Dictionnaire de la Science-Fiction
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Chacune devant leur clavier ou à quatre mains, les soeurs Korb écrivent depuis une vingtaine d'années. Avec un bonheur à peu près constant et dans des genres très variés — même si leur préférence semble aller désormais à la littérature pour la jeunesse. De Laurence seule — qui n'était pas encore Lefèvre — j'ai conservé le souvenir très fort de ce bel et étrange roman : Paris-Lézarde, paru en 1977 chez Calmann-Lévy. La même a récemment publié l'étonnant Week-end infernal, dans la collection « Vertige Fantastique » de la Librairie Hachette — ce court roman fonctionne comme une mécanique parfaite à la manière d'un « Chair de Poule » réussi ou d'un bon épisode de La Quatrième Dimension. L'œuvre de Liliane m'est moins familière, elle est au moins l'auteur de La créature d'un autre monde, dans la collection « Faim de Loup ».
Un recueil co-signé Liliane Korb et Laurence Lefèvre, qui plus est placé ouvertement sous le signe de l'altérité et dédié à Fredric Brown, ne pouvait donc qu'attirer l'attention de l'amateur à la fois de forme courte et de SF classique que je suis !
Les Voyageurs de l'infini propose cinq nouvelles ayant pour point commun de mettre en scène des extraterrestres de passage sur notre planète. Il s'agit véritablement de Science-Fiction classique — au sens le plus précis de terme. La référence à Fredric Brown n'est en rien abusive : l'écriture est précise, fluide et soignée ; le ton est léger ; l'humour est omniprésent ; les variations de point de vue donnent une diversité d'approche et les chutes sont toujours bien amenées — celle de la dernière nouvelle, Les éclaireurs, repose sur une véritable trouvaille et « piège » même un lecteur adulte ! Ajoutons que ce recueil est illustré avec beaucoup de bonheur par un certain Gess dont je ne sais malheureusement rien (Membre de « l'écurie Delcourt », Gess est notamment le dessinateur de la série Carmen McCallum. Il semble s'intéresser depuis peu aux couvertures de romans : ainsi retrouve-t-on son nom sur un certain nombre des bouquins de l'Atalante. Voilà pour ton info, Francis. NDRC)
Les Voyageurs de l'infini est un des meilleurs livres de Science-Fiction pour la Jeunesse publié ces dernières années. À placer entre toutes les mains ! Grandes ou petites…
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Si le nom de quelques personnages ou de certains lieux laissent un instant à penser que l'on retrouve là l'un des mondes bien connus de Stephen King, la lecture de ce récit oblige rapidement à se rendre à l'évidence : il s'agit là d'un nouveau royaume tout droit sorti de l'imagination du romancier du Maine.
Ni récit de pure terreur, ni introspection pénétrante, Les yeux du dragon est purement et simplement un conte de fées, mais un conte de fées à la manière de Stephen King.
Au fil de ce récit, on croise ainsi des princes, des chevaliers et même un dragon. Il manque toutefois une belle princesse dont le héros pourrait s'enamourer. Il y a bien évidemment un diabolique sorcier aux pouvoirs terrifiants nommé Flagg ou encore l'Homme Noir. Mais, lorsque le temps est enfin venu, la noirceur de cette âme damnée et les actions maléfiques de ce sombre Machiavel ne résistent pas longtemps face à la pureté d'un héros sans peur et sans reproche, le roi Peter.
Personnages simplistes pour une histoire simple, Peter, son frère Thomas et tous les autres n'ont pas la complexité habituelle des héros de Stephen King. Mais c'est là une chose normale lorsque l'on sait que Les yeux du dragon est bel et bien ce qu'il parait être, un simple conte de fées écrit par l'auteur pour sa fille Naomi et publié en tirage limité en 1984 par Philtrum Press, la maison de micro-édition de Stephen King. La version proposée ici par Pocket (et celle présentée en 1987 par les Editions Albin Michel) correspond à l'édition grand public de Viking Press amplement revue et corrigée par King.
En fait, le plus intéressant dans ce conte de fées à la manière King est de voir comment ce récit peut s'intégrer de façon cohérente au grand œuvre du romancier. Sorcier maléfique, Flagg est certainement une incarnation ancienne de cette vivante personnification du mal qui hante les pages du Fléau, autre roman de Stephen King. Et il suffit d'une phrase au romancier dans le second volet de La Tour Sombre pour réussir à faire le lien avec le monde de Roland le pistolero, lorsqu'il écrit : « Sur les talons de Flagg, étaient survenus deux autres personnages, des jeunes gens respirant le désespoir mais n'en dégageant pas moins une aura sinistre, et qui se nommaient Dennis et Thomas. »
Sans être le plus passionnant des livres écrits par Stephen King, Les yeux du dragon est un récit agréable à lire même si quelques péripéties supplémentaires auraient pu apporter le brin de folie ou le grain de piment qui manquent par instant. À noter enfin que Les Yeux du dragon a déjà été publié en France dans une édition illustrée par Christian Heinrich par Albin Michel d'abord, puis par Pocket « Junior Frissons », avant d'intégrer la désormais classique collection « Terreur ».
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Si je vous parle d'un environnement radicalement extrême, de créatures géantes redoutées, d'un jeune homme auquel ces monstres parlent en rêve et qui doit conduire son peuple, tel un messie, vers un territoire de légende, que me répondez-vous ?
Eh bien non, il n'est pas ici question du Dune de Frank Herbert, mais plutôt du dernier roman de Laurent Genefort (son dix-neuvième !), Les Croisés du vide, tout juste paru aux éditions Fleuve Noir. Car à défaut d'un monde de sable nous nous contenterons d'un monde de gaz, faute de vers nous aurons des méduses, et Jahol dans le rôle de Paul.
Cette entrée en matière un tantinet abrupte pourrait à tort donner une idée négative du bouquin en question. Genefort a ses maîtres, ses grands inspirateurs. Il ne s'en est jamais caché. Et si ici la filiation est particulièrement marquée, cela ne signifie en rien que Les Croisés du vide est un mauvais roman, bien au contraire…
Olsgor est une planète géante gazeuse. Dans les méandres de ses bandes nuageuses agitées et mortelles, les humains vivent au sein d'énormes cités volantes n'ayant que peu de contacts entre elles. Coupés du reste de l'univers depuis des siècles, les hommes ont peu à peu perdu la maîtrise des technologies de pointes et vivent de la culture de verlichen et de chivre, de chasse aussi, notamment celle du lévian, sorte d'énorme méduse. Ainsi s'écoulent les jours à bord du Tixuarima, une cité-dirigeable régie par la stricte loi d'une organisation basée sur les castes et où le pouvoir semble s'équilibrer entre les mains du capitaine Baltagui et celles de la prêtresse Sorane'Leks. Précaire équilibre en fait que les visions « divines » de Jahol ne tarderont pas à rompre, provoquant la discorde et la guerre…
On le sait depuis longtemps, Genefort n'est jamais aussi à son aise que lorsqu'il s'attaque à un environnement spécifique. Et quoi de plus spécifique qu'une planète exclusivement constituée de gaz mortels ? Une manière de gageure dont l'auteur se joue avec une réelle aisance. Idem pour l'intrigue, certes très conventionnelle, et l'enchaînement narratif du roman, qui se lit d'une traite et nous apporte son quota d'évasion et d'imprévus. On regrettera pourtant le parti pris d'un unique point de vue narratif, celui du jeune Jahol, qui restreint considérablement l'impact et l'ambition des Croisés du vide. Où Herbert (pour reprendre notre idée initiale de filiation) pêchait volontiers par excès de strates narratives, Genefort, lui, fait dans l'extrême simplicité. Résultat un roman sympathique, certes, mais un regret aussi, celui de voir une bonne idée inscrite dans un cadre étonnant s'affadir par manque d'ambition (de temps, d'envie ?). Il y avait peut-être là de quoi faire un chef-d’œuvre, Genefort en a fait un bon roman. Ce n'est déjà pas si mal, évidemment.
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Une fois de plus la collection « Fantasy » de l'éditeur Rivages se paie de la Science-Fiction. Mais rassurez-vous, le Diable est bien de la partie…
Valerio Evangelisti recourt à un artefact que les lecteurs de Roland C. Wagner connaissent bien de ce côté-ci des Alpes : la psychosphère (voir la série des Futurs Mystères de Paris au Fleuve Noir). Ainsi trouve-t-on chez Evangelisti un concept très proche d'espace imaginaire habité d'archétypes, toutefois le fond culturel qui sert de substrat à ces récits diffère on ne saurait davantage d'un auteur à l'autre. Alors que Wagner nous plonge dans un Paris futur, Evangelisti nous immerge dans l'Aragon du bas moyen-âge et le fait vivre avec un art consommé. Aussi une idée commune ne devrait pas dissuader les lecteurs rebutés par Wagner d'y aller jeter plus qu'un coup d'œil.
Pour expliciter son texte, Evangelisti fait basculer le paranormal dans le champ de la physique par le biais de la fort loufoque théorie des psytrons. Bien sûr l'auteur n'est pas dupe une seule seconde de son artifice ni n'entend nous abuser, à témoin l'introduction où la théorie rejoint une pile de barjoteries du même tonneau. Ce n'est qu'un outil littéraire et les extraits du Livre de Frullifer, des monuments à la gloire du charabia pseudo-scientifique. Evangelisti prend un malin plaisir à pousser la suspension de l'incrédulité dans ses derniers retranchements.
Du coup, les voyages interstellaires sont possibles sous forme de projection dans l'espace imaginaire. Il y a déplacement spatial mais aussi temporel. Voici donc le Malpertuis sous le commandement du sinistre Prometeos et de l'abbé Sweetlady ( !) lancé dans un safari métaphysique censé leur permettre de capturer l'un des dieux de l'Olympe.
Pendant qu'ils chassent la divinité en l'an de grâce 1352 sur Gamma Serpentis, dans le royaume d'Aragon Nicolas Eymerich s'impose comme l'inquisiteur général. Bien vite, il lui apparaît qu'une terrible conspiration y est ourdie contre la Chrétienté. La théorie de Frullifer suppose des médiums à même d'imprimer aux psytrons les informations nécessaires à leur retour hors de l'espace imaginaire, ce qu'est justement Maria, la fille du roi Pierre IV Autour d'elle, le Père Arnau et Elisen Sentellès Valbuena ont comploté le retour de Diane sur Terre lors d'un gigantesque sabbat. Enquêteur fin et inspiré, Nicolas Eymerich y mettra bon ordre pour rejoindre le club des grands détectives de l'étrange.
Ce qui importe à Evangelisti, c'est la mise en scène historique et le combat de la Chrétienté pour s'imposer. Les positions de l'inquisiteur et de la sorcière ne manqueront pas de nous interpeller. Les sorcières se vouant au culte de Diane revendiquent l'harmonie de leur corps et de la nature et reprochent à l'Église chrétienne et « masculine » son matérialisme et son rationalisme. Il gît là un faisceau de contradictions sur lesquelles le lecteur pourra s'appesantir. Grever le système de superstitions chrétien de rationalisme n'est sans doute pas le moindre des paradoxes et l'on peut se demander si le corps et la nature sont moins matérialistes que la métaphysique de l'Eglise. Le décalage historique induit un questionnement intéressant sur la Chrétienté et les réactions qu'elle peut susciter aujourd'hui comme jadis.
Traduit de l'italien par l'auteur de polar Serge Quadruppani, ce premier roman de Valerio Evangelisti consacré à Nicolas Eymerich est d'une originalité plus que suffisante pour inciter la lecture du second tome paru simultanément chez le même éditeur.
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Ce premier roman de la série des « divertimenti » mettant en scène le voleur Drake Maijstral fait tout honneur à ses prétentions : on s'y amuse, vraiment.
Il ne s'agit pas de Fantasy mais bien de Science-Fiction, de cette SF à la Jack Vance récemment publié dans la collection (voir article dans Bifrost 07). Sur fond d'empire galactique, Walter Jon Williams brode une société raffinée, sophistiquée, aux allures furieusement Renaissance où l'assaut de courtoisie est de rigueur. Cette débauche de raffinement n'est pas sans rappeler Ian McDonald : mais là où McDonald est sombre, Williams est enjoué, son écriture gorgée d'un humour tout en finesse, d'une trop rare saveur, tant dans les réparties que dans les diverses situations souvent bouffonnes.
SF certes, mais qui ravira tant les amateurs de Fantasy que ceux de romans de capes et d'épées façon XlXe siècle ; il y a là de l'Arsène Lupin, du Zorro, du Rocambole, et on savoure du début à la fin. De somptueuses villas sont dévastées, la ferblanterie robotique répand volontiers ses rouages à même le marbre, mais les antagonistes s'en sortent toujours avec quelques bosses et seule la grande méchante brute se voit occire d'une jardinière en plomb sur l'occiput. Williams préfère réunir tout ce joli monde pour une pavane en salle de bal. Tout commence d'ailleurs ici et s'achèvera de même : un jeu, rien qu'un jeu.
Après avoir été conquise par les Khosali, la Terre a secoué le joug impérial et s'en est libérée, créant une situation politique inédite et tendue cependant que la Haute Coutume continue de présider aux rapports sociaux de l'aristocratie. C'est dans ce contexte que réapparaît sur le catalogue d'une vente aux enchères un reliquaire cryogénique impérial contenant le foutre de l'empereur Nnis CIVème. Ainsi qu'il se doit, Maijstral le dérobe mais sa mère, la comtesse Anastasia, impérialiste convaincue, fait enlever sa commanditaire, Amelia Jensen, une farouche indépendantiste. Maijstral la délivre et l'abuse financièrement… Et l'affaire se poursuit jusqu'à un dénouement qu'il vous faudra découvrir par vous-même. On se plaira à rencontrer toute une galerie de personnages hauts en couleur que l'on ne manquera bien sûr pas de rapprocher de la série d'Anthony Villiers, le dandy aventurier créé par Alexeï Panshin (lire l'article sur les « Petits Maîtres de la SF » consacré à cet auteur dans Bifrost 05) qui est probablement le plus proche parent littéraire de Drake Maijstral.
La problématique est ténue, totalement fondue en arrière-plan, hors sujet mais nullement absente. Cette société civilisée et policée où les conflits se subliment dans la subtilité plaît manifestement à son auteur-créateur. Fin observateur de la nature humaine, Walter Jon Williams jongle avec les intérêts personnels, les fidélités collectives et le code de l'honneur de ses protagonistes ; entre un cynisme de bon aloi et un idéalisme bien tempéré, existe une large frange où s'abattent les gens raisonnables. Quant aux racistes, ils n'héritent que de la part du pauvre. Williams offre même à ceux qui se sont fourvoyés sur cette voie de volter vers une sortie honorable.
Sous la plume de Walter Jon Williams, le divertissement se pare des atours du grand art. Il nous régale d'une esthétique somptueuse et sensible, aussi attend-on la suite tout piaffant d'impatience.
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Un an après L'ombre de Mars, Raymond Clarinard revient, cette fois en solo, avec un nouveau space opera de meilleure facture que le précédent. On se souvient que L'ombre de Mars était un roman perclus d'incohérences qui commençait comme une fiction martienne moderne à la K. S. Robinson et trouvait sa conclusion à la manière de Leigh Brackett. Avec La cité sans mémoire, Clarinard ne réitère au moins pas ce travers. Il pose une bonne fois son univers, un cadre stellaire dominé par l'Empire Martien et y intègre tous les éléments ; on ne régresse plus dans l'histoire du genre au fil des pages.
La planète Monkcheh est assiégée par l'Empire Martien à qui elle donne du fil à retordre, aussi, bien des gens nourrissant quelques acrimonies envers l'Empire s'apprêtent à forcer le blocus. Ainsi le cargo proximien Tam Habulla ramène-t-il chez lui le seigneur de la guerre de Monkcheh, Omi-Yama, après une infructueuse tournée diplomatique. Par malheur, le briseur de blocus terrien T. S. Keiretsu est en retard à son rendez-vous avec le destroyer pirate Osiris. Celui-ci décide d'arraisonner le Tam Habulla qui s'écrase dans une gigantesque cité dérivant dans le cosmos. L'Osiris est également piégé par la cité. Un commando envoyé pour s'emparer de la cargaison du cargo disparaît dans la ville déserte… Quel horrible secret renferment les murs de ce monde mort ? Voilà ce que l'auteur nous invite à découvrir…
Les péripéties s'accumulent sans que toutes les questions posées soient résolues. La psychologie est plutôt sommaire, l'action prime. L'empreinte de Leigh Brackett ou de la C. L. Moore période Northwest Smith marque encore ce deuxième roman. Malheureusement, toute poésie fait cruellement défaut. La cité sans mémoire voit son écriture rester désespérément fade, froide, stérile et pâle, dénuée de toute saveur. Cette écriture se veut peut-être le reflet de la vacuité de la cité et des êtres qui la hantent, mais il en résulte une édulcoration certaine du sense of wonder qui ne laisse au lecteur que l'action pour s'accrocher. Au final un second roman qui, bien que plus cohérent que son prédécesseur, restera anecdotique.
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[Critique de l'édition originale américaine parue en février 1998 chez Avon Eos]
Est-il encore nécessaire de présenter Gregory Benford ? Doit-on rappeler qu'en plus d'un écrivain de hard science à succès il est également physicien et donc très au fait de son sujet de prédilection, à savoir, la science ? Écrire de la Science-Fiction est pour lui l'occasion de faire vivre l'au-delà de la connaissance arrachée à Dieu et livrée à son imagination. Elle lui permet de donner une réalité à ses théories les plus folles.
Le point de départ de Cosm est une question posée par des physiciens bien réels : est-il possible de créer un univers en laboratoire en utilisant un tunnel quantique ? Pour ceux qui souhaitent s'adonner à la réflexion théorique, Benford conseille de lire l'essai du même nom (qui l'a lui-même inspiré). Pour les autres, Benford se livre à un petit exercice de style en imaginant les résultats d'une telle création.
À la suite d'une expérience ayant mal tournée, l'héroïne de Cosm découvre un objet semblable à un boule de bowling et qui s'avère être le résultat d'un Big Bang à toute petite échelle.
Benford aurait pu nous offrir une description vertigineuse du résultat de ce mini-Big Bang mais il tente plutôt d'en faire la toile de fond d'une histoire humaine, celle des chercheurs impliqués dans cette découverte. On les suit de réunions du conseil en soirées de célibataire et on partage leurs misères, qu'elles soient gros rhume ou devoirs à corriger. Le problème est que les héros de Cosm sont beaucoup plus passionnés par leur expérience que par leur vie affective — et comment les en blâmer ?
Le résultat ressemble à un long compte-rendu des expériences tentées et des spéculations émises, mâtinées d'intrigues universitaires et d'infortunes sexuelles.
On se laisse prendre au jeu mais on ne peut s'empêcher de regretter de ne pouvoir aborder la grande découverte que par son côté le plus ingrat.
Les forts en maths et les universitaires du milieu seront sans doute les seuls à pouvoir apprécier Cosm à sa juste valeur, les autres devront se contenter d'un bref aperçu de la vie des premiers.
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[Critique de l'édition anglophone du roman.]
Avec Children of the Mind s'achève la saga d'Ender commencée par le magistral La stratégie Ender. Ender est un personnage au lourd passé, il a commis un xénocide avant de perdre ses dents de lait et s'est racheté par la suite en parcourant l'univers au cours de milliers d'années planétaires pour faire entendre la voix des morts.
Children of the Mind reprend l'action là où Xénocide l'avait laissée. La planète Lusitania abrite une tripotée d'espèces vivantes : les Pequeninos, les Doriphores, quelques humains, une intelligence artificielle nommée Jane et la descolada : un virus tout aussi intelligent que mortel. Les troupes du Congrès sont en route avec le projet de tous les exterminer, menaçant de commettre un quadruple xénocide. Pour Ender, c'est une chance inespérée de laver enfin son nom en sauvant la situation… Seulement Ender est fatigué, et… nous aussi.
Le récit s'essouffle notablement et seules quelques théories bien amenées lui permettent de tenir la route. La découverte de la véritable nature de Jane qui révèle le rôle de l'amour en tant que force agissante de l'univers est de celle-là.
Card est également un créateur de monde efficace : en s'appuyant sur des théories géopolitiques intéressantes il nous propose ici une vision éclairante de la culture japonaise et nul ne peut contester sa maîtrise de la xénologie. Il parvient à donner vie à deux espèces différentes dont le cycle biologique relève d'une admirable inventivité. Le travail de Card souffre toutefois d'un excès d'ambition (de gourmandise diraient certains) : il veut suivre trop de directions et animer trop de personnages. Le rythme de Children of the Mind en souffre et l'on voit les crises éclater et se résoudre avant d'avoir le temps de s'y intéresser.
On ne peut, enfin, s'empêcher de noter au passage que si Children of the Mind est censé achever la saga Ender, Card se ménage toutefois la possibilité d'une suite en amenant ses personnages à découvrir la planète d'origine de la descolada. Et de conclure que le mécanisme des suites multiples est certainement fructueux mais il peut devenir lassant, voire malhonnête.
Vraiment lorsqu'il s'agit d'Orson Scott Card, on ne peut que regretter qu'il ne se consacre pas plutôt à l'un de ces chefs-d'œuvre dont il a le secret. Le temps n'est-il pas venu de définitivement faire mourir Ender et de passer à autre chose ?