Mémoire de métal
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La tendance à l’allongement qui afflige les fictions depuis l’apparition du traitement de texte voici une quarantaine d’années n’a pas épargné la novella, et l’on se souvient d’une époque où des livres tels que Dune ou Tous à Zanzibar faisaient figure de monstruosités, mais leurs auteurs avaient de quoi les remplir jusqu’à la gueule, et peut-être n’est-ce pas un hasard s’ils continuent de trôner tout en haut de nombre de listes d’estime – à commencer par celle de votre serviteur. Aujourd’hui, ces derniers sont de longueur standard. Il suffit de voir l’énormité des livres de Steven Erikson, Robert Jordan ou autres George R.R. Martin, Tad Williams, Raymond E. Feist, Terry Brooks, Robin Hobb, Terry Goodkind et cie. Autant de trilogies sans fins. « La Comédie humaine » et « Les Rougon-Macquart » n’ont qu’à bien se tenir. Quand un Christopher Ruocchio ou un David Anthony Durham se limitent vraiment à trois tomes, on s’en tape sur le ventre de bonheur. La novella qui naguère s’étendait de 60 à 120 pages tire désormais jusque 170, voire plus. La taille d’un ancien Fleuve Noir. Une taille excellente, au demeurant, qui permet la lecture en une unique session…
Et voici que Bragelonne nous propose ce Mémoire de métal, court roman d’Alastair Reynolds, auteur qui, aux côtés de Stephen Baxter, Peter Watts et une poignée d’autres, compte parmi ceux qui nous offrent de la véritable SF comme on l’aime.
Non. Mémoire de métal n’est pas un chef-d’œuvre. C’est une œuvre mineure qui joue dans la catégorie des meilleurs Fleuve Noir. L’histoire est assez proche de L’Incroyable odyssée de Guy Charmasson (Fleuve Noir, « Anticipation » n° 1611) même s’il s’en écarte pour une fin à la Passengers (le long-métrage de Morten Tildum) mâtinée du Croisière sans escale de Brian W. Aldiss (1958). À la fin d’une guerre, les passagers d’un astronef prison, criminels de guerre, traîtres et déserteurs, sortent d’hibernation trop tôt – ou peut-être trop tard – et doivent faire face à une situation bien plus dramatique que tout ce à quoi ils pouvaient s’attendre tout en ayant certains comptes à régler entre eux…
Si Reynolds n’a rien mis là de nouveau sous les soleils, il joue une variation intéressante d’un air bien connu. On passe un bon moment en y prenant un certain plaisir. On oscille entre en vouloir à l’éditeur — Tom Clegg – pour ne pas nous en avoir déjà proposé maints autres – il y en a des tombereaux – et, peu étant mieux que rien, à le remercier de nous avoir déjà donné celui-ci à lire. Après « Dyschroniques » au Passager Clandestin, « Une heure-lumière » au Bélial’, et l’apparition d’« Agullo court », de l’éditeur Mille Cent Quinze et de la nouvelle collection des éditions Armada qui semblent se consacrer au format, voilà que Bragelonne se met aussi à la novella, avec cet avantage qu’à l’instar du Bélial’ et d’Agullo, ils traduisent aussi de l’inédit. C’est la vie de château, pourvu que ça dure !