La Grande route du Nord
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A Newcastle-upon-Tyne, en ce dimanche 13 janvier 2143, l’inspecteur Sidney Hurst est appelé pour un crime : un cadavre a été repêché dans le fleuve… Arrivé sur place, il découvre le corps d’un North, un des multiples clones de Kane North, patriarche d’une immense et très puissante famille. Autrement dit, les complications politiques ne vont pas manquer de survenir… D’autant que malgré les moyens phénoménaux mis en œuvre grâce à la technologie des maillages (des capteurs insérés dans toute la ville, enfin, presque…) et à la fortune des North, la police n’a aucune idée du mobile ni du nom du coupable. On va donc faire appel à Angela Tramelo, condamnée vingt ans auparavant pour le meurtre d’un autre North. Malgré les preuves contre elle, Angela avait toujours clamé son innocence et expliqué que l’assassin était un monstre d’une espèce inconnue. S’ensuit donc une expédition sur St Libra, d’où cette créature proviendrait.
Pour ceux qui connaissent Peter F. Hamilton, l’auteur de l’immense (par la taille et la qualité) « Aube de la nuit », ce qui revient souvent, c’est le nombre de pages. Car cet auteur britannique est un adepte des romans-fleuves. La Grande route du Nord, lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2015 (enfin, le T.2 du diptyque), est donc plutôt court par rapport à ses récentes productions. Mais cela représente tout de même près de 1400 pages en format poche écrites avec une police de caractère nécessitant un bon éclai-rage. Aussi la question est-elle légitime : cela vaut-il la peine de se lancer dans la lecture de ces pavés ? La réponse est clairement oui. Même si ce n’est pas le meil-leur de cet écrivain, La Grande route du Nord possède la richesse des univers propres à Hamilton. En début d’ouvrage, on trouve la classique chronologie, qui nous donne une idée des puissances en jeu et des avancées technologiques mises en œuvre — les portails entre les différents systèmes solaires ou le clonage, réservé à l’élite —, mais aussi du contexte : l’humanité est en guerre contre les Zanths, des extraterrestres capables d’annihiler toute vie sur une planète en quelques jours et qui rigolent moyennement. Bref, on a là du solide, une toile de fond crédible pour l’intrigue.
Si ce roman commence comme un polar futuriste, il se double vite d’un récit d’aventure. Pendant que l’inspecteur Sidney Hurst poursuit ses investigations, le colonel Elston dirige une expédition gigantesque sur St Libra, réservoir de carburant vital pour la civilisation humaine. Nous voilà avec deux histoires pour le prix d’une. Qui s’avèrent aussi prenantes l’une que l’autre : l’enquête est menée tambour battant quand elle n’est pas bridée par les luttes de pouvoir ou d’influence. Peter F. Hamilton mêle avec brio les progrès de la science aux schémas classiques de l’investigation policière. De son côté, la recherche de l’extraterrestre sur un monde inconnu ravira les amateurs d’expédition militaire (et lassera ceux qui se moquent de connaître le nom de l’avion de transport utilisé, son poids et le type de ses moteurs). On est d’ailleurs plus proche, dans ces passages, de Heinlein que de Baxter, même si la fin est un peu moins manichéenne.
La Grande route du Nord mérite donc amplement son prix et offre une occasion de franchir le pas à ceux qui hésitent encore à lire cet auteur. Si la taille vous fait peur, vous reste alors à sauter sur Manhattan à l’envers, recueil de nouvelles paru en 2013 chez Bragelonne. Quoiqu’il en soit, il serait dommage de passer à côté de cet auteur de SF important qui joue à fond la carte du divertissement haut de gamme : vous n’avez désormais plus aucune excuse.