Billet sans titre
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Aujourd'hui commencent les Utopiales de Nantes ! Retrouvez sur le forum la liste des auteurs du Bélial' invités et les horaires auxquels vous pourrez les rencontrer.
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À l'occasion de la parution sur e-Bélial' de Gravité de Stephen Baxter, lisez (ou relisez) sur le blog Bifrost l'indispensable préface d'Emmanuel Tollé : Introduction à la Baxterologie !
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Cette semaine, Philippe Boulier s'est mis en route vers Mars ! Au programme, quatre films des 50's centrés sur la planète rouge, sans oublier ce classique de la SF qu'est L'Homme Démoli d'Alfred Bester…
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Tout commence par des cauchemars ceux que raconte un agent de voyage anglais, Ian McGann, à Jesse Chapman, un américain travaillant à Vienne. McGann a rencontré un messager de la Mort, qui répond à toutes les questions… mais fait payer un prix terrible à ceux qui ne comprennent pas les réponses. Ni McGann ni Chapman pourtant ne sont des personnages principaux, et le livre suit deux itinéraires bien différents : ceux de Wyatt Leonard, ex-présentateur de télévision pour enfants, atteint d'une leucémie, et d'Arlen Ford, célèbre actrice et sex-symbol désormais retirée du monde du spectacle.
Sophie, la sœur de Jesse, catastrophée par la disparition de son frère, convainc Wyatt, son meilleur ami, de l'accompagner à Vienne — où Arlen a établi sa résidence, loin du show-biz californien.
Les personnages se croisent, de façon fortuite ou non, prennent le thé dans les fameuses pâtisseries viennoises, et même leurs conversations avec la Mort sont singulièrement dépourvues de tension dramatique. Si on ne peut gagner contre la Faucheuse, la morale du roman est que la victoire des vivants réside dans leur capacité à Lui voler leur bonheur de l'instant, à L'oublier un moment : rien de renversant.
Mais, fidèle à ce point de vue, le livre n'est jamais aussi intéressant que lorsqu'il rend la texture de la vie de ses personnages. Ce qu'il fait en détail, avec brio même, et sans jamais ennuyer. Carroll aurait sans doute pu vendre ce livre comme de la littérature générale, et il convenait parfaitement à la défunte collection « Présences » où il est paru initialement. On est ici à cent lieues des auteurs que Pocket publie industriellement (comme Koontz ou Masterton), mais ce sont ces joyaux isolés (rappelez-vous Méchant Garçon de Jack Vance) qui font pour moi le charme de la collection « Terreur ».
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En ce Moyen-âge finissant, Johannes Faust est un professeur d'université frustré. Certes, les étudiants se pressent à ses cours, il en est même un (Wagner) qui l'a pris pour maître et s'est fait son fidèle assistant. Mais Faust ne se contente pas de régurgiter les ouvrages des anciens ; un temps chirurgien des armées, il a pu sur les champs de bataille tester l'inanité de la « science » médicale de son époque. Pris de désespoir, il décide de brûler sa bibliothèque… et c'est alors que le contacte Mephistopheles. Le nom n'est qu'un artifice commode, car le personnage en question représente l'ensemble d'une race étrangère qui vit dans une autre dimension, et qui est en mesure de donner à Faust la connaissance absolue : connaissance des vies et des pensées de ses contemporains, mais aussi du passé et du futur. Avec toutes ses découvertes scientifiques ! Incompris de ses collègues scolastiques, Faust se tourne alors vers les arts mécaniques… pour déclencher la Révolution industrielle (et plus encore) avec quatre siècles d'avance. Et dans son sillage, la guerre moderne et l'exploitation des travailleurs. Inventeur universel, Faust est contraint de se mettre au service des industriels ou des États ; trompé par les promesses de Mephistopheles, victime de ses propres scrupules et hésitations, il n'atteint jamais le bonheur qu'aurait pu lui donner l'amour de Margarete (qui est ici la fille du marchand dont il fait un industriel).
Hasard du calendrier éditorial, je découvre Jack Faust sur les talons de La Morsure de l'ange de Jonathan Carroll, et dans les deux livres le démon se présente comme porteur de la connaissance illimitée. Écho de l'expulsion d'Adam du Paradis terrestre. La connaissance, malédiction en elle-même ? On se dit parfois que Swanwick doit le croire, au vu du naufrage des espoirs de Faust devant la société mécanisée et impitoyable à laquelle ses inventions donnent naissance. Mephistopheles (ou plutôt le peuple extra-dimensionnel qu'il dissimule) a certes des raisons de haïr la race humaine, mais c'est la nature humaine elle-même qui transforme science en technologie, et technologie en bellicisme et capitalisme sauvage. Là où le propos de Carroll, auteur de fantastique, s'adresse aux sentiments et joue sur des références religieuses, Swanwick reste auteur de science-fiction et ne s'écarte jamais du rationalisme.
Le livre n'est pourtant jamais étiqueté S-F par son éditeur américain, et Swanwick enfreint à mon sens les règles du genre dans le développement de son uchronie (dont les prémices de développement technologique précoce peut rappeler le roman classique de L. Sprague de Camp, De Peur que les ténèbres). La rapidité foudroyante du progrès technique est invraisemblable, surtout par l'ampleur des changements socio-économiques qu'elle suppose en quelques années ; et peu de temps est consacré aux questions fascinantes soulevées par l'interaction des techniques nouvelles avec une société encore médiévale. Nous sommes aussi privés de ce plaisir spécifique à l'uchronie qu'est le travestissement de personnages historiques dans des circonstances inventées (l'ombre de Martin Luther plane sur le livre, mais en un sens Faust lui vole sa place, en se montrant un Réformateur bien plus radical. Détail croustillant : à un moment, Faust cloue rageusement sur la porte d'une Église, en guise de Propositions… la Table Périodique des éléments !).
L'explication de ce défaut du livre tient sans doute simplement dans des problèmes de taille et d'équilibre : suivre toutes les pistes aurait requis un ouvrage éléphantesque — comme Faust nageant dans l'océan de la science future, Swanwick se serait perdu dans l'ampleur de son sujet. Foin de l'arrière-plan sociologique : l'auteur a préféré focaliser le roman sur la tragédie personnelle de Faust et Margarete, séparés par l'exil du premier, excommunié pour ses sermons hérétiques, et l'attachement de la deuxième à l'empire industriel familial qu'elle seule est capable de superviser.
Ce n'est hélas pas le seul motif de désespoir de Faust ; si Mephistopheles lui fournit une réelle connaissance, il le fait toujours de façon suffisamment biaisée pour mériter encore son titre de Père des Mensonges, et pour tromper tous les espoirs de son outil humain. Faust veut le bonheur de l'humanité : il n'arrive qu'à accélérer son malheur et sa destruction. L'intensité de cette tragédie serait à elle seule pour absoudre le livre de ses invraisemblances, mais quantité d'autres raisons font de sa lecture un plaisir : la peinture de la société du XVe siècle jet de ses horreurs) ; la vivacité de l'écriture, sans cesse recherchée, souvent narquoise ; et les personnages qui entourent Faust, des grotesques utilités (médecin, évêque) aux compagnons fidèles. Deux figures se détachent : Wagner, pitoyable dans son dévouement à son maître, et Margarete, qui se révèle capitaine d'industrie et femme terriblement en avance sur son époque, plus intelligente et plus torturée par sa conscience que Faust (si ce dernier usurpe le rôle de Luther, Margarete remplacerait la reine Elisabeth). Bref, et au total, un livre d'exception.
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Farren Megan et Jack Finch étaient tous deux capitaines des services secrets de la Fédération des Mondes habités. ils vivaient ensemble depuis des années, engagés dans un de ces ménages qui sont monnaie courante sur Earth Metropolis, ménages pouvant impliquer deux ou trois personnes de sexes arbitraires. Hélas, ils eurent le tort de découvrir une conspiration menée par leur patron, le Spylord Simpson, qui se vengea en envoyant Farren au dôme-pénitencier de Gambling Nova (sous prétexte de mission secrète, il doit partager la vie des bagnards), et en faisant condamner Jack pour le meurtre (simulé !) de Farren. Libéré sous caution, Jack n'a de cesse que d'aller retrouver Farren. Il sera aidé par Theo, une femme qui avait grandement profité de l'aide du capitaine Finch lors de sa dernière mission sur la planète Eridan, devenue depuis son amie…
À partir de là, les choses se compliquent par l'arrivée de tout un tas d'autres personnages et de digressions un peu gratuites ayant trait à la planète océanique Eridan et sa communauté télépathique, aux habitants de Redland (la planète où est située Gambling Nova), qui résistent aux sbires de l'administration pénitentiaire et possèdent un médicament miraculeux issu d'une plante endogène. Je passe sur les détails : un projet audacieux d'évasion est monté puis exécuté, et surtout, on arrive à la résolution du triangle amoureux bisexuel formé par Jack, Megan et Theo.
Ce roman porte au front l'influence de Melissa Scott, auteur américain qui s'est imposée en quelques années comme une sorte de star du space opera « gay ». Cela grâce à un sens de l'intrigue qui évite toujours la mièvrerie, et un réel talent pour les constructions sociales originales et profondément pensées, le tout joint à une bonne maîtrise des ingrédients plus techniques de la science-fiction (poursuites dans l'espace ou jeux cyberpunk). Malheureusement, Dorny est loin d'avoir le métier de Scott. Par exemple, c'est une technique parfaitement légitime que de plonger le lecteur dans l'action en ne lui donnant pas toutes les informations nécessaires à la compréhension, informations qu'on fournit plus tard. Dorny use et abuse de cette manière, jusqu'à l'écœurement ; on a souvent la furieuse impression que la fourniture tardive de l'information n'est pas toujours délibérée, mais parfois due à la nécessité d'expliquer à la va-vite des éléments dont on avait besoin sur le moment. Il en résulte une impression de grand fouillis, d'autant plus que l'auteur change constamment de point de vue et de ton, mêlant allégrement action, intrigue d'espionnage, recettes de cuisine ou encore roueries de la vie de bureau.
Sans parler de l'intrigue sentimentale qui est visiblement sa préoccupation principale, mais qui ne parvient pas à susciter le moindre soupçon d'intérêt. Peut-être faute d'une écriture plus maîtrisée : phrases courtes, peu rythmées, niveau de langage flottant… même si cela s'améliore beaucoup sur la dernière partie du livre. Enfin, et c'est bien le plus dommage : l'auteur n'utilise la S-F que comme un magasin d'accessoires, accessoires dont la logique interne n'est jamais prise en compte. On en arrive à des expressions dépourvues de sens comme « à des milliers de kilomètres de la planète » (p. 325, alors qu'on se trouve sur une autre planète !), ou à des clichés qui sentent bon la S-F d'un autre âge : attablé dans un restaurant « mercuro-italien », le protagoniste prend « les farfalle au shizuron, aux calde vertes et à l'aneth, ensuite une escalope de bag rataing… » . Ce serait désopilant si ce n'était pas si agaçant. Difficile, dans ces conditions, d'imaginer le public que ce livre pourrait toucher : sans doute pas celui des amateurs de S-F, quoi qu'il en soit.
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Ce numéro est un spécial Greg Egan, ce qui veut dire que son achat est indispensable pour les amateurs de S-F rien que pour les deux nouvelles de notre australien préféré (dont les textes, même en anglais, ne sont pas toujours faciles à traquer). Plus une bibliographie, et une étude de Philippe Boulier, laborieuse au début dans son énumération thématique, mais lumineuse dans sa conclusion sur les orientations philosophiques d'Egan.
L'être humain se compose de matière et d'esprit, et nous ne pouvons nous empêcher de considérer que notre software est irréductible à notre hardware. Mystiques et philosophes glosent depuis des siècles sur le sujet, et les scientifiques n'en défrichent que les frontières. Même si les progrès faits depuis quelques années permettent à Egan d'extrapoler des situations où le libre arbitre doit plier devant le fonctionnement matériel du cerveau. « Des raisons d'espérer » est un texte récent (1997), dans lequel le sentiment de bonheur — et donc la capacité même à vivre — du protagoniste dépend entièrement de la chimie de son cerveau. « Orbites instables dans la sphère des illusions » est plus ancien, et moins précis dans ses références scientifiques : il postule que les diverses croyances humaines s'établissent subitement avec une force hypnotique sur de micro-territoires (quartiers de ville), et contrôlent à la fois mouvement et opinions de leurs habitants. Le texte emprunte son langage à la théorie mathématique des systèmes dynamiques, et pose le même genre de questions sur le libre-arbitre que le premier roman d'Egan, Quarantine. Egan voit tout cela sans affolement, avec un certain fatalisme : il faut apprendre le fonctionnement du cerveau humain, et abandonner certaines illusions sur notre liberté de pensée.
Les textes français du numéro peuvent se comparer à ces moellons qui remplissaient les murs des cathédrales, cachés par un parement en pierre de taille. Leur présence est nécessaire, car sinon comment faire place aux jeunes, mais ils ont du mal à soutenir la comparaison avec leurs compagnons d'anthologie traduits de l'anglais, fruits d'une sélection impitoyable. Disons que Laurent Queyssi a son humour pour lui, même si son texte est bien maladroit et que son éditeur aurait dû lui dire deux mots sur la concordance des temps, voir le paragraphe pages 92-93 qui saute de façon délirante de l'imparfait au passé simple et retour) ; et que Michael Rheyss, dont l'intrigue est plus construite si plus convenue, m'a ennuyé par son mysticisme à semelles de plomb.
Enfin, l'anthologie a le mérite de se conclure par un texte excellent d'un auteur doué et trop peu publié en français, James Patrick Kelly, « À l'image des dinosaures ». L'idée n'est pas bien nouvelle — quand on fait une copie parfaite d'un humain, un des deux exemplaires doit disparaître — mais ce dilemme moral est traité avec finesse et émotion, et même avec un surprenant humour noir. Sans aucun doute le texte le mieux écrit et le plus frappant du lot.
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Le monde est ravagé, détruit par la folie des hommes exprimée en une guerre mondiale où les armes nucléaires, chimiques mais surtout génétiques, ont tout annihilé, amis et ennemis, civilisations et éco-systèmes. Dans ce futur d'horreur, au sein de cette vaste Europe rendue à une nature dévoyée, les hommes tentent de survivre. Organisés en clans nomades, ils sillonnent les ruines. Le peuple de l'eau est l'un d'eux. Un clan puissant car expert dans la recherche des dernières réserves d'eau non polluée et ayant la mainmise sur les stocks d'hydrocarbures. Puissant aussi car comptant dans ses rangs le jeune Solman, un infirme doué du don de clairvoyance, pouvoir qui lui permet de lire dans les coeurs et fait de lui un juge lors des réunions annuelles inter-claniques. Un pouvoir précieux, certes, mais qui marque Solman comme un paria, lui attire la méfiance des membres de son propre clan. Et voici que, lors de crises aiguës, Solman croit discerner dans l'avenir du monde une ultime apocalypse…
Difficile de juger de la qualité d'un livre quand on n'en a lu qu'un sixième. Toutefois une évidence dans ce premier volet de feuilleton à suivre chez Librio : si Bordage continue de puiser dans les archétypes (héros physiquement diminué mais mentalement supérieur, viol et assassinat des parents, thématique de la différence, etc.), il n'a rien perdu de sa capacité à créer des personnages riches, puissamment humains, vis à vis desquels le sentiment naturel d'identification du lecteur fonctionne à plein. Son style même apparaît plus serré, plus percutant, et si ce premier volet se plie naturellement aux contraintes de mise en place et d'exposition, il est d'une narration nerveuse et efficace.
Bref un début de roman post-catastrophe aux échos « mad-maxiens » qui joue parfaitement le jeu du feuilleton, et dont on attend la suite, sinon avec fébrilité, néanmoins avec une impatience non feinte. À suivre donc.
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En ce début de XXe siècle, trois nations se partagent le monde : la Britannie, le Grand Reich et la France. Les rumeurs de guerre vont bon train, Paris rayonne sans partage sur l'empire, les dirigeables géants sillonnent ses cieux nuit et jour et relient la Ville Lumière aux quatre coins du monde.
Le professeur Blumlein, chargé de cours à l'École normale supérieure, démocrate convaincu, membre éminent d'un certain nombre de cercles et clubs savants, inventeur de génie et amateur plus qu'éclairé d'archéologie et de cryptozoologie, vit douillettement rue du Faubourg Saint-Denis depuis son retour d'exil forcé suite à l'avènement de l'empereur Napoléon IV. Plus cérébral que physique, Blumlein n'a aucune attirance pour l'aventure et les grands espaces. Toutefois, quand cette dernière frappe à sa porte en la personne de son jeune protégé Joseph Plumet, porteur d'une nouvelle incroyable qui tend à faire penser qu'il existerait des dinosaures vivants au fin fond des jungles du Kongo, il ne peut lui résister. Et le voici qui s'embarque en quête du mythique Mokêlé m'bembé, voyage qui se révélera être bien autre chose qu'une simple étude naturaliste…
Ce qui frappe, à la lecture de La Cité entre les mondes, c'est son extraordinaire foisonnement thématique et le nombre considérable des genres auxquels il fait écho. Roman de science-fiction bien sûr, avec extraterrestres et artefacts futuristes, récit de voyage dans la tradition des grands romanciers de la seconde moitié du XIXe siècle, uchronie, steampunk, satire politique, policier et espionnage, quoi encore ?
Véritable roman syncrétique, riche de clins d'œil, où se mêlent avec justesse personnages historiques et de fiction, La Cité entre les mondes accumule les références. On pense bien évidemment aux Verne(s), Jules et Henri, à E. P Jacobs ou bien encore à Wells, mais la liste est loin d'être close. Et s'il convient une fois encore de parler de richesse des thèmes et des références, on peut de la même façon évoquer la profusion des outils narratifs utilisés par l'auteur. Extraits de coupures de presse et d'articles, journaux intimes, échanges épistolaires : Valéry fait profit de toute la palette des procédés du roman populaire. Et le résultat ne se fait pas attendre : on s'installe avec jubilation, comme chez soi, dans ce gros bouquin qu'on avale d'un trait.
Mais La Cité entre les mondes n'est pas qu'un bon, très bon roman d'aventures. Valéry est un auteur aux idées bien trempées qui ne se prive pas de dénoncer : la dédicace en ouverture à Patrice Lumumba est à ce titre sans équivoque. Voici, par exemple, ce que ressent son héros lorsque, pour la première fois, il découvre l'Afrique coloniale : « L'insouciance des jeunes gens le mettait quelque peu mal à l'aise. Là où eux ne voyaient que pittoresque et dépaysement, lui découvrait la misère et l'insupportable soumission de tout un peuple. […] Pourquoi ces gens ne se révoltaient-ils pas ? Pourquoi acceptaient-ils ce statut dégradant de « colonisés » ? De pas-tout-à-fait-hommes, en somme ? […] Leur haine — même rentrée — eut été bien plus facile à supporter que cette indifférence résignée, soumise, absolue, qui se dissimulait sous les sourires mais que Samuel, semblait-il, était seul à voir. Peut-être ne résidait-elle que dans son imagination ? Qu'avait-il à se faire pardonner pour ainsi fantasmer ? » (p.91). Et le lecteur de constater que tout le livre est ainsi sous-tendu d'un fort message personnel et humaniste…
On savait de Valéry qu'il pouvait se montrer remarquable nouvelliste (il faut absolument lire Les Voyageurs sans mémoire, magnifique recueil de dix nouvelles paru en mars 1997 chez Encrage), à son aise tant dans le fantastique qu'en science-fiction, qu'il s'agisse de space opera, de cyberpunk ou même de hard science. On le savait aussi éditeur et découvreur de talents (avec, notamment, la revue CyberDreams et la collection affiliée). On le découvre ici romancier habile et d'une grande intelligence, signant tout simplement avec La Cité entre les mondes le meilleur roman de science-fiction français vu depuis longtemps.