La Peau sur les os
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La Peau sur les os est l’un des sept romans publiés par King sous le pseudo Richard Bachman. On y côtoie, sur plus de 300 pages, William Haleck, riche avocat de 114 kilos (au début), nanti d’une femme et d’une fille respectivement nommées Heidi et Linda. Meurtrier involontaire d’une vieille gitane qu’il a écrasée en voiture, William, bien en cour à Fairview, la localité aisée où il vit, est acquitté par son ami le juge Rossington, après une enquête bâclée par la police locale qui, pour faire bonne mesure, expulse les gitans de la ville. Entre affaires rondement menées et parties de golf, la vie pourrait reprendre son cour pour ce gagnant du rêve américain. Mais, à la sortie du tribunal, un vieux membre du clan, excédé, l’a touché et lui a dit un seul mot : « Maigris ! ». Quand William commence à perdre du poids, beaucoup de poids, sans raison médicale aucune, il doit se rendre à l’évidence : le gitan l’a maudit. Il lui faut maintenant retrouver le vieux et faire lever le sort avant d’en mourir, sans oublier de se cacher de son entourage qui le prend pour un fou.
Il y a de bonnes choses dans La Peau sur les os. King décrit avec une justesse impressionnante les affres du malade qui visite le déni avant de s’avouer son infortune. Son William met en œuvre quantité de petites stratégies puériles pour modifier ou dissimuler les symptômes, leur cherche une explication aussi logique que rassurante, veut éviter son médecin (car seuls les malades voient un médecin), avant d’être obligé de lâcher l’affaire et d’admettre l’abjecte vérité. King oppose aussi avec pertinence la vie aussi vide de sens qu’indifférente aux autres de la middle-upper class et l’existence difficile de gitans traités comme des untermenschen par la population des braves gens, sans oublier de décrire avec drôlerie la « faune » qui hante les stations balnéaires du Maine. Il tricote enfin une histoire rapide et rythmée, un vrai thriller d’horreur qui agrippe le lecteur et ne le lâche plus tant il veut savoir comment tout ça va finir.
Mais tout n’est pas bon. L’amitié à la vie à la mort de William avec le mafieux italien Richard Ginelli, si importante pour le récit, n’est guère crédible. La haine qu’il développe pour sa femme non plus, même si la lâcheté intellectuelle de celle-ci est en effet difficile à supporter. Quant au final, on peut trouver que King y cède à la facilité d’un effet de manche surprenant.
Pour apprécier La Peau sur les os — c’est vraiment possible —, il faut débrancher quelque temps son cerveau, voir le bon et passer à côté du moins bon, se comporter en somme comme un malade qui, pour sa tranquillité d’esprit, ne voit que ce qui l’arrange.