympathique, un livre dense malgré des défauts formels. On attend la suite sinon avec impatience, du moins avec un réel intérêt.

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Quarante numéros et dix ans avant l'actuel Bifrost, c'était le numéro 25, dont voici les chroniques de livres en ligne sur l'onglet Critiques !

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