« – Je cuis ! criait le vieux Thot. Je cuis-cuis! Ahhh ! J'suis rôti comme une dinde!
– Merde alors, a dit Harry. Y a un témoin qu’est arrivé avec une journée d'avance.
Assise sur le seuil, sa queue soigneusement lovée autour de ses pattes, la souris observait la scène de ses petits yeux de jais. »
Le couloir de la mort (années 30) comme si vous y étiez, vu par un ex-chef des gardiens flirtant avec Alzheimer (pratique pour prendre l'histoire en route). Une atmosphère et un sens du suspens excellent, même si l’impression d'avoir déjà vu les jumelles Detterick au détour des couloirs de l'hôtel de Shining. Une documentation, un style, une montée en tension irréprochable — précisons que je ne suis pas un lecteur de King.
La ligne verte parait en épisode dans une Collection à 10 FF, mais si vous ajoutez le prix des six volumes, ça fait 60 FF le roman complet. À part ça, c'est vrai que la présentation en roman-feuilleton fait qu'on ne peut pas tricher et aller regarder comment l'histoire se finit. Alors, Caffrey frira-t-il sur la chaise électrique du pénitencier de Cold Mountain pour un crime qu'il n'a peut-Étre pas commis ? Et quelle mort affreuse Edward Delacroix va-t-il connaître ? Lecteur veinard, peut-Étre le savez-vous déjà ! (Fichu décalage spatio-temporel).
« Elle était allongée, paisible, profondément endormie. Ses mains pressaient une chose informe contre son corps. Wilhelm se pencha, crut, un instant, que c'était une poignée de feuilles. C'était un petit coq, l’œil ouvert, le bec distendu. Mina regarda Wilhelm sans rien dire. Quand leurs regards se croisèrent, elle jeta deux autres cadavres à ses pieds.
– Et ça et ça. Elles les attire et elle les tue. »
Romance fantastique XIXe siècle et précieux, sans aucun effet gore et pour cause : le baron Wilhelm Vordenburg, jeune étudiant en médecine attaché à la maison de l'ambassadeur, tombe amoureux de sa jeune protégée, la fantasque Héléna. Quand l'entourage de celle-ci ne songe qu'à la cloîtrer, Wilhelm pense en revanche pouvoir comprendre et guérir la curieuse manie que celle-ci a de mettre à mort sans qu'une goutte de sang ne soit versée chats et pigeons quand la nuit vient. Yvon Hecht émule le style suranné d’époque et parvient à instaurer une atmosphère trouble et charmante pour l'histoire d’amour impossible. À noter les références au mesmérisme, magnétisme et autres hypnotismes, tout à fait d'époque.
Héléna von Nachtheim pourrait s’inscrire dans le mouvement de la « rétro-science-fiction » — le même qui voit paraître des romans victoriens (Tim Powers, K.W Jeter, ou sortir des films comme Mars Attacks de Tim Burton, dont l'intention est de présenter les extraterrestres « comme on les imaginaient dans les années 50 » — ou encore des bandes-dessinées de science-fiction reprenant l'imagerie — décors, costumes et mini-vague — des Flash Gordon d'Alex Raymond : une dose de nostalgie ou d’hommage et, paradoxalement, l'exploration de territoires dont l'ancienneté a donné leur cachet exotique.
« Je regrettais d'avoir éteint la lumière, mais j'étais trop las pour me lever et aller la rallumer Alors, après un long et lugubre intervalle, et le prélude de nouveaux craquements dans l'escalier et le couloir, vint ce bruit léger; terriblement reconnaissable… À n'en pas douter; on essayait une clé… dans la serrure de ma porte. »
Six grands classiques et must de la nouvelle d'épouvante, sur la couverture une créature hideuse dans tous les sens du terme (Druillet pas au mieux de sa forme). Une visite guidée de quelques uns des hauts lieux de l'univers Lovecraftiens par le maître lui-même sur ma gauche, un superbe clocher décapité d'Innsmouth, en bas à droite… hum, la première Madame Marsh, nue sortant de l'eau. Jets de Santé Mentale SVP…
« Nous sommes seuls, Hicks. Des passagers clandestins squattant la cale d'un cargo abandonné, loin de tout… L'extérieur n'existe plus, nous sommes perdus pour le reste de l'univers. Seuls comme deux vieux amis. »
Entre Misery et La Croisière ne s'amuse plus version Genefort-scope le dernier occupant d'une station de captage de gaz réformée prisonnier d'un mystérieux geôlier tente par tout moyen d'accéder au poste de contrôle ou de faire venir les secours. La dernière mouture du plus jeune auteur du Fleuve Noir témoigne, comme la précédente, d'une constante progression tant dans la menée de l'intrigue que dans la clarté du style.
« Je n'ai pas besoin de me souvenir de tout… Je ne veux pas me souvenir de tout. »
La suite et la fin très attendue des aventures de la chanteuse Crystal, celle qui scie au son de sa voix. Un grand bol d'air dans la tête au regard d'autres ouvrages plus sombres. Les affres de la pauvre Killa Ree à qui l'immortalité fait perdre la mémoire et refuser les responsabilités au point de risquer la perte de l'amour de sa vie a au moins le mérite de distraire, de manière très rafraîchissante. À lire… pour oublier ?
« Si on donnait à chaque mec et minette de cette terre un espace vital de trente centimètres sur soixante, ils pourraient tous tenir debout sur les mille six cent soixante-quatre kilomètres-carrés de l'île de Zanzibar »
Le monde est fou, en 2010 ça grouille, ça zappe de partout, c'est tronçonné de flashes publicitaires et ça fait vingt choses en même temps, à vous donner le vertige. Pendant ce temps, une lutte sans merci s'engage autour de la république du Beninia, et de ses gisements sous-marins. Entre autres. Un livre univers unique pas évident à lire, mais indispensable.
« Notre époque est celle du végétal. Les végétaux ont conquis la Terre, s'y sont enracinés, y ont proliféré… Jamais la Terre n'a connu pareil surpeuplement… ».
La Petite Boutique des Horreurs croisé avec « Le Livre de la jungle Carnivore » et les « Dents de la Terre ». Les humains sont (re)devenus des petits singes verts arboricoles, quotidiennement guettés par tout ce qui pousse, rampe ou galope. Un grand classique de la SF.
« Il lui était déjà arrivé d'éprouver la peur; mais devant un danger terrible… Jamais de cette manière irraisonnée, sans motif apparent… Il entendit un cri à l'autre bout du camp. »
Aventures médiévales fantastiques cette fois pour le Bussy un barbare du nord allié à un clerc se mêle de libérer l'esclave d'un prêtre-sorcier, lui-même asservi par une créature innommable. Un conte d'heroic-fantasy très correct, qui place l'auteur talentueux de Deltas dans le club très fermé des auteurs francophones qui, à ma connaissance, ont compris quelque chose à ce genre.
« Elle m'a demandé mon nom. Michael je lui ai répondu… Et il s'est produit un phénomène bizarre. Aussitôt après je me suis vu à côté d'elle au bar… et je devinais, je lisais dans son esprit de quoi elle avait envie. Comme si j'étais en elle. »
Avec son héros schizo-psychopathe jusqu'au bout des doigts (ceux qui martèle les touches de son traitement de texte), Jeter nous emmène dans les dédales tortueux de son tueur de femmes en série. Même si c'est une expérience que je n'apprécie guère, force est de reconnaître à Jeter un talent aigu pour jouer avec son lecteur jusqu'à le faire tourner les pages en arrière pour en avoir le cœur net sur ce qu'il est en train de lire.
« La coupure des racines, La coupure des racines de la Connaissance… En perdant les contours de son identité, le tueur en série est complètement coupé de l'Unité. Il vit tout seul, dans sa forteresse étanche… L'arbre de Mort l'a envahi. »
Psychopathes à gogos, redoutable énigme policière, autorités incompétentes, intelligences artificielles simulatrices de personnalités, prospective millénariste et cours de rattrapages intensifs d'histoire et de métaphysique. Un roman qui décidément joue la carte du cumul, et vaut le détour à condition bien sûr de supporter le gore. À noter un récit en forme de diptyque policier contemporain quasi classique, intermède prospectif - puis policier cyberpunk millénariste. Plus la réflexion sur la source du Mal absolu, D'actualité aux vues des derniers exploits serbes, le génocide vedette du moment à l'heure où j'écris cet article (8000 morts traités en 10 secondes d'infos TF1/A2 journal du soir etc. — c'est un record, non ?).