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Les Trois Reliques d’Orvil Fisher

Décidément, Di Rollo ne fait rien pour convaincre ses détracteurs de changer d'avis. Ceux-là ne verront dans son dernier roman qu'un western post-apocalyptique privilégiant banalement la violence extrême qui, il est vrai, semble sa marque de fabrique. Erreur grave. La catégorie « drame métaphysique », si d'aventure elle existait, rendrait mieux compte, sans toutefois en épuiser la richesse, de l'histoire contée par l'enfant terrible de la S-F française.

Simplicité confondante des phrases (tant au plan stylistique que descriptif), pureté et linéarité de l'action, construction classique — l'apparence du roman pourrait laisser une impression de bâclage à un lecteur pressé. Mais ne nous y trompons pas. La sécheresse, la rusticité de l'écriture sert à merveille le propos. De fait, Di Rollo renouvelle la dimension tragique de son œuvre à partir du matériau le moins noble qui soit, presque le plus abondamment travaillé : ici, une banale histoire, mille et mille fois réécrite, de vengeance.

La terre, futur proche. Le désert croît, l'eau est devenue un bien aussi précieux que le diamant. Abandonné de son père, Orvil Fisher grandit à Lucité, dans un bloc miséreux rendu plus sinistre encore par le grand froid et les ténèbres de la pollution. Un soir, il assiste, impuissant, au massacre de ses grands-parents par un sniper (scène d'anthologie) qu'il va tenter à tout prix de retrouver. Ayant fait l'apprentissage de la douleur, puis du meurtre, il deviendra lui-même un tueur et éliminera, sans la moindre pitié, tous ceux qui se dresseront sur sa route. Est-ce tout ? Orvil Fisher l'orphelin ? Oui. Car il y a, dans ce personnage qui semble incarner quelque fatalité à laquelle nul ne peut échapper, une sorte d'ange exterminateur dont l'essence paraît s'être concentrée sous l'apparence d'un homme banal, ressemblant à tout le monde : désespéré et ignorant, en quête de sens, de réponses, de leçons.

« Avez-vous appris au moins quelque chose ? » répète inlassablement la girafe Kinjie. En guise de leçon, Orvil pour sa part délivre un savoir qui fait de lui un maître invisible et secret, au service de la mort mystérieuse. « Il y a peut-être un sens à la vie, et ce sens, c'est la mort qui le lui donne. » Incapable d'éprouver ni joies ni remords, qu'il s'agisse de tuer un animal, un inconnu ou un camarade, il avance de place en place livré à lui-même (à ses démons), cherchant une transcendance dans le mal alors qu'il devine peut-être ne pouvoir la trouver que dans sa propre mort.

Comment peuvent vivre un homme, un peuple qui ne croient plus en rien ? Qu'est-ce qui les fait continuer ? C'est sans doute cette fatidique absence divine, la disparition de Dieu qu'interrogeait déjà Di Rollo dans Meddik, qui a condamné l'homme à l'errance, et la terre à la sécheresse, et la nature à la tristesse, et l'âme à tenter de saisir un bonheur frelaté dans les paradis délétères de la K. Beckin ou de l'arène ; c'est cette absence qui a provoqué tous ces meurtres, remarquables (et cependant banals dans leur atroce mécanicité) ou absolument insignifiants. Orvil, comme les autres, s'ennuie. Et les jeux stupides qu'il s'invente le distraient. Tuer, oui : pour tuer l'ennui, pour tuer l'absence de sens. Car « il n'y a pas de sens […] juste un but ».

Cette liberté absolue de l'homme en proie à l'absurdité, Orvil tente de s'en convaincre — sans toutefois jamais parvenir à se libérer de la servitude que sa Némésis lui a volontairement choisie. Un but ? Orvil Fisher reste au fond la pitoyable marionnette de Milestone, le sniper. De la même façon, le sniper, machiavélique, tient d'étranges propos au tueur qui veut le liquider, en soulignant que lui seul, Milestone, en épousant la loi d'airain du déterminisme, est parfaitement libre face à des événements comme la vie et la mort où tous les hommes jouent le même pathétique rôle, répètent les mêmes phrases vides de sens, vont jusqu'à reproduire les mêmes gestes de désespoir qui jamais ne les sauveront.

Pourtant, pas plus l'un que l'autre n'est libre. Dépourvu de rêves, d'espoirs, de liens, de failles ou de sentiments, (s'ils en possèdent, l'auteur ne les révèle pas), les deux tueurs ne vivent jamais vraiment, ils survivent. Rien ne vient à bout de ces ombres, qui semblent ne plus éprouver de douleur, dont la présence au monde est incertaine. Si bien que leur liberté fausse est battue en brèche par celle, pourtant aussi risiblement contrainte, des taureaux mutants sacrifiés dans l'arène ou des girafes qui, l'espace d'un instant ineffable, remplissent l'existence spectrale d'Orvil.

La vision de ces animaux sauvages, qui traverse toute l'œuvre de Di Rollo, ne laisse pas d'intriguer. Il faut prendre un tel bestiaire comme symbole. Les animaux (donc les symboles) parlent à l'homme, qui ne les comprend pas — ou plus. Par l'arche du roman, Di Rollo semble essayer de sauver quelque chose de l'homme — des signes, des affects, des histoires — face au néant qui menace, face à la défaite de l'intelligence et de la vie. Avez-vous appris au moins quelque chose ? Raconter. Se raconter. C'est pourquoi, ironiquement, le roman se résout à la manière d'une fable, certes tragique. La tragédie humaine selon Di Rollo, ce serait peut-être cela : avoir inventé le bien, le mal ; en avoir perdu la signification ou n'en conserver que quelques traces devenues indéchiffrables.

Nanotikal

On a beau chercher, on ne voit rien à redire. C'est ça qui est frappant, finalement, dans Nanotikal : l'oubli, le tiède, l'absence de traces, voilà encore un roman qui ne vous marque pas, pas de mal à une mouche. C'est peut-être la grande réussite de l'industrie du livre qui plaît à tout le monde, donc à personne, que d'avoir inventé le roman pour les mouches. Non pas ce qu'on verrait et entendrait si l'on était une mouche (l'invu, l'inouï), mais ce qu'entendent et voient les bêtes : un monde sans négatif, une représentation qui est aussi la réalité.

Fruit de la démarche volontariste de l'éditeur vis-à-vis de la S-F européenne, Nanotikal réussit le miracle d'un livre accessible à tous, rapide, pas désagréable, dépourvu de malice et ne donnant presque jamais l'envie de dire « OFF ». Ce n'est pas ironique. Au bout de vingt pages, on s'attend au pire, mais pourtant on passe un bon moment. Economie d'énergie en sus : le lendemain, on ne se rappellera pas avoir pris le bouquin en main et il faudra faire un effort pour se souvenir de l'intrigue.

« 2136. Les Mayas, maîtres des nanotechnologies, dominent l'Espagne. Sur les ruines de Compostelle se dresse la puissante cité-état de Nanotikal. »

Le quatrième de couverture résume bien la chose, on n'en saura pas plus ; sauf que le Vatican, en retour de grâce, semble la seule puissance apte à contrecarrer les plans des nouveaux seigneurs au nez busqué. Par quel miracle une civilisation anéantie six siècles plus tôt a-t-elle bien pu renaître de ses cendres et maîtriser une technologie si avancée, au point de mener une sorte de reconquista contre l'Europe, dans un contexte géopolitique plutôt flou ? Mystère…

Le censeur Yaqui fait partie des hauts dignitaires de Nanotikal, une des cités-états établies sur la péninsule ibérique ; il a la main sur l'éducation, les communications, et l'espionnage. Symétriquement, Enrique Guerrero, bâtard maya, ancien prince de surcroît, est une des têtes pensantes de la résistance espagnole contre l'oppresseur. L'un et l'autre étaient faits pour se rencontrer…

Nanotikal va vous cocooner, comme les IA bichonnent les mayas au-delà de la prévenance. Huis clos des temples et des palais, impeccables complots, nano bombe parlante, ambiance sépia, séquences instructives sur la torture, la mythologie, les mœurs amérindiennes, on se sent lové comme chez grand-maman. Les dangers sont mous et les frayeurs décontractées, on ne rit jamais jaune. Parce qu'on est un critique élitiste et sectaire (c'est-à-dire quelqu'un qui, au regard du réalisme libéral-démagogique, creuse sa tombe), on se dit que tout ça manque un peu de méchanceté. Difficile en effet de faire plus inoffensif sur un tel sujet : comme un film de Mel Gibson (mettons Apocalypto) sans les dents. Marcus Hammerschmidt a peut-être quelque talent, mais il lui reste à travailler pour atteindre le niveau de ses compatriotes teutons (d'ailleurs publiés chez l'Atalante) Michael Marrak et Andreas Eschbach. Wait and see.

Les Mages du nil

Coucou, les revoilou !

Les Immortels, acte deux : où Eneresh, Alad et compagnie gagnent la cour de Pharaon, et ce qui s'ensuit…

Entre Mésopotamie et Egypte éternelle, d'un fleuve ou d'un désert à l'autre, rien de nouveau sous le soleil. On nage toujours en plein complot, au milieu de crocodiles perruqués, maquillés, et qui sentent bon le kyphi — dont Plutarque disait qu'il avait le pouvoir d'apporter calme et quiétude à tous ceux qui le respirent.

De kyphi, Michel Pagel, lui, n'en a guère respiré (pour notre plus grande joie) : sexe, sang, assassinat, sexe, courses-poursuites, combats, sexe, folie, rebondissements à foison, son roman réunit tous les éléments d'une vigoureuse fresque touristico-antique — jusqu'à proposer un remake fort brutal de Mort sur le Nil.

Mais résumons.

Mérenrê et Nicotris règnent sur l'Egypte. Le premier nommé est une lopette que la seconde aspire secrètement à renverser, au profit de son frère Sahoumaât. Lequel est un salaud fini, prêt à n'importe quelle horreur pour arriver au sommet. Les uns et les autres tentent de se mettre dans la poche une société d'assassins, les hommes-chats de la déesse Bastet, qui font la pluie et le beau temps dans tout l'empire. C'est dans ce contexte qu'Eneresh débarque, suivi comme son ombre mais à bonne distance par Alad, le jeune frangin rebelle. Les menées des deux frères et de leurs alliés compliquent un écheveau déjà bien embrouillé, où les marchés de dupes sont à double-fond.

Dans l'extraordinaire décor d'une Egypte baignée de surnaturel, mêlant hommes, dieux, esprits tutélaires de la Nature, le duel des mages ennemis (qui feraient passer Imhotep pour un bateleur de foire) répond enfin aux attentes suscitées par la première levée du cycle (Les Mages de Sumer), et prend même sur la fin une dimension inattendue… Les seconds rôles ne sont pas en reste, Pagel ayant le bon goût de leur ménager quelques fécondes perspectives d'avenir (mentions spéciales à la pulpeuse Ershemma et à Gurunkash — mon préféré).

Conclusion : contrairement à ce que peut laisser croire cette chronique, l'auteur n'est ni une brute ni un obsédé : outre le sérieux de la reconstitution, son récit est troussé avec style, ses vulgarités ont toujours de la classe. Moi, en tout cas, j'en redemande.

Après Sumer et le Nil, on prend rendez-vous pour Cnossos ou Mycènes ?

Le Voyage de Haviland Tuf

Le brave marchand Haviland Tuf se trouve, par le fruit d'un hasard assassin assez cartoonesque, promu au rang d'unique possesseur de L'Arche, dernier vaisseau de guerre à germes de la puissante ancienne Terre. Le bonhomme s'autoproclame aussitôt ingénieur écologue et entame un périple qui l'amène à faire étape dans plusieurs mondes et à mettre à contribution les ressources du vaisseau — cuve à cloner, chronomuteur et bibliothèque cellulaire — afin de résoudre les problèmes que lui soumettent leurs habitants. Marchand dans l'âme, Tuf négocie au mieux de ses intérêts et de ceux de ses clients les services qu'il rend. Cependant, au fil des transactions, il réévalue progressivement les intérêts de ceux-ci en tenant compte de leur nature humaine.

Pour ceux qui ne le savent pas ou qui l'on oublié, George R. R. Martin a écrit dans d'autres domaines de l'imaginaire avant de se consacrer à l'interminable série de fantasy : A song of Ice and Fire (en français, le cycle du Trône de fer, disponible en poche chez J'ai Lu). À la décharge des incultes, puisqu'il faut bien leur trouver des excuses, reconnaissons que le succès et l'ampleur (pour ne pas dire l'enflure) de cet ersatz des Rois maudits ont quelque peu éclipsé les œuvres antérieures de l'auteur, en particulier les deux romans Armageddon Rag et Riverdream, et aussi le recueil Chanson pour Lya (réédité récemment chez J'ai Lu). En ce qui concerne Le Voyage de Haviland Tuf, tous les indicateurs révèlent sans contestation possible le space opera le plus classique, pour ne pas dire le plus old school : vaisseau gigantesque doté d'une puissance dévastatrice, voyage interstellaire, découverte d'écosystèmes exotiques mais habités par des civilisations calquées sur celles de notre Histoire… On frémit d'avance ou on se pâme (cochez l'option qui vous convient) à l'idée de lire une énième variation des lectures de son adolescence. Néanmoins, les apparences sont souvent trompeuses, ce que ne contredit pas ce présent roman. En effet, il apparaît rapidement que les clichés les plus éculés du space opera sont désamorcés par la personnalité même de Haviland Tuf et par le ton volontairement humoristique adopté par l'auteur pour le mettre en situation. Grand, bedonnant, d'une carnation blafarde, de caractère débonnaire mais loin d'être naïf, Tuf ne présente pas vraiment les caractéristiques du héros irrésistible ou du mauvais garçon attachant, style Han Solo. Si on ajoute que son raisonnement est d'un pragmatisme désarmant, qu'à l'instar de ses chats il retombe toujours sur ses pieds quelle que soit la situation, et qu'il ponctue ses paroles d'interjections — bigre ! — étonnantes, il ne fait plus aucun doute que George R. R. Martin joue davantage des clichés qu'il n'en use.

En conséquence, ce roman est une lecture légère, sympathique, distrayante et dépourvue de toute prétention malvenue. Pour peu que l'on fasse abstraction des quelques coquilles et du découpage très mécanique — un chapitre égale une escale dans le voyage — on peut même trouver une qualité supplémentaire à ce texte : celle de la fable, car mine de rien, Martin intègre dans son récit deux ou trois vérités générales pas toujours très plaisantes sur la nature humaine.

Au final c'est donc George R. R. Martin et non le personnage fictif de Haviland Tuf qui s'impose comme le plus roublard des deux. Maintenant, si vous souhaitez vous reposer entre deux lectures plus exigeantes, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Le Secret de l'Empire

Lorsque s'est achevé Les Légions immortelles, premier volet du faux diptyque et vrai roman coupé en deux Succession, Laurent Zaï, le commandant de la frégate impériale Lynx, se trouvait en fâcheuse posture. Après avoir successivement échoué dans une mission de libération d'otage — la sœur de l'Empereur, quand même —, refusé le poignard de la faute de sang sanctionnant cet échec et déjoué une mutinerie, l'officier talentueux s'était vu confier une ultime mission en forme de suicide programmé. Dès l'ouverture de ce second volet, nous ne sommes pas confinés longtemps dans une attente insupportable. Tous les avertisseurs dans le rouge, les armes déployées et sa configuration interne refaçonnée, le vaisseau impérial monte à l'assaut du croiseur Rix annoncé à la fin du précédent volume. La mission est claire : détruire l'antenne mise en place par celui-ci et ainsi l'empêcher de capter le secret de l'Empire détenu par la conscience composite qui phagocyte le réseau planétaire de Legis XV.

Et c'est parti pour 158 pages (sur 440) d'affrontements par drones interposés, d'échanges de tirs avec des armes effrayantes — micro-missiles, canons à gravité, lasers et j'en passe —, d'esquives, d'accélérations gravitiques inhumaines, de joute chevaleresque (si si !), de considérations tactiques, de coups de théâtre, de sang, de décompressions explosives et de psychologie en berne ; le grand folklore habituel du space opera mais narré de manière efficace. En fait, Succession est sur ce point l'équivalent littéraire d'un blockbuster chargé à bloc. On en prend plein la tête et on en redemande. Et puis, passé cette première partie éprouvante au rythme resserré, le cadre change. Le récit alterne désormais les scènes dans l'espace autour de Legis XV et celles se déroulant dans la capitale impériale. De même, l'enjeu de l'affrontement se déplace mais cela, on le pressentait déjà dans Les Légions immortelles. L'attention se fixe sur ce fameux secret de l'Empire, pivot de la suprématie de l'empereur et de la stabilité politique et sociale des quatre-vingt mondes humains qu'il gouverne. L'auteur plonge le lecteur au centre des luttes entre factions à la cour impériale en lui faisant épouser la cause du fort empathique sénateur Nara Oxham, par ailleurs amante de Zaï. La tension change de nature et les intrigues politiques, sans être totalement tordues, restent d'autant plus intéressantes que se posent des questions déterminantes pour l'avenir de cette post-humanité.

Succession demeure un concentré jouissif d'action et de sense of wonder, il est tout à fait inutile de le nier. Cependant, le roman fourmille également de nombreuses bonnes idées et on y sent poindre en filigrane ce vertige spéculatif et ces relations troubles et troublantes entre le silicium et la chair que l'on avait perçus dans le chef-d'œuvre — j'assume l'emploi du terme — de l'auteur, L'I.A. et son double. Ainsi la touche Westerfeld opère-t-elle subtilement pour contrer une sortie d'histoire besogneuse à la Alastair Reynolds — je pense au cycle des « Inhibiteurs » en particulier —, ou décevante, façon Ken MacLeod : souvenez-vous du très récent La Veillée de Newton. Pourtant, ce second volet offre moins de moments d'intimité, comme le permettaient les flash-back contemplatifs du premier. L'heure n'est plus à la flânerie car le cadre et les personnages sont posés. Scott Westerfeld déroule donc son récit sans se perdre dans les méandres filandreux d'une intrigue qui tirerait à la ligne. Tout juste s'autorise-t-il à achever son roman sur une touche romantique — l'amour plus fort que tout — que certains jugeront peut-être too much. Qu'ils se consolent, car le récit aboutit finalement à un dénouement logique que l'on pourrait résumer par la formule de Paul Valery : toutes les civilisations sont mortelles. Fort heureusement, se permettra-t-on d'ajouter.

La fille du roi des elfes

« Nous voulons être gouvernés par un prince enchanté. »

Telle est la demande du Parlement des Aulnes à son roi lorsque commence le roman. Aussitôt le monarque, qui est bon pour son peuple, dépêche son fils Alvéric vers le pays enchanté, cette contrée magique dont les riverains ignorent volontairement l'existence et à laquelle leurs demeures n'offrent qu'un mur aveugle. Muni d'une épée forgée par la sorcière sur la colline avec des flèches de foudre qu'elle lui a demandé de ramasser, le jeune héros franchit la frontière crépusculaire du pays enchanté, combat une forêt envoûtée et séduit la fille du roi des Elfes, qu'il ramène chez lui quelques années plus tard. Les souhaits de tous semblent ainsi comblés : les amoureux s'aiment tendrement, le prince a accompli des prouesses et succède à son père, mort entre-temps, et le peuple du pays des Aulnes accueille avec joie la nouvelle de la naissance d'un héritier qui aura sans doute quelques talents magiques. Le lecteur croit que tout est terminé, mais en fait l'histoire ne fait que commencer…

Ainsi résumée, l'histoire de La Fille du roi des Elfes évoque irrésistiblement Stardust de Neil Gaiman. Le parallèle n'est pas complètement erroné mais c'est faire abstraction de l'intervalle temporel qui sépare Gaiman de son noble prédécesseur. Occupons donc l'espace que nous laissent les pages de Bifrost pour rétablir la continuité historique. Edward Moreton Drax Plunkett [1878-1957], plus connu sous son titre de Lord Dunsany, prend place parmi les auteurs fondateurs de la fantasy contemporaine. Hélas, la branche qu'il occupe et son apport thématique au genre ont été passablement occultés par l'ombre envahissante des romans de big commercial fantasy clonés à partir de la souche de J. R. R. Tolkien. Pourtant, cet aristocrate né dans une vieille famille irlandaise qui puise ses racines presque à l'époque de la conquête normande, est l'auteur d'ouvrages — essentiellement édités en France chez Terre de Brume, il n'est pas inutile de le rappeler — qui comptent au rang des précurseurs du fantastique épique au même titre que ceux de William Morris. Son influence s'est d'ailleurs exercée sur des auteurs tels que Howard Philip Lovecraft, Robert E. Howard ou Clark Ashton Smith. Plus près de nous, la fantasy antiquisante de Thomas Burnett Swann ou le roman Thomas le rimeur de Ellen Kushner entretiennent une parenté indéniable avec Dunsany, au moins dans l'esprit.

La Fille du roi des elfes, considéré comme le chef-d'œuvre de son auteur, appartient à une veine plus merveilleuse qu'épique, celle du conte. S'aventurer à le lire en faisant l'impasse sur cette réalité — surtout si l'on recherche le souffle de l'épopée, l'affrontement manichéen ou simplement les intrigues tordues de cour —, c'est prêter le flanc à la déception. Le style, qui n'est pas d'une modernité renversante, sert une narration marquée par l'emphase poétique et puise son inspiration dans la nature anglaise d'une manière très préraphaélite (où l'on retrouve William Morris, comme par hasard). Difficile cependant de nier le charme qui se dégage de la prose fleurie et contemplative de l'auteur, et l'on se surprend plus d'une fois à sourire des péripéties cocasses suscitées par l'irruption envahissante de la magie dans le monde des mortels, ou à soupirer aux côtés des personnages devant l'impossibilité à choisir entre la féerie et le quotidien prosaïque

En conséquence, La Fille du roi des elfes est une œuvre historique dont on peut recommander la lecture pour son aspect fondateur d'un genre. C'est également un roman qu'on conseillera pour le plaisir fugace qu'il procure, à condition d'aimer les contes.

La chair et l’ombre

« Il n'existe pas de frontière entre notre terre et votre esprit. Pensez-y comme au territoire d'un animal dont les frontières ne sont pas des barrières physiques mais des marques odorantes. C'est un autre jeu de dimensions. »

Ce n'est pas une enfance ordinaire qu'a connue Jack Chatwin. Dès l'âge le plus tendre, le garçon est devenu le sujet d'un phénomène étrange et inexpliqué : le miroitement. Sans crier gare, le jeune Jack plonge ainsi dans une transe — sorte de rêve éveillé — qui l'isole totalement de son environnement et le projette dans un univers préhistorique à la fois lacustre et forestier ; un rêve qu'il exsude littéralement par tous ses pores, et dans lequel il assiste en témoin à la fuite d'un couple — Visage vert et Visage gris — devant une menace qui prend l'apparence d'un taureau. Quel est ce monde ? Qui sont ces fugitifs ? John Garth, un archéologue excentrique, semble connaître les réponses. Cependant, le fouilleur est obsédé par sa propre quête : celle du cœur vivant de la cité fantôme de Glanum dont il exhume les échos pétrifiés sur toute la surface de la Terre. Cette quête finira par le dévorer au sens propre sous les yeux de Jack qui devra attendre l'âge adulte et l'irruption dans la réalité d'un des deux fantômes de ses visions pour se livrer à une introspection dans les profondeurs de son inconscient.

De Robert Holdstock, on garde le souvenir du cycle de La forêt des Mythagos ou de l'inachevé — pour l'instant — Codex Merlin (le troisième et dernier tome étant à paraître au Pré aux clercs) ou encore du recueil Dans la vallée des statues et autres récits. Peut-être même se souvient-on de son incursion dans le domaine science-fictif avec le roman Le Souffle du temps. Tous ces ouvrages sont bien sûr plus que recommandables, à la différence des titres plus médiocres de l'auteur parus chez Mnémos et au Seuil dans sa collection « Points Fantasy ». Bonne nouvelle pour nous, La Chair et l'ombre s'inscrit dans la meilleure veine de l'auteur britannique. Certes, le roman n'est pas de la première jeunesse (il est paru outre-Manche en 1996) et il peut rebuter plus d'un lecteur de fantasy habitué à d'autres ressorts. En effet, rien n'est plus éloigné des pantomimes formatées vendues sous l'étiquette fantasy que cette œuvre intimiste hantée par des visions fantomatiques que l'auteur tente d'ordonner, sans trop en dévoiler quand même, en un univers cohérent. Ce roman est davantage un écho subtilement déformé du cycle de La forêt des Mythagos qu'une redite de ces récits épiques dépouillés de la densité et de la profondeur de leurs racines primordiales. La Chair et l'ombre est une quête : celle du terreau mythique où s'enracinent les manifestations paranormales dont les échos résonnent à la fois dans la psyché de Jack Chatwin et dans son environnement proche, allant jusqu'à lui ravir sa fille. C'est une quête qui mêle physique quantique, archétypes jungiens et métaphysique. Une quête qui va mener le Moi principal, isolé, défini et autonome — le MoPIDA — de Jack à défricher un paysage intérieur façonné par son inconscient et celui de l'espèce humaine toute entière et à dresser une cartographie éphémère de cette matrice primitive du conscient où coexistent archétypes, entités spectrales issues de vies antérieures, mythes-imagos (mythagos), réminiscences préhistoriques et vestiges de croyances révolues. Evidemment, ce voyage n'est pas sans risque car le territoire traversé est aussi fuyant qu'un souvenir et aussi labyrinthique que le cerveau. Les profondeurs de l'inconscient sont une dimension où le temps n'a pas la même emprise mais où l'on peut mourir aussi définitivement que dans la réalité.

Tout ceci semble bien complexe, sauf que le roman de Robert Holdstock n'est pas seulement un théâtre où évoluent des ombres chimériques. Il est peuplé d'êtres de chair qui ne se limitent pas à un rôle d'archétype. Jack Chatwin, son épouse, l'amant de celle-ci et Visage gris lui-même ; tous ces personnages ont une existence terriblement humaine finalement. Partagées entre leur ambition et leur désir de bien faire, guidées par leur volonté de savoir, perturbées par des relations intimes compliquées et confrontées aux petites lâchetés quotidiennes, leurs existences introduisent une dimension plus psychologique dans le roman.

Bref, pour peu qu'on se laisse prendre par une narration qui suggère plus qu'elle ne dit, par des descriptions qui évoquent plus qu'elles ne montrent. Pour peu que l'on surmonte les quelques passages explicatifs sur l'inconscient et le rêve éveillé — sans doute le point le plus rébarbatif du roman —, on peut succomber au charme indéniable d'une histoire humaine qui réconcilie inconscient collectif et fantasy exigeante.

La Théorie des cordes

Un vrai roman de hard S-F publié chez Actes Sud, voilà qui surprend. À y regarder de plus près, c'est toutefois assez logique : l'œuvre de José Carlos Somoza y est intégralement éditée et l'imaginaire de ce madrilène d'adoption (trop) peu connu en France n'a cessé de dériver lentement d'un fantastique nourri de références littéraires vers un fantastique de plus en plus crédible clairement orienté science-fiction. Après l'excellent La Caverne des idées et quelques autres de la même trempe, où l'érudition permet de tordre le mythe, Somoza s'attaque à un autre mythe, plus moderne, celui-ci, la théorie des cordes. Dans une histoire impeccablement traitée qui ne déparerait pas en « Lunes d'encre » ou en « Rendez-vous ailleurs », l'auteur s'offre le luxe de jouer avec le temps (entendre, sa « dimension physique ») tout en accouchant d'un thriller horrifique des plus prenants. Malgré une quatrième de couverture inepte probablement rédigée par un stagiaire aveugle sans doute intellectuellement trop élevé pour s'abaisser à lire un livre pas sérieux, La Théorie des cordes s'impose comme le meilleur roman écrit sur la question. Avec une plume fluide et parfois hard-boiled (servie par une traduction des plus correctes, malgré quelques erreurs de débutants qui énervent le lecteur hispanisant), Somoza navigue entre plusieurs époques. 2015, tout d'abord, ou une (encore jeune) physicienne illustre la théorie des cordes devant un parterre d'étudiants avachis en dépliant une feuille de papier journal, acte anodin qui lui révèle et confirme une horreur sans nom, et 2005 avant tout, où la même (toute jeune) physicienne est enrôlée par l'illustre professeur Blanes, seul espagnol nobélisable, dont le travail tourne autour de sa propre théorie des cordes, la théorie du séquoia. Entre ses deux dates, l'inavouable s'est produit, et il faut maintenant comprendre exactement ce qui s'est passé.

Admirablement découpé, le scénario de La Théorie des cordes renvoie le plus machiavélique des scénaristes hollywoodiens chez sa mère et déroule sa ligne narrative apparemment sans heurt, se contentant d'offrir le minimum à un lecteur de plus en plus secoué par l'épouvante que subissent les protagonistes principaux. Retour en arrière (2005, donc), où une station scientifique spécialement conçue pour le professeur Blanes avec des fonds privés plutôt louches entre en fonction sur un minuscule atoll de l'océan Indien. Dans le plus grand secret, plusieurs physiciens brillants arrivent sur l'île, dont la jeune Elisa qui joue malgré elle le rôle de personnage principal. Mais la physique n'est pas tout. Deux paléontologues et un psychologue théologien accompagnent l'équipe. C'est qu'il s'agit ici de contempler des images du passé, arrachées au temps via un processus effroyablement compliqué (et intelligemment décrit, d'ailleurs, même s'il reste imbitable pour le néophyte). Images du quaternaire ou image de la Jérusalem de l'an 33, comme vue depuis un satellite des plus modernes… Seul hic, l'Impact, ce choc psychologique inattendu et néfaste qui perturbe profondément l'esprit de ceux qui voient de telles images. Un choc violent qui fait craquer les nerfs des plus solides caractères et qui vaut à la petite équipe d'être traitée comme des pestiférés potentiels par la société qui finance toute l'opération. Si les choses semblent se dérouler correctement, Elisa commence à éprouver d'étranges sensations. Bientôt, des rêves l'assaillent, des rêves horriblement violents et sexuels dans lesquels elle sert d'esclave à une ombre dont seuls les yeux blancs sont visibles. Et quand un drame se produit sur l'île, c'est toute l'expérience qui cesse brutalement et qui dissémine les scientifiques aux quatre coins du monde. 2015, Elisa Robledo constate que la mort effroyable de certains de ses ex-collègues ne peut être le fruit du hasard. Quelqu'un ou quelque chose les élimine. Mais pourquoi ? Ne serait-ce pas simplement la folie qui les guette tous ?

Plongée psychanalytique dans l'univers des Dix petits nègres à la sauce Planète interdite, le roman de Somoza se dévore d'une traite et horrifie peu à peu son lecteur avec ses descriptions impeccables et cette sensation d'angoisse étonnamment bien rendue. Sexe, mort, tourments de l'inconscient et surprenante illustration d'une théorie physique séduisante, La Théorie des cordes fourmille d'idées géniales. Géniales, car elles n'inventent rien (ou si peu), mais recyclent avec bonheur l'histoire classique de la noirceur humaine. Ajoutez à cela quelques gouttes du meilleur des romans à suspense, et vous obtenez un livre d'une exceptionnelle facture, à découvrir au plus vite. Espérons qu'il ne passera pas inaperçu dans la petite communauté des lectrices et lecteurs de S-F.

Night Watch

Débarqué en France presque discrètement, Loukianenko n'a pas vraiment déplacé les foules. Peu ou pas de couverture presse, retours critiques minimalistes et notable absence de notoriété dans le petit monde fandomesque, Night Watch a pourtant de quoi séduire : vampires, démons, vodka, hallucinations, drogues et âpre réalité moscovite, le tout mélangé violemment dans une sorte de vaste cocktail déconnant mêlant polar et fantastique, voilà qui est tentant.

Hélas, L'Express du 23 novembre 2006 nous met la puce à l'oreille en citant l'éditeur : « … l'auteur tient tout autant d'Asimov et de Stephen King que de Bernard Werber… » Pareil parrainage ne peut que rendre malade, d'autant que la couverture criarde renvoie celle d'Aztechs (éditions du Bélial') au rang des madones Renaissance… Bref, la première pierre d'une trilogie russe culte, « vendue à plus de 3 millions d'exemplaires et qui fascine la planète » démarre mal sous nos longitudes. Quelques mois plus tôt, on avait d'ailleurs pu voir le film, Night Watch donc, sorte de machin post-punk filmé aux amphétamines, monté à la tronçonneuse et sonorisé dans une poubelle (métallique) qui pouvait amuser quelques minutes, mais quelques minutes seulement. Après la bataille, quid du livre ?

Surprise, malgré l'inévitable affrontement bien/mal qui structure l'ensemble, Les Sentinelles de la nuit n'est même pas un mauvais roman. Soyons clairs, ça n'est pas non plus un bon roman, disons que c'est quelque chose d'honnête, d'assez barré dans son genre et de suffisamment drôle pour faire passer quelques pilules. Pour les amateurs de société russe post-brejnevienne (et donc pro-chaotique), la lecture du très recommandable livre de Womack (De l'avenir faisons table rase — Denoël) suffit, mais force est de reconnaître que Loukianenko ne manque pas d'intérêt. Quelques mots sur le contexte, quand même : dans un monde où l'ombre affronte la lumière depuis l'aube des temps, il est utile de mettre un peu d'ordre et d'organiser plus efficacement l'affrontement. En conséquence, les deux camps mettent en place une sorte d'avant-garde chargée de surveiller les agissements des uns et des autres et s'assurer que personne ne franchit la ligne jaune. Nous avons les gentils d'un côté et les méchants de l'autre, sauf que rien n'est simple, que les rôles se mélangent parfois et qu'il arrive même que les partisans des deux camps doivent s'unir pour rétablir l'ordre quand l'un des Autres (c'est leur nom, que voulez-vous) déconne trop. Et d'ailleurs, justement, puisqu'on en parle, c'est ce qui arrive dans le livre, en plein monde moderne. Un complot (mais lequel ?) menace cet équilibre précaire. Il va falloir régler ça. Et discrètement, si possible, les humains ne devant, en principe, se rendre compte de rien…

Sur une trame (on le voit) archi-classique, Serguei Loukianenko promène son lecteur de délires en délires, dans un pays où les vampires sont allergiques à la vodka, où les cafards rodent et où les démons sont de vrais rebelles nihilistes. Mais le principal attrait des Sentinelles de la nuit, c'est la façon dont Moscou est décrite. Sorte de vaste chaudron de sorcières dans lequel tout est possible (même l'impensable), la capitale russe est un merveilleux décor, moite et glauque à souhait, qui suffit à lui seul au roman. Malgré ces quelques bons côtés, il ne reste pas grand-chose du livre une fois la dernière page tournée. Réjouissant, certes, rigolo, d'accord, plaisant, admettons, mais guère plus. Pas de quoi s'énerver, donc.

Aux limites du son

Étanche aux aléas éditoriaux et à toute forme de compromission littéraire, La Volte publie ce qu'elle veut, quand elle veut et comment elle veut. Un constat réjouissant, qui autorise Mathias Echenay (Monsieur La Volte, donc) à s'aventurer sur des terrains a priori interdits aux autres. Témoin, cette très belle (littérairement et physiquement) anthologie plus ou moins dédiée au défunt et fameux groupe Limite qui rassemble sept plumes prestigieuses (de Berthelot à Curval en passant par Jouanne ou Barbéri) en plus d'un CD musicalo-bruitiste de haute tenue. Plaisir des yeux, donc (merci à Jef Benech' pour l'excellent habillage de l'ensemble), mais aussi plaisir des oreilles, puisque tel est le sujet. Recherche sur la structure et sur la langue, nous dit le manifeste du mouvement Limite fondé vers le milieu des années 80 et clairement orienté vers une S-F plus adulte, plus littéraire, plus expérimentale, plus audacieuse en un mot. De fait, les sept textes qui composent Aux limites du son forment un tout cohérent à défaut d'être parfaitement intelligible. On se dit que les auteurs — comme l'éditeur, d'ailleurs — ont voulu se faire plaisir, et on aura bien du mal à leur en vouloir, tant ce plaisir est communicatif, même si toutes les nouvelles ne fonctionnent pas de la même façon. C'est sans doute inévitable et c'est tant mieux, l'idée restant de toucher (mais de toucher vraiment) un public réduit plutôt que de racoler le plus grand nombre. À défaut de tout comprendre (le faut-il nécessairement, d'ailleurs ?), on a le droit de se laisser bercer par la musique des mots et celle des sons. On citera par exemple les très beaux morceaux Il n'y a pas de raisons de s'inquiéter (DDAA) et La danse de Lugrustan (BeNe GeSSeRiT), tous deux inspirés respectivement par les très beaux textes « Dies Irae » (Barbéri & Jouanne) et « Mes relations avec Lugrustan » (Philippe Curval, qui « remplace » Volodine au menu Limite et y ajoute son humour très personnel). À noter également la très curieuse « Symphonie inaccessible » de Francis Berthelot, qui raconte la quête musicale d'un homme à travers les âges et les incarnations et qu'on a pu « entendre » in situ aux dernières Utopiales de Nantes dans une sorte de happening plutôt réussi. Bref, on l'aura compris, Aux limites du son est de la race des livres qui font du bien, tant par leur différence que par leur provocation. La preuve que l'imaginaire n'est pas formaté et qu'une autre littérature est possible.

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